samedi 28 octobre 2023

Misérable imprimeur

 Publié sur le site MilEtUne sur le thème des romans rebaptisés




« Bonjour... je souhaiterais parler à Monsieur Victor »

« Je suis Victor, Victor Hugo »

« Votre nom c'est Victor ou c'est Hugo ? »

« Je viens de vous le dire … Hugo, prénom Victor »

« Ah... il va falloir changer ça, vos lecteurs vont s'y perdre »

« Excusez-moi mais qui êtes-vous ? »

« Hector Gallimatias, imprimeur et en charge de l'impression de ces cinq pavés au titre tarabiscoté . Je vous fais remarquer au passage que cinq pavés c'est maigre pour une barricade... Ah Ah Ah»

« Comment ça mon titre est tarabiscoté? »

«Les personnes en situation de précarité... c'est un titre long comme un jour sans pain, vous ne trouvez pas ? »

« Au contraire, je trouve que Long comme un jour sans pain, ça résume bien l'atmosphère du roman – ça marche comme ça chez les Thénardier – et d'abord je n'ai pas à recevoir de conseils de quelqu'un qui a juste le devoir de mettre des caractères à la suite les uns des autres sans se poser de questions ! »

« Moi ce que j'en dis c'est par rapport à la longueur.. trente trois caractères ça fait beaucoup pour un titre et je ne vous compte pas les espaces »

« Encore heureux que vous ne comptiez pas les espaces, ça n'est que du blanc »

« Justement j'avais pensé qu'on pourrait enlever les espaces pour gagner sur la longueur »

« Vous êtes un grand malade Monsieur Gallimatias »

« Ou bien comme il y a cinq tomes, on pourrait répartir le titre sur les cinq tomes, ainsi le premier tome pourrait s'intituler Les »

« Les ? »

«Je n'insiste pas. Et ce type qui se prénomme Madeleine, c'est bizarre pour un ancien taulard devenu maire, non ? »

« Excusez-moi mais Madeleine c'est son nom»

« Ah ? »

« En tout cas je constate que vous avez lu le roman contrairement à beaucoup de vos confrères »


« Oui j'ai tout lu mais je trouve qu'un roman en cinq tomes c'est trop lourd... j'aurais plutôt vu une comédie musicale avec Sarah Bernhardt dans le rôle de Fantine et ... »

« Vous alors, vous êtes un doux rêveur ! Une comédie musicale, pourquoi pas un opéra ? »

« Bon, on fait quoi pour ce titre Monsieur Victor ? »

« Appelez-moi Victor tout court et ne changez surtout rien à mon texte »

« Comme vous voudrez mais ça marchera pas. Vous devriez essayer le théâtre»

« Le théâtre ? Hernani, Marie Tudor, Ruy Blas, ça compte pour du beurre ? »

« Oh vous savez, moi l'opérette c'est pas mon truc. Allez, à tantôt Hugo»


(Soupir hugolien)

« Victor, pas Hugo »


samedi 7 octobre 2023

Au piano, Germaine

 Publié au Défi Du Samedi sur le thème Jam-session 




Germaine a le don de me surprendre quand elle me lance depuis sa cuisine : « Ce soir, on se fait un bœuf ! »

Je m'apprête à filer pour dépoussiérer ma vieille Ibanez qui a bien besoin d'être accordée mais je me ravise : »On sera combien ? »

« On sera deux, pauvre pomme … toi et moi »

« Ah … c'est un duo, alors »

Germaine est perplexe : »Qui veux-tu qu'on invite ? »

«Ça va » et j'ajoute « tu joueras de quoi ? »

« Du piano de cuisson, mon bichon. De quoi veux-tu que je joue ? »

« De la mandoline par exemple »

« Evidemment ! Tu t'imagines que je vais couper les légumes avec mes doigts ? »

Je commence à n'y rien comprendre : »Tu crois pas qu'on aurait pu inviter un batteur ? Bébert par exemple »

« Un batteur pour du bœuf ? T'es vraiment nul en cuisine »

J'ose enfin : »Quelle cuisine ? »


Germaine soupire ...

Je m'éclipse et reviens avec ma guitare : »On commence par un pot-pourri ? »

« Un pot-pourri ? Il est temps que t'apprennes les termes culinaires mon bichon … sache qu'on dit un bouquet garni »

« Ah ouais ? T'en as d'autres comme ça ? »


« Si j'te dis Julienne ou Maryse, ça te parle ? »

Un peu que ça me parle ; si Germaine se décide à inviter deux copines notre jam-session ça va être du sport !

Germaine m'indique une sorte de pot qui déborde un peu comme ma caisse à outils : »Rends-toi utile, attrape moi la Maryse »

« Hein ? »


Je sais d'avance comment ça va finir. Germaine va m'éjecter de son royaume pour m'expédier dans le mien, celui en forme de canapé et d'écran plat.


Des coups sourds me parviennent de la cuisine … Germaine doit taper le bœuf et je ne voudrais pas être à sa place