samedi 29 juin 2013

Le grand charottage

Publié aux défis Du Samedi sur le thème: Souvenir de vacances
 
 
 
Je me souviens qu'autrefois à l'inverse d'aujourd'hui, l'été commençait bien avant le vingt et un juin et excepté le Dudule et ses éternels leggings, on gardait short, sandalettes et chapia de paille jusqu'à fin septembre.
Parmi les nombreux évènements qui ponctuaient les vacances, le feu d'artifesses du quatorze - comme disait mon frérot - la messe en latin du dimanche, les vachettes d'Intervilles et l'arrivée de la moissonneuse lieuse Mac Cormick arrivaient très loin derrière le grand Charottage.
Il faut dire que le grand Charottage était une institution, l'Evènement incontournable, une tradition immuable dans la famille depuis que l'oncle Hubert avait dégoté ses deux chevals - un blanc et un pie - à la grande foire de Semur-en-Auxois.
 
J'ai toujours eu du mal avec le cheval et encore plus avec son pluriel et mon oncle ajoutait à ma confusion lorsqu'il me reprenait d'un ton bourru: "On dit ch'vau quand y 'a plusieurs ch'vals, bougre de beuzenot! mais on dit charotte qu'y'ait qu'eune charotte ou plusieurs charottes!"
Bref, je trouvais plus commode de dire Filochard et Ribouldingue puisqu'on les avait ainsi rebaptisés dès leur arrivée à la ferme.
Il avait aussi ramené une polonaise mais ça c'est une autre histoire qui fit bien du tintouin dans la famille et dont j'ai pas prévu de causer ici.
Ainsi donc le matin du grand Charottage nous trouvait debout avant le coq, fin prêts pour une expédition qui allait durer toute la journée et nous sauver du même coup des corvées d'arrosage, de cueillette des cassis, d'équeutage des haricots verts et de tâches ménagères plus chiantes les unes que les autres...
 
Le harnachement des deux pieds nickelés - qui patachaient déjà - était une affaire d'homme et tandis que l'oncle Hubert bandait courroies et croupières, on fourbissait la charotte, assurait les ridelles, tendait la bâche et chargeait les paniers du pique-nique pour finir par le tirage au sort du gagnant de la place de copilote.
Nos chamailleries se terminaient toujours dans un formidable claquement de fouet qui ébranlait l'équipage et nous forçait à sauter in extremis sur l'unique banquette de bois où on allait taler nos culs tout à loisir.
Nous allions encore en prendre plein les mirettes, les oreilles et les narines, attraper le virot et claquer des dents mais à chaque fois c'était un plaisir renouvelé et je n'aurais pas laissé ma place même pour la collection complète des aventures de Chick Bill en Arizona sur papier glacé!
Vue l'heure matinale notre bruyante traversée du bourg ne passait jamais inaperçue et les paris allaient bon train pour deviner lequel des villageois hériterait du plus beau crottin devant sa porte! La mère Gautherot dont le potager faisait bien des jaloux a dû en récolter plus qu'à son tour...
 
Je n'ai toujours pas compris comment une oreille de cheval pouvait saisir les "Hue" et les "Dia" tant les roues cerclées faisaient un bruit d'enfer. Pourtant nous n'avons jamais versé au fossé, même dans les épingles serrées qui menaient à la Combe de Lavaux.
Les croupes des chevaux - cette fois j'aurai réussi mon pluriel - ondulantes, leur puissant fumet à nous faire regretter celui de nos chaussettes, le martellement changeant des sabots au gré des pavés, du sable et de la terre, les inquiétants grincements de la vieille charotte et surtout nos cris incessants ne cessaient qu'à la halte de midi et toujours dans cette même clairière que nous avions choisie pour sa fraîcheur, sa bonne odeur de pin et son frais ruisseau où l'oncle Hubert trempait l'Aligoté...
 
Comme nous, Filoch' et Riboul' mégeaient leur pitance d'un solide appétit avant que nous emporte une sieste bien méritée qui nous menait jusqu'au tintement de quatre heures.
Le retour était plus triste, les bricoles plus lourdes et nos cris moins joyeux; le coeur lesté d'émotions diverses, on abordait la descente vertigineuse vers le bourg, sabots de freins bloqués et mâchoires serrées (les nôtres) comme pour retenir le temps qui nous menait inexorablement vers septembre et la rentrée scolaire.
Dans un dernier hennissement, notre attelage franchissait la cour de la ferme où nous attendait déjà le grand baquet de bois et le savon de Marseille pour un décrassage incontournable.
Une fois dételés, délestés des guides, barres de fesses et autres chaînettes les ch'vals retournaient à l'écurie et l'oncle Hubert à sa polonaise sans même passer par le baquet de bois mais ça, c'est une autre histoire. 
 

mercredi 26 juin 2013

Duel

 Paru aux Impromptus Littéraires
 
 
 
 


Chez nous un banquet ne pouvait être un vrai banquet sans les histoires de l'oncle Hubert qu'il racontait sans qu'on l'en ait prié et auxquelles nos chastes et juvéniles oreilles n'entendaient rien.
Je me trouvais ce jour-là assis en face d'Anastazia.


Dois-je rappeler - pour ceux qui n'ont pas suivi - qu'oncle Hubert avait épousé sa polonaise parce qu'elle avait cette opulence des femmes slaves qui savent profiter des bonnes choses, le mollet humide et l'oeil galbé à moins que ça ne soit le contraire, un fort accent qui disparaissait après quelques rasades de vodka et la meilleure recette de bortsch au monde, enfin bref.
Toujours est-il que je n'avais jamais remarqué qu'elle eut de si longues guibolles au point de réussir à me faire du pied sous la large table du banquet.
Comme je repliais - honteux - mes jambes sous le banc, son pied me rattrapa fermement sans que je puisse lui échapper. Je n'osais la regarder mais je crus bien voir son oeil ribouller tandis que l'oncle - mon rival malgré moi - débitait ses sornettes dans l'hilarité générale.


Comme tous les autres sauf moi, Anastazia gloussait - et une polonaise qui glousse c'est un spectacle - engoncée dans un costume traditionnel particulièrement ajusté d'où dégâillait et tressautait sa non moins plantureuse paire de seins.
Déjà au front de l'oncle Hubert pointaient deux vilaines cornes et je n'osais imaginer quelle arme il choisirait pour laver l'affront sur le pré lorsqu'il aurait découvert notre liaison naissante!
Je ne valais pas tripette contre lui d'autant qu'il portait toujours sur lui cette fameuse amulette qu'il prétendait tenir du petit fils du grand-père de l'arrière grand-père d'un soldat inconnu qui l'avait arrachée en 1683 sous les murs de Vienne au grand vizir Kara Mustapha en personne, juste avant sa décapitation par le sultan Mehmed IV... mais vous saviez déjà tout ça.
D'un simple appel du pied sous la table, sa poméranienne venait de jeter son dévolu sur moi, faisait fi des vingt cinq ans et des quatre vingt centimètres qui nous séparaient et risquait fort d'être ma veuve avant que nous ayons consommé!


Jambes flageolantes et le souffle coupé je tentais de survivre, esquivant tour à tour les oeillades assassines de ma furie et les clins d'oeil dont l'oncle Hubert émaillait son histoire et qui semblaient ne s'adresser qu'à moi.
N'y tenant plus je guettais les applaudissements des convives qui me permettraient de faire diversion et de fuir l'inévitable massacre quand un jappement impérieux éclata sous la table et coupa le sifflet de l'oncle!
Quiconque a déjà coupé un sifflet ne peut imaginer à quelles sanctions il s'exposerait devant l'orateur de notre famille, mais déjà Gavroche - le briard du restaurateur - sautait sur mes genoux pour me lécher comme si on avait gardé les moutons ensemble. Bizarrement tante Anastazia avait le regard moins brillant et les cornes de l'oncle Hubert s'étaient rétractées comme par enchantement.


Profitant de la confusion je jartai Gavroche aux cuisines d'une tape inamicale et glissai un oeil furtif sous la table: sous son tablier brodé Anastazia avait des jambes normales, enfin des jambes de polonaise et le duel allait attendre! 
 

Carabosse

Sur un thème proposé par Mil Et Une
 
 

 
 
 
On était pourtant bien autrefois tous les deux
toi gaie comme un pinson, moi qui partais heureux
et la fleur au fusil
 
C'est vrai qu'à trop marcher j'abusais du canon
mais tu savais si bien pour un oui pour un non
mettre le feu aux poudres
 
Et puis tu as changé et j'ai fermé les yeux
pendant que tu pointais un de ces beaux messieurs
dans ta ligne de mire
 
Tu as cru qu'en amour aussi tout est permis
je pense à ces gredins, à tous ceux qui t'ont mis
le doigt sur la gachette
 
De mon conte de fée tu n'es que Carabosse
il ne me reste plus que cette vieille crosse
au creux de mon épaule
 
Tu as trop roucoulé, tortillé du croupion
cette fois c'est fini, allez! Prends pour de bon
la poudre d'escopette
 

dimanche 16 juin 2013

Histoire du vapo par le petit bout

 
Publié sur le site MilEtUne d'après cette image du site Vetiver
 

 
 
 
 
Dans l'Antiquité les servantes s'emplissaient la bouche de parfum pour mieux le recracher en brouillard sur le corps de leur maîtresse!
“C'était quoi ça?”
“Euh... Herpès de chez Herpès, maîtresse”
“Mouais! Pas terrible! Essaie plutôt Soir de Pâris”
Il fallut quand même attendre la fin du dix neuvième siècle pour qu'on arrête de cracher sur les femmes sous prétexte de les parfumer.
Surtout connu pour son ouvrage “Physiologie du Goût”, l'illustre gastronome Jean Anthelme Brillat-Savarin n'a pas seulement donné son nom à un fromage triple crème mais est aussi l'inventeur de “l'usine à gaz” qui depuis 1870 encombre les coiffeuses, les salles de bains et les boudoirs des dames qui sentent bon.
Le vaporisateur permet d'atteindre des endroits insoupçonnés du corps, c'est sans doute pour cette raison qu'on parle de parfums de niche!
Mais Attention! Pas de vaporisation sans une bonne poire... on en trouve d'ailleurs de toutes les formes et toutes les couleurs, tout comme leurs utilisatrices.
Pour les frileuses la poire est munie d'une “chaussette” qui peut - paroxysme du luxe - se terminer par un pompon de soie, d'où l'expression “se pomponner”.
Pour les voyageuses, la poire est devenue étanche, évitant ainsi des inondations de sacs de toilette et des scènes de ménage.
“Je t'avais bien dit que ton truc avait une fuite”
“Mon truc s'appelle Corrida, Madame! Et il m'a coûté la peau des fesses”
Que de citations en son nom:
“Qu'importe le packaging pourvu qu'on ait l'adresse” semble avoir dit Alfred de Musset.
“Je pompe donc je suis” n'a pas été revendiqué à ce jour.
“Dis moi ce que tu sens, je te dirai qui tu es” a surement dit son inventeur Jean Anthelme.
Jean Anthelme - celui-là il fallait l'inventer - ignorait que quelques siècles plus tard son vaporisateur occuperait des petits taïwanais qui injectent, soudent les coques et fabriquent les buses plus vite que leur ombre tant leur technique est maitrisée.
Leurs ingénieurs travailleraient sur un système qui permettra de maîtriser la dose de pulvérisation, impossible à faire aujourd’hui, quelle que soit la pression exercée.
Songez mesdames que tandis que vos jolis doigts exercent une pression sur la poire, quelque part en Chine des chercheurs se prennent le chou (le pe-tsaï chez eux) afin d'optimiser ce nuage de fragrance sans lequel tout homme normalement constitué ne se retournerait pas sur votre passage.
Je ne peux finir sans une note discrète en évoquant la concurrence asiatique par cette fameuse contrepèterie qu'est la pression des nippons sur la Chine.  


lundi 10 juin 2013

Les fées de mai

  Publié aux Impromptus Littéraires
 
 
 
 
De saint Brieuc à saint Hilaire
De saint Chéron à saint Mamert
elles mènent un train d'enfer
En mai les fées ont fort à faire
 
Sur les pelouses et les fougères
les potagers et les parterres
crucifères, ombellifères
En mai les fées peignent du vert
 
Finies les rimes de travers
celles qui grelottent en hiver
enfin des rimes en primevères
En mai les fées brodent des vers
 
  Le pays entre en récession
c'est blanchiment et corruption
mais que fait la rose trémière?
En mai les fées sont aux affaires
 
En exhibant leurs saints de glace
elles se vautrent, se prélassent
mais il leur faudra bien, hélas
aux fées de juin laisser la place
 
 

Pastis

  Publié sur le site MilEtUne d'après ce tableau de Manet
 

 
 
 
 
“Allez trinquons cousine, et mangeons un morceau!
Je suis des Batignolles, vous du quartier Monceau.
Ne sentez-vous donc pas tout ce qui nous rapproche
voulez-vous du gateau, un thé, une brioche? ”
 
“Cousins! Vous êtes un rapide, vous alors! Bien beau que je daigne salir mes bottines à franchir la barrière de Clichy pour vous être agréable...”
 
“Etes-vous insensible à la beauté des lieux?
Songez qu'un maréchal il y a soixante ans
avant que de céder résista bravement
à ces envahisseurs, cosaques de banlieue!”
 
“Ainsi vous m'avez privée d'une sieste pour me baratiner cette histoire aussi folle qu'ennuyeuse! Sait-on seulement s'il est vrai que ce père Lathuille nourrit et abreuva nos soldats pour soustraire ses réserves à l'occupant?”
 
“Si fait! Il leur a dit: Buvez, buvez gratis
 ne laissez pas une bouteille de mon vin
je ne livrerai pas mon secret du pastis
ni celui du ...”
 
“Cessez de faire des vers à chaque fois que vous vous adressez à moi. Et puis je doute qu'il y ait eu du pastis à l'époque! Vous devez confondre avec l'absinthe”
 
“C'est vrai cousine, j'avoue que je n'ai rien trouvé d'autre qui rime avec gratis mais ceci n'enlève rien à la majesté de ce lieu que votre éblouissante présence réhausse de mille éclats...”
 
“Et bien voilà! N'est-ce pas mieux en prose, cousin? Mais pour les mille éclats, je me disais encore ce matin que je manquais de bijoux”
 
“Vous m'avez appelé cousin? Puis-je espérer vous emmener danser à la guinguette toute proche?”
 
“Vous voulez parler de celle qui est en face de Boucheron, le joaillier?”
 
“Euh... ça doit être ça”
 
“Courons-y vite, cousin! Ils ferment tôt le samedi!” 
 

samedi 8 juin 2013

Poème Bretonnant

à la manière d'André Breton et à la demande des Défis Du Samedi
 



“Dans le salon de Madame des Ricochets
Les miroirs sont en grains de rosée pressés
La console est faite d'un bras de lierre
Et le tapis meurt comme les vagues”


Dans le salon de Madame des Ricochets
La pendule à queue de chat s'arrête au bout d'un moment
Et les lustres de guimauve répandent leur halo sucré
Sur des parquets d'eucalyptus fumants.


Dans le salon de Madame des Ricochets
Le piano girafe joue inlassablement des coudes
Pour mieux tutoyer un bonheur du jour


Quand Madame des Ricochets réclame son thé
On remonte à clé le majordome jusqu'au grand Clic  







lundi 3 juin 2013

Gourmand croquant

Si Pierre de Ronsard voit ce qui précède les rimes de son poème "Marie, qui voudrait votre beau nom tourner" il risque de faire la grimace... mais c'est le thème imposé aux Impromptus Littéraires
 
 
 
 
 
 
 
Je sens qu'en ridicule ils vont tous me tourner
j'hésite entre vapeur, étouffée, bain-Marie
Marthe, sainte tambouille, aide-moi je t'en prie
je sais qu'on l'a trop dit mais “je vais tout donner

Je les vois aux pianos, hacher, se démener
comme si d'une farce en dépendait leur vie
ils tournent, lardent, bardent et je n'ai qu'une envie
avoir l'idée du siècle et à bien la mener...

Le jury soupçonneux découvre enfin “ma chose
répandue devant eux et que je leur propose...
sur leurs langues d'aspic le fiel vient de passer
 
La seconde bouchée sera-t-elle meilleure?
mon piment des squelettes, sournois, attend son heure
je sens qu'ils s'asphyxient et qu'ils vont trépasser   

 
 
 

samedi 1 juin 2013

Le Nautilus

 Publié pour le 248ème Défi Du Samedi
 
 
 
Lac des Settons
 
Elle faisait aviron cinq mètres, tout au plus cinq mètres cinquante et s'appelait - on ne sait pourquoi - Le Nautilus, en tout cas il nous fallu écoper vingt minutes avant d'y poser les pieds au sec.
Oncle Hubert avait insisté pour louer celle-ci car - disait-il - il la sentait bien.
Moi je trouvais surtout qu'elle sentait le moisi avec ses bancs tout déniapés et que ça viaunait le poisson pourri à en choper le virot!
 
Comme on se chamaillait pour savoir qui prendrait les rames, l'oncle expliqua qu'elles possèdent un côté qui plonge dans l'eau et un côté qui donne des ampoules... et nous montra comment prendre l'instrument par le bon bout c'est à dire par celui qui donne des ampoules.
Il ajouta que quand la rame ne repose pas sur la barque - dans cet objet qu'on nomme joliment la dame de nage - on appelle ça une pagaye et c'en fut une belle tellement on s'était mis à ramer comme des manches.
 
L'oncle Hubert nous ayant traités de berlodiaux et autres qualificatifs locaux en prit un (manche) dans chaque pogne et sur sa tête la lourde responsabilité de notre mener à bon port avant la nuit.
Dire qu'on appelle ça 'ramer en couple' relève de la plus pure invention puisqu'Anastazia (*) avait eu la prudence de rester à la maison.
“Regardez bien” dit-il en s'asseyant dos à la pointe “voilà ce que c'est que ramer à la ponantaise” et on comprit bien vite qu'on ne serait pas assez de quatre pour le guider dans la bonne direction.
Notre but était le grand barrage de granit au bout du lac des Cheutons (les étrangers disent Les Settons) où on espérait apercevoir quelques belles gueules de brochet.

S'il avait fait sa préparation militaire marine à Marseille sans jamais quitter la cantine des sous-officiers, oncle Hubert en avait gardé parait-il une solide expérience et comptait bien nous la faire partager.
Très inquiet du roulis qui s'amplifiait à chaque coup de rames, Petit Pierre ne fut pas plus rassuré quad oncle Hubert eut rétorqué "qu'une mer calme n'a jamais fait un bon marin".



Pour l'heure un rayon de soleil entre deux gros nuages noirs éclairait sa face rubiconde, éclatant témoignage de son effort et il se fendit d'un “O Sole Mio... Che bella cosa e' na jurnata 'e sole” assez déplacé et copieusement farci de canards!
Ses vocalises furent subitement interrompues par une grosse rabasse tombée d'un nuage d'encre et qui nous laissa tripés et gaugés jusqu'aux os en moins deux minutes.
On dut se résoudre à écoper à nouveau tant l'eau montait, et consoler Petit Pierre qui chouinait de plus belle.
Paradoxalement si on était trempés, on n'y voyait goutte et l'oncle jugea plus prudent d'abandonner sa nage à la ponantaise pour godiller, tourné vers l'avant.
Je reste persuadé qu'il avait surtout les fesses talées et grand besoin de se décramper les jambes.
Pour le novice que j'étais, je dirai que la godille - telle que oncle Hubert la pratiquait à cet instant - est une sorte de danse entre le twist et le mashed potatoes censée faire avancer l'embarcation et qui eut pour seul effet de nous faire perdre notre dernière rame.
 
Sur le barrage un forcené nous faisait des grands signes et finit par nous lancer un grappin qu'oncle Hubert manqua de peu de prendre dans les dents!
C'était le père Némot, le loueur de barques venu à notre rescousse et sans qui je ne pourrais relater cette aventure aujourd'hui.
Notre commandant Hubert avait baissé les couleurs dans la plus pure tradition de la marine - livide et claquant des dents - remis Le Nautilus à son propriétaire et pris congé à grandes enjambées en nous poussant devant lui.
 
On ne court jamais très vite dans des pantalons trempés mais à l'idée de nous requinquer autour du bortsch fumant qu'aurait mitonné Anastazia, on regagna la maison aux premières étoiles.
Ce que j'aime plus que tout chez la femme slave - je ne connus jamais que celle-là - c'est sa propension à ne jamais poser de questions... et ce fut bien ainsi.
 
 
(*) Anastazia: Voir le Défi#209 si le coeur vous en dit