samedi 31 octobre 2015

Les doigts violets

Publié aux Défis Du Samedi







Tu sais pas ce qu'elle m'a dit, Charlotte !”

Euh... non, dis pour voir”

Si j'te dis c'est pas pour voir... c'est pour que t'écoutes”

Ouais ben dis z'y quand même”

Elle a dit comme ça que j'étais pas cap de mettre mon doigt dans son nombril”

Et alors?”

Au début j'ai dit non et pis...”

Ben moi j'hésite jamais quand y s'agit d'mettre un doigt dans la confiture ou dans l'Nutella. Mon vieux y dit toujours Telle paire telle vice”

Ton vieux y met aussi son doigt dans les nombrils?”

Non, lui c'était dans l'encrier”

C'est quoi un encrier?”

(Soupir)

Y en a plus aujourd'hui. C'était comme qui dirait un coquetier mais au lieu des mouillettes y z'y trempaient une plume d'oie”

Une plume d'oie comme à l'époque des hommes des cavernes?”

C'est ça”

Mais il a quel âge ton vieux?”

Il a pas d'âge, c'est mon vieux”

Et ça servait à quoi qu'y mette son doigt dans l'coquetier?”

Y dit qu'ça avait un goût trop bon même si ça faisait les doigts tout violets et qu'y prenait une avoinée”

Et alors, Charlotte?”

Je t'ai dit que j'ai hésité et pis j'me suis dit comme elle m'avait déjà laissé croquer dans son choco-Prince et qu'y m'était rien arrivé... alors j'pouvais y aller franco”

Et tu l'as mis dans son nombril?”

Ouais, enfin je crois passe que j'étais gêné par son cartable en bandoulière”

Elle porte son cartable sur le ventre, Charlotte?”

Non... elle me tournait le dos, gros naze!”

T'es en train d'me dire que les filles elles ont aussi un nombril dans le dos?”

Les autres filles, je sais pas mais Charlotte, oui. C'est comme le coquetier puisque ça fait le doigt tout violet”

Fais voir!!”

On voit rien maint'nant que ma vieille m'a mis un pansement”

ça faisait vachtement mal alors?”

Ca fait mal au début mais les autres fois on sent que dalle”

Passeque tu l'as fait plusieurs fois?”

Ben une fois à droite et une fois à gauche”

Charlotte elle a deux nombrils dans le dos?”

Comme deux coquetiers, j'te dis! Je sais pas où ses vieux y lui ont acheté son cartable, mais y'a comme un coquetier à droite et un autre à gauche”

Et Charlotte, elle avait mal aussi?”

T'aurais vu comment elle était soulagée quand l'cartable s'est détaché”

Dis donc, tes coquetiers c'était pas plutôt des fermetures ou des attaches?”

Possible. J'y connais rien en cartables”

Et après t'as touché ses nombrils?”

Après quelqu'un a rallumé la lumière... c'était Madame Mangin, l'instit des CE2”

Quelle lumière?”

La lumière de là où qu'on range les cartables, gros naze!”

Passeque tu trifouillais les coquetiers dans l'noir?”

C'est Charlotte qu'avait entendu sa frangine dire que c'est mieux dans le noir la première fois”

Et la Mangin, elle a dit quoi?”

Que j'avais rien à foutre là pendant la récré, surtout avec cette Charlotte”

Finalement t'as pas été capable de mettre ton doigt dans son nombril”

N'empêche que ma vieille dit que j'ai vécu une belle expérience de vie mais qu'y faut faire gaffe passe que des fois ça s'infecte et après ça peut donner un canari!”

Un canari comme un piaf?”

(Soupir)

Un canari c'est un truc qui s'attrape quand le coquetier est sale”

T'es sûr que ceux de Charlotte y z'étaient propres?”

Pas sûr... vu qu'elle avait déjà demandé à Kevin avant moi”

A Kevin? Moi, à ta place je surveillerais le pansement”

T'as pas tort”

C'est marrant que Kevin qu'est toujours plus fort que tout l'monde, il y soit pas arrivé!”

Tu devrais essayer, toi - Telle paire telle vice - qui mets toujours ton doigt partout”

Bof... tu sais, moi les filles”






lundi 26 octobre 2015

Bagatelle



A la demande des Impromptus Littéraires, j'ai ouvert la valise aux souvenirs et trouvé cette photo


Lycée technique Mars-et-Roty (Puteaux)  1968



J'ai mis plus de temps à balayer les toiles d'araignée dans mon cerveau que dans cette vieille valise, pas à cause de la piètre qualité d'une photo presque cinquantenaire mais parce que je n'ai jamais été doué pour les souvenirs ni pour la drague non plus.
De toute façon Charlotte était l'unique fille à fréquenter le lycée technique, alors les candidats étaient légions quelle que soit leur spécialité.
Quand je revois nos trombines - j'ai reconnu la mienne, la seconde en haut à droite - je me dis que je n'étais pourtant pas le plus moche mais la séduction - avec ou sans cravate - ça ne s'apprend pas dans les bouquins.
Ne cherchez pas Charlotte sur la photo, elle n'y est pas et pour cause... derrière la photo on lit encore 1968, époque érectile s'il en est, tant pour ceux qui montaient des listes antisèches de BTS que pour ceux qui érigeaient des barricades sur le boul'Mich, et Charlotte était de ces derniers.

Je sais que ça peut faire rire mais j'étais fils de Puteaux et Charlotte fille de Garches, enfin c'est comme ça que disaient les ricaneurs. J'ai jamais su pourquoi elle venait de si loin chaque matin pour passer sous le triste porche du bahut dans cette étroite rue Mars-et-Roty.
Combien d'anciens potaches ignorent encore aujourd'hui qui étaient Mars et Roty.
Un confiseur et un boucher-charcutier?
Je découvre à présent qu'en 1844 les sieurs Mars et Roty - tous deux entrepreneurs de maçonnerie à Puteaux - ouvrirent dans un terrain leur appartenant, une rue de cinq mètres et quatre-vingt-dix centimètres de large (le registre des délibérations d'un Conseil municipal est d'une précision diabolique) qui en ligne presque droite, débouche d’un côté sur la rue Poireau, de l’autre sur la route de Suresnes et qui n’était ni cailloutée ni pavée, donc peu propice aux manifs estudiantines de l'époque!

L'immense carton à dessin au format A1 qu'on devait apporter chaque semaine et les bleus de travail pour l'atelier mécanique qu'il fallait laver au même rythme, c'était pas fait pour Charlotte.
L'atelier de chaudronnerie à l'odeur âcre de métal surchauffé et la salle des génératrices - monstres prêts à s'emballer à la moindre erreur de branchement - c'étaient des trucs de mecs et pas pour une mignonne petite révolutionnaire.
Pourtant elle n'était jamais aussi craquante qu'avec les mains noircies de limaille et les joues souillées de graisse rose; on aurait dit un Gavroche au féminin.

Le vendredi on faisait sport, ou c'était le jeudi, quelle importance. On nous emmenait en procession pour courir au bois de Boulogne, c'était pratique. Y avait que le pont de Puteaux à traverser pour gagner le vestiaire du bord de Seine, une construction basse - une sorte de casemate - qui empestait l'embrocation et la sueur des mecs qui étaient passés avant nous. Charlotte, forcément elle entrait jamais au vestiaire avec nous.
Savoir qu'on était déjà dans Paname malgré toute cette verdure, ça nous faisait pousser des ailes dans le dos et aussi quelques boutons sur le front.

Là, on allait courir un 'cinq mille' qui faisait inéluctablement cinq kilomètres vu qu'on n'a jamais dévié d'un mètre de cette allée qui fait le tour de la Plaine de jeux.
Sur le parcours - du côté plus tranquille de la Route de Sèvres à Neuilly - on voyait plein de filles maquillées dans des voitures qui s'arrêtaient souvent mais on nous interdisait d'y toucher, même si ça s'appelait Bagatelle.
Parait que c'est plus des filles maintenant.
Au 'cinq mille' je rêvais de rattraper Charlotte mais elle courait trop vite pour moi.
Je revois maintenant ses jambes de gazelle et ses petites fesses que les plus lents et les mateurs avaient tous en point de mire.
Et puis est venu le temps chaud des barricades en même temps que les exam et ça je m'en souviens car c'était un sacré bordel !
Autant on oublie le calme plat, autant on se souvient des tempêtes.
On disait bordel alors que le grand Charles disait chienlit* mais ça n'a rien changé, c'était le bordel... du coup j'ai gagné le droit de repasser l'année suivante mais c'était plus pareil.
On n'a jamais revu Charlotte - notre anarchiste en jupons - et bien que redoublant je courais de moins en moins vite... je crois bien que j'étais devenu vieux.

Oui j'étais vieux et - comme d'autres générations de vieux avant moi - j'allais pousser la porte du marché du travail au risque d'oublier à jamais ce qui furent sans doute les meilleures années de ma jeune vie, celles des cartables trop remplis qui vous filent une scoliose, celles des classes de neige, celles d'un vélo trop lourd qui me portait sous le poncho ruisselant des pluies d'octobre, celles de la règle à calcul et du pied à coulisse, celle du transistor au germanium et de l'algèbre de Boole, celle … je sens que ça revient.
Promis, un jour je ferai le grand ménage dans ma tête et je raconterai tout ça.


chienlit ou chie-en-lit désigne un personnage du Carnaval de Paris en chemise de nuit avec le postérieur barbouillé de moutarde





samedi 24 octobre 2015

Cinquante nuances de rouille

Publié aux Défis Du Samedi sur le thème du système D




Dans le logis seigneurial du château de La Pirouette, on s'affaire, on ferraille dur, on fourgonne, on tisonne à qui mieux mieux.

"Si fait mon bon Colin! Cette fois j'ai cru ouïr un petit clic"
"Las! Dame Jeanne, ce n'est que mon canif qui cliquette
et non point votre ceinture qui gâchette"
"Hâte-toi mon ami, j'ai la gorge qui poudroie, la fesse qui rougeoie et l'entrejambe qui flamboie"
"Dame Jeanne je vais de mes doigts empressés
libérer vos trésors du piège embarrassés"
"Ah il suffit mon Colin! Cesse de me vouvoyer en cet instant critique et pour l'amour du ciel, perds ces vers"
"Celui qui persévère
Dame Jeanne c'est moi
en forçant de travers
j'ai écorché mon doigt".
"C'est une égratignure Colin, de la roupie de sansonnet. Songes à ton Seigneur qui guerroie par monts et par vaux, engoncé lui aussi dans sa carapace. Allons, fi des citations, si cette clé n'ouvre rien va t'en au plus vite en quérir une autre"
"Diriez-vous Ma Dame que d'autres en ce château possèdent le précieux sésame?"
"Tu vois mon bon Colin, sans ces vers ridicules on comprend beaucoup mieux ce que tu dis"
"Dois-je entendre Dame Jeanne que d'autres vaisseaux libertins empruntent votre écluse à marée descendante?"
"Pour sûr mon bon Colin, et je dois l'avouer... à marée montante pareillement. Les croisades sont si longues et les Dames d'aujourd'hui si libérées"
“Oyez! Oyez ce petit clic, Dame Jeanne.
Après tous ces efforts cette fois nous y sommes
j'entrevois la fourrure, rousse comme l'opossum”
“Cesseras-tu ces vers ringards à la fin? Et ton petit clic est bien loin du grand choc espéré!”

"Euh... et auprès de qui trouverai-je un double de clé Dame Jeanne?"
"Va t'en quérir Arnaud et Roland mes serruriers qui se la disputent sans cesse... ou encore Margot ma servante si ceux-là n'y sont point... sinon Johan mon ferronnier saura venir à bout de ce tas de ferraille!"
"J'ignorais que Margot votre servante possédât elle aussi un vaisseau"
“Mon pauvre Colin tu es bien innocent! Vaisseau, grosse péniche ou frêle esquif, tout est question d'inventivité. Nous autres Dames libérées appelons ça le système D”
“J'imagine que ce D signifie détrousser ou dévisser, Dame Jeanne”
“Que nenni, D comme dépanner mon pauvre Colin. Trafiquer les ceintures est devenu de nos jours un sport national. N'as-tu point entendu parler de cet ouvrage... Cinquante nuances de rouille?
“Euh... non, noble Dame”
“Mon brave Colin, aujourd'hui si tu ne désopercules, comment veux-tu, comment veux-tu...”
“Dame Jeanne, je n'ose croire que vous vous mettiez à versifier en cet instant critique?”
“C'est ta faute, pauvre nigaud. As-tu seulement songé à m'oindre de cette huile que me rapporta Messire de sa dernière chevauchée en terre étrangère?”
“Dame Jeanne, je n'ai aucune confiance en ces onguents trois-en-un estampillés Fait en Turquie. Cette odeur de poisson pourri m'ôte toute envie d'aller plus avant. On dit que:
Si mauvaise serrure attire un crocheteur
de l'huile sur le feu est travail d'amateur”
“Pour la dernière fois, cesse de versifier et cours à la poterne chez Maître Castoche avant que je m'aille rafraîchir le fondement dans les douves"
“Chez Maître Castoche? Là où on trouve pioches, mailloches et tournebroches?”
“Si fait Colin ! Je n'en connais point d'autre”
“J'ai bien entendu parler d'un roi Merlin chez qui nos envies prennent vie, Dame Jeanne mais il n'est point du royaume de France”
“Assez parlé, Colin! File chez Maître Castoche... je sens que je me pâme”

lundi 19 octobre 2015

Revenante



L'Ombre de Dracula planait sur le château
à en faire trembler la lune grimaçante
on eut dit qu'on buvait aux gorges innocentes,
au mur était inscrit un sanglant... Hémato.

J'ai toujours eu la poisse et comble de déveine
je suis Ô... Nom de Dieu, donneur universel
des vampires la proie crue, à la croque-au-sel
un nectar raffiné coule dedans mes veines.

J'allais périr ainsi quand je lus dans la glace
ce prénom Otaméh signé au rouge à lèvres
qu'une belle de nuit avait calligraphié.

Bien vite au creux du lit je lui chauffai la place
ainsi donc ce frisson n'était qu'un coup de fièvre
je restai sur mes gardes, abruti, mortifié...



samedi 17 octobre 2015

On the rocks

Publié sur le site MilEtUne d'après l'illustration de John Emms





“Regarde papa! Des chiens de chasse!”
“Ouais fiston, laisse-moi lire l'écriteau: c'est des foghounds”
Les chiens: “Non, nous on est pas des foghounds. Woof”
“Papa, papa! C'est des chiens qui parlent”
“J'ai entendu, c'est des chiens qui causent et qui rapportent... c'est pour ça qu'on les appelle des chiens de chasse”
Les chiens: “Evidemment puisque hound ça veut dire chien de chasse. C'est quoi votre problème?”
“No problem, mais vous êtes censés chasser le fog puisque c'est écrit là”
Les chiens: “ça doit être une erreur, et nous on n'est pas là pour chasser les erreurs. Woof”
“Et pourquoi vous ne chassez pas le fog si c'est écrit fog?”
Les chiens: “Le fog ça se chasse tout seul Môssieur, comme la brume... y a qu'à attendre, c'est pas notre conception de la chasse”
“Pourtant il y a un g... ou alors l'erreur est ailleurs, ils ont voulu écrire dog et pas fog”
Les chiens: “N'importe quoi! Doghound c'est un pléonasme, c'est pas un chien! Woof!”
“Dis papa, ça se chasse le pléonasme?”
Les chiens: “On chasse le renard, fiston. Pour la traduction, demande à ton dab qui est plus malin que tout le monde!”
“Ils chassent le renard, fiston vu qu'on dit fox en anglais”
Les chiens: “C'est facile, maintenant qu'on l'a dit”
“Dis papa, pourquoi c'est tout écrit en anglais?”
“C'est pour que les visiteurs du monde entier comprennent la marque des chiens”
“Parce que le monde entier parle anglais?”
Les chiens: “C'est surtout parce nous sommes anglais! Et puis on n'est pas une marque, on est une race. Woof”
“Dis papa, c'est quoi une race?”
“Euh... c'est un sujet à éviter en ce moment, fiston... regarde cette bouteille qu'on leur a donnée?”
“Oui papa, c'est encore écrit en anglais dessus... je vois Cutty-Sark”
“Du Cutty-Sark? Y se mouchent pas du pied pour des chiens de chasse”
Les chiens: “Le Cutty-Sark, c'est peut-être pas fait pour les chiens mais nous on fonctionne à ça, c'est une tradition chez les foxhounds. Woof”
“Dis papa, comment y font pour boire à la bouteille les chiens?”
“Je suppose qu'on leur donne des pailles, fiston. D'ailleurs ils en ont fait toute une litière”
Les chiens: “Le Cutty-Sark, c'est On the rocks Môssieur et les glaçons uniquement à l'eau neutre... une Speyside Glenlivet sinon rien!”
“Viens fiston, ils ont un caractère de chien ces trois-là”
“T'as raison papa, y z'ont l'air aussi aimables que l'espagnol breton de tante Marthe!”
Le chien mâle: “On devrait pas laisser entrer les mongols dans les expos canines! Tiens Lisbeth... sers-moi z'en un bien tassé... Woof”
La femelle: “Pas maintenant, darling. Y vont nous servir les hot-dogs dans dix minutes!”





Commentarius

Commentarius (Pense-bête en français) publié aux Défis Du Samedi




LUNDI :
Faire toute la lumière sur l'empire des ténèbres. Pour faire simple, inventer l'interrupteur-à-faire-le-jour-et-la-nuit.
Allumer la lumière pour voir ce que ça donne
Trouver un slogan comme Fiat lux, et lux fuit”.
Créer le dictionnaire latin-français parce que “Que la Lumière soit et la Lumière fut”, ça a plus de gueule.
Ne pas oublier d'éteindre ce soir

MARDI :
Séparer les eaux du dessus des eaux du dessous. Pour faire simple, créer le mouillé et le sec et aussi un truc entre le mouillé et le sec que j'appellerai l'horizon.
Faire un tour d'horizon avant d'éteindre ce soir
Penser à bien rester au sec pour la nuit et noter de créer plus tard (inventer d'abord le plus tard et le plus tôt) la couche d'incontinence

MERCREDI :
Mettre beaucoup de vert sur le sec: pelouse, gazon, savane, lande, chanvre, cannabis
Mettre des algues sur le mouillé: procaryotes, eucaryotes et plein de trucs en yote sauf le coyote (essayé: ne nage pas bien)
Prévoir un truc bien noir que j'appellerai pétrole pour les marées sur les plages
Dessiner le jardin d'Eden et créer les fameuses délices (penser à créer certains féminins pluriels)
Faire établir des devis chez Monsanto et chez Vilmorin pour en prendre de la graine et des semences.
Commander les arbres fruitiers chez Jardi Landes: un arbre de vie et aussi un arbre de la connaissance du bien et du mal du genre pommier, figuier ou citronnier... bref, un arbre à pépin pourvu qu'il y ait la place pour un serpent (à créer vendredi) .
Créer la pelle Prévert pour ramasser les feuilles mortes, les sentiments et les regrets aussi
Ne pas oublier d'éteindre ce soir

JEUDI :
Faire livrer deux luminaires de chez Tubonéon (un grand pour le jour et une veilleuse pour la nuit)
Créer les étoiles: des filantes, des montantes, des scintillantes et aussi une plus grosse pour mes rois mages.
Créer les époques, les années: les civiles, les sabbatiques, les bissextiles pour emmerder les gens, la bonne année sans oublier de créer l'année prochaine.
Inventer les mois, (les jours et l'agenda) non pas ça, c'est déjà fait
Créer les RTT(1/3 Rhum, 1/3 Téquila, 1/3 Tabasco) et inventer la modération.
Créer l'interrupteur crépusculaire pour les luminaires parce qu'il y en a marre de se relever pour éteindre
Créer le tarif Heures Creuses

VENDREDI :
Créer des bestioles vivantes en commençant par les poissons puisque c'est leur jour:
  • Des poissons pour le mouillé (maquereau, morue, thon, d'autres poissons à naître et des poissons panés)
  • Des oiseaux pour le sec (butor, chouette, faisan, linotte, oie blanche, pape, rapace)
  • Du bétail (veau, vache, cochon, couvée, laitière, pot-au-lait) et d'autres trucs en tail qui vont avec, comme portail et épouvantail.
Inventer les reptiles (dinosaures, ptérosaures et plein de trucs en saure), les serpents de mer, les charmeurs et les clarinettes
Rajouter un monstre dans le loch Ness et la cornemuse pour le tourisme écossais

SAMEDI :
Créer mes dernières bestioles vivantes: un Homo mâle (sapiens ou erectus, faudra voir) que j'appellerai homme.
Une Homo femelle (sapiens ou erectus aussi, y a pas de raison) que j'appellerai femme de l'Homo.
Les fertiliser pour qu'ils croassent ou qu'ils croissent et qu'ils se se multiplient à l'infini.
Organiser pour ce soir un speed dating au jardin d'Eden (penser aux accessoires, musique de Sinatra ou de Marvin Gaye, des feuilles de vigne de chez Détache-Moi, etc)


DIMANCHE :
Créer le JDS (pas les Jeunes Démocrates Sociaux, mais Mon Jour du Seigneur)
Inventer les boules “Qui est-ce” et demander aux deux Homo mâle et femelle de faire ça en silence.
Créer le tiercé



mardi 13 octobre 2015

L'effet Mikado

 Publié aux Impromptus Littéraires






Qui aurait pu imaginer qu'en Chine cinq siècles avant J-C, la chute malencontreuse d'une baguette jaune dite “samouraï” et valant dix points allait révolutionner le monde feutré des jouets pour enfants sages et créer un véritable scandale qu'on appellerait l'effet Mikado?
Dès lors, l'Empire Céleste ouvrait grand la porte à tous les excès.
 On vit alors des enfants jouer au boomerang au risque de se faire prendre à leur propre jeu, la baballe-à-son-toutou devint une activité dominicale incontournable; on eut dit que chaque marmot prenait un malin plaisir à faire tomber ses cubes et ses constructions.
La pesanteur s'en prenait aux objets les plus anodins, aux jeux les plus ludiques, les plus innocents.
Que le fait d'une golden tombée perpendiculairement sur le crâne d'un certain Isaac Newton ait été considéré avec gravité par le monde scientifique, passe encore, faire tomber des cailloux, des choux ou à la rigueur des hiboux mais des joujoux?
On créa bien vite un ministère des JTNI, les Jouets Tombants Non Identifiés afin de recenser les chutes, en mesurer les conséquences, chiffrer les effets à long terme sur la planète et prendre les mesures qui imposent et qui s'imposent.
C'est ainsi que - par arrêté ministériel - on mit une ficelle aux bilboquets, des roulettes aux petits vélos, des ventouses au bout des flèches de tir à l'arc, des airbags aux voitures à pédales et des genouillères aux poupées.
 Les filets des paniers de basket furent cousus, on gonfla les ballons de football à l'hélium, on alla même jusqu'à souder entre eux les cubes de Rubik's cube... un vrai casse-tête!
 On interdit l'usage du cheval à bascule du moins dans sa forme d'origine, ainsi que le dépôt de cadeaux de Noël dans les conduits de cheminées !
On supprima les pales des boomerangs, on retira le lest des okiagari-koboshi - culbuto en français - pour remonter leur centre de gravité et au jeu de dames on interdit de superposer deux pions pour représenter une dame par crainte des chutes de pion, réduisant grandement l'intérêt du jeu.
Le cavalier des jeux d'échecs ayant été obligé de mettre pied à terre, il fut pris pour un fou et les joueurs le devinrent aussi !
Alors de nombreuses petites voix commencèrent à s'élever puis des voix plus fortes contre tant de mesures drastiques; ainsi naquit le MJLJ, le Mouvement des Jeunes pour la Libération des Jouets.
Le MJLJ armé de frisbees, de sarbacanes et boulettes en papier campa sous les fenêtres du ministère, on en vint aux menottes puis aux mains jusqu'à décréter l'état d'urgence.
Soixante dix mille personnes dans mille huit cent magasins Toysrus durent subir une formation adaptée.
Déstabilisé, le ministère proposa alors des solutions étonnantes comme créer des salles de jeu en apesanteur - des vols paraboliques en avions Barbie - ou même supprimer l'usage des jouets.
Inévitablement un monde parallèle, sournois se développa, c'était gonflé mais on vendait de vrais ballons de foot sous le manteau, on lançait le boomerang dans les caves ou les sous-sols des parkings, bref les jeux interdits étaient nés...
Un petit malin en fit même une musique, cette Romance Anonyme que le crooner Frank Michael a immortalisée ainsi : “Il y a longtemps, Un film en noir et blanc Dessinait sur l´écran Le chagrin d´une enfant Et ses larmes coulaient Sur son air préféré, Une musique si jolie, Celle des jeux interdits”
Il était grand temps que ça cesse, qu'on fasse taire Frank Michael, que les enfants retrouvent leur insouciance et leur joie de vivre, il fallait une solution, un Zorro, bref un sauveur.
Là où certains attendent la chute, il fallait une contre-chute, un parachute.
Ça allait venir...