dimanche 28 juin 2015

Petit lexique foldingue des nouveaux mots du dico

Bogue jpeg selfie trolls polaire chialeux speck vortex cyborg écrapoutir bruschetta pinottes hipster gif cyberattaque orthopédagogue écoresponsabilité Véganisme procrastiner Hashtag psychoter e-cigarette bardasser loguer Végane antipasti Pilates stiletto prequel gosse gruau Zumba viralité MOOC toutou

proposé par le site MilEtUne



Ecrapoutir: Comme écraser mais plus fortement puisque le mot vaut 14 points au lieu de 9 au scrabble

Vegane, Veganisme: Abbréviation de végétarien qui annihile toute tentation de bouffer du cuir, de la fourrure et des cosmétiques

Procrastiner: Remettre au lendemain. Ainsi Reprocrastiner signifie remettre au surlendemain et Rereprocrastiner signifie remettre au sursurlendemain et ça suffit

Antipasti: Servi avant le repas comme l'AntiRicard ou l'Antiporto. (Pour l'Antivirus, voir Viralité)

Bruschetta: Mot italien qui désigne une sorte d'antipasti au goût d'ail. Une bruschetta à l'italienne s'appelle un pléonasme.

Pinotte: De l'anglais peanut qui signifie cacahuète. Rapporte beaucoup moins que l'équivalent argotique qui signifie méthamphétamine

Cyberattaque: Permet de justifier le budget de la Cyberdéfense destinée à contrer on ne sait qui, on ne sait où, on ne sait comment

Orthopédagogue: Filière spécialisée se terminant en 4 ans et en gogue

Ecoresponsabilité: Unité de mesure permettant de quantifier le décalage entre les discours de l'Etat, des collectivités et des entreprises avec la réalité du terrain

Pilates: Méthode d'entrainement physique au lavage des mains à l'aide d'une pierre Ponce.

(Voir Ponce Pilate)

Stiletto: Arme de pied à bout pointu servant au combat contre Louboutin

Prequel: Présuite précédant une suite mais suivant un précédent

Hashtag: Mot-dièse permettant de mettre un bémol à une discussion sur les réseaux sociaux

e-cigarette: Accessoire permettant tout à la fois de fumer, de lire un e-book, d'envoyer un e-mail et d'avoir l'air e-con

Bardasser: Faire du bruit ou des gestes ou se faire secouer ou réprimander ou s'occuper à des riens comme chercher le vrai sens de Bardasser

Loguer: Se connecter avec un login de manière à pouvoir se déloguer avec un logout

Chialeux: Masculin qui chiale; le féminin chiale plus souvent mais on dit chialeuse

Polaire: Textile suffisamment chargé en électricité statique pour attirer les poils d'ours

Trolls: Créatures monstreuses vivant sur les forums de discussion; les deux plus connus sont Paul et Mick

Toutou: On dit Ours en peluche au Québec et Rienrien partout ailleurs

Zumba: Méthode d'entrainement physique qui commence sur un air latino et finit au bout d'un moment. Les nombreux cours de zumba permettent de brûler des calories en faisant chauffer sa carte bleue

Gruau: Célèbre carrossier connu pour ses fourgons de transport de grains d'avoine, d'orge ou de froment

Psychoter: Angoisser ou pas-niquer c'est à dire faire abstinence. Exemple: je psychote tout seul dans mon lit

Gif: Acronyme animé ou mort qui se pratique sur la toile ou sur Yvette; dans ce cas on parle de Gif-sur-Yvette

Hipster: Sociotype frappé d'hipstéritude chronique. Un hipster barbu s'appelle un pléonasme.

Selfie: Autophoto permettant de vérifier d'une main si le petit oiseau va sortir

Jpeg: Acronyme non animé ou mort ressemblant au Gif mais beaucoup plus Jpeg. En compressant un Jpeg on obtient un Jpg qui vaut 13 au lieu de 14 au scrabble

Speck: Chiure de mouche ou mouchetis qu'on trouve sur la charcuterie autrichienne

Vortex: Tourbillon de vidange d'une baignoire qui tourne dans le sens opposé à celui du robinet d'eau froide mais dans l'hémisphère Nord seulement

Cyborg: Homme-machine ou femme-machine équipé(e) d'une hanche artificielle ou d'un stimulateur cardiaque

Bogue: Anomalie informatique générant des problèmes épineux, des sautes d'humeur voire des châtaignes et des marrons

Gosse: Jeune enfant de type Kev Adams ou Mickaël Vendetta. Il peut être sale, beau ou de riche... ou les trois à la fois

Viralité: Forme de promotion d'une information. Le marketing viral n'a pas de frontières - en anglais on dit aussi viral - mais il n'est pas remboursé par la sécurité sociale.

MOOC: Formation gratuite en ligne ne délivrant aucun diplôme contrairement au SPOC. Un diplômé en MOOC est un mythomane, alors qu'un diplômé en SPOC est un chômeur en puissance








samedi 27 juin 2015

Vocation

Publié aux Défis Du Samedi






Marre du parmesan, de la sauce tomate
de ces bouts de machin, ficelles, tortillards
j'en viens à envier la Belle et le Clochard
qui suçaient tendrement les deux bouts d'une pâte

On me crie “Fais des noeuds en tournant ta fourchette
et n'en mets pas partout, petite dégoûtante!”
Je les sens révoltées, gluantes, frétillantes,
façon gorgonzola j'ai ruiné la moquette.

C'est pas ma faute à moi si j'aime mieux les frites
qu'on mange avec les doigts, ce sont mes favorites
il n'y a que pour ça que j'ai de l'appétit.

Je sais bien qu'aujourd'hui c'est les grands qui commandent
mais écoutez-moi bien, quand je serai plus grande
je serai c'est certain charmeur de spaghetti


lundi 22 juin 2015

Vengeance... le retour

Suite de "C'est pas plus mal" pour les Impromptus Littéraires


Germaine est revenue et c'est pas plus mal...
J'étais en train d'éternuer tout en relisant Nietzsche (prononcer Nitch) quand la porte s'est ouverte brusquement.
Elle était là, avec son petit sourire amer comme d'hab, comme si elle rentrait simplement du boulot ou de chez sa mère.
Amère est la femme la plus douce... ainsi parlait Zarathoustra.
Je ne connaissais pas ce Zarathoustra mais il était loin d'être idiot... Germaine était amère, l'amertume personnifiée.
“Excuse-moi” a t-elle dit simplement en claquant la porte comme à son habitude.
Son habitude c'est de claquer la porte, pas de s'excuser.
“Ce n'est pas ta faute” dis-je “ce philosophe me fait toujours éternuer”.
“Non, je m'excuse juste d'arriver sans prévenir” corrigea t-elle.
Je lui fis remarquer que pour me prévenir - à moins d'un pigeon voyageur et d'une fenêtre ouverte - il eut fallu que la box internet dont dépend le téléphone ait été remise en état.
Je me gardai bien d'ajouter que l'intervention de Devon - notre cher voisin bidouilleur sachant tout faire de ses dix doigts et plus si affinités - n'avait eu aucun effet, du moins sur la box.
Elle n'ajouta rien non plus et j'en conclus que le conflit était enterré jusqu'à ce qu'elle attrape sa chatte angora en disant: “Je suis juste revenue chercher Kitty”.
Dans angora il y a rat et c'est bien ce à quoi ressemblait Kitty après la séance de rasage que je lui avais infligée. Je n'en éprouvais ni honte ni regret alors qu'elle caressait cette chose immonde qui osait ronronner comme s'il ne s'était rien passé, comme si elle n'avait pas brûlé ma chemise à jabot, pas fait fondre mes leurres en plume de coq limousin, pas crevé les pneus de la camionnette, pas bu mes bières!!
Alors j'ai dit “Ah... tu repars?” d'un air que je voulais détaché et j'ai ajouté “tu ne prends même pas le temps de boire une de mes Fischer Tradition dont tu avais l'air de raffoler?”
“Si tu veux” a t-elle marmonné “ouvre-moi en une pendant que je vais chercher la litière de Kitty”

Si vous avez déjà essayé de mettre de la mort-aux-rats dans une bouteille de bière sans que ça mousse, vous comprendrez mon état de fébrilité alors que j'entendais Germaine fourrager dans la caisse du chat.
Il n'y a pas pire sacrilège que “couper” une Fischer Tradition, mais c'était pour notre bien à tous les deux.
Quand je l'ai entendue hurler j'ai compris qu'elle venait de trouver ma cachette dans la litière avec le décapsuleur, la zapette de la télé et le petit crucifix en buis. Elle pouvait bien emporter ce dernier si ça lui chantait, le témoin muet de nos ébats “à la missionnaire”, suspendu au dessus du lit (le crucifix, pas moi) et à qui elle adressait de vibrants 'Oh My God' comme si je n'existais pas en elle.
J'avais fini ma monstrueuse besogne et ramené deux bières quand elle a surgi, furibonde et brandissant Kitty d'une main et le crucifix de l'autre comme pour m'exorciser!
Jamais je n'avais aimé ce chat et encore moins depuis qu'il ressemblait à un rat.
Il dut le sentir et échappa à Germaine pour me sauter au visage.
Je tentai d'esquiver la chose immonde d'un revers de la main sous les cris de Germaine, des glapissements sauvages, barbares que je ne lui connaissais pas!
Son rat m'avait griffé profondément, une vilaine plaie qui commençait à bien saigner et comme je m'auscultais dans la glace de l'entrée, Germaine me tendit une bière...
“Prends toujours ça” a t-elle grincé.


Si vous avez déjà subi un lavage gastrique par sonde vous comprendrez dans quel état j'étais en lorgnant sur l'entonnoir rempli d'eau tiède et enfoncé dans ma gorge tandis qu'un pachyderme en tablier blanc m'appuyait sur l'estomac en soufflant comme un phoque.
Germaine n'est pas venue assister à l'immonde gavage et c'est pas plus mal... je crois qu'elle ne reviendra pas.



dimanche 21 juin 2015

Montrouge-Gare de l'Est

Publié sur le site MilEtUne sur le thème: Paris d'autrefois




Je rêvais de voir le Bois de Boulogne et la Tour Eiffel mais Oncle Hubert en avait décidé autrement.
“Nous venons seulement pour affaires” avait-il dit sérieusement.
Notre bus à plate-forme estampillé “ConTreXéviLLe” ne garantissait pas que le machiniste ne boive que de l'eau; en effet sa trogne attestait d'un régime permanent au gros rouge qui tache, mais pour nous qui arrivions tout droit de notre campagne bourguignonne c'était un détail secondaire.
Il assurait le trajet Montrouge-Gare de l'Est, enfin quand je dis “il assurait”, je parle du trajet officiel de l'autobus.
A peine entassés sur la plate-forme avec quinze autres sardines, le receveur moustachu raccrocha la chaîne de sécurité derrière nous et tira sur le pommeau du timbre pour donner le signal du départ.
Avant même qu'on s'ébranle il avait validé nos tickets avec sa “Molinette” - gros boîtier de métal muni d'une manivelle - accroché à la ceinture tel un pistolet et qui vous flinguait votre titre de transport à bout portant!
Enfin on démarra dans un grincement de ferraille torturée et l'odeur de friteuse d'un moteur surchauffé et dopé au cocktail benzol, alcool et essence!
“C'est un Renault” déclara fièrement Oncle Hubert qui avait l'oreille avant d'ajouter “c'est même un TN4” et de se retourner pour voir l'effet de son savoir sur les voyageurs parisiens.
Pour l'heure je ne voyais pas grand chose, accroché aux jambes de nononque, lui-même accroché à une poignée qui pendait mais j'estimai avoir parcouru au moins cent mètres en dix minutes... ainsi je découvrais Paris au ras du caniveau, ses trottoirs aux gens si pressés, plus rapides que la lente circulation des voitures!
Le nez collé au bastingage, cette traversée de Paris me donnait à la fois mal au coeur et m'excitait follement... saint Sulpice, saint Germain des Prés où les prés avaient déjà été fauchés, saint Michel, bref que des saints que nous enchaînions comme au chemin de croix du Vendredi saint.
On était loin de notre bonne ville de Dijon et de son tramway obstinément rivé à ses rails et qui n'en déviait pas d'un centimètre sous peine de figurer à la Une du Bien Public dès le lendemain.
Alors vint l'île de la Cité, ses quais et la Seine que je ne reconnus pas! Comment notre ruisseau qui courait dans l'herbe à cinquante kilomètres de Dijon pouvait-il former un fleuve aussi large et aux méandres plus inquiétants qu'un boa constrictor?
Indifférent à la monstruosité de ce phénomène hydrologique, un homme visiblement mort de fatigue ronflait à même le quai à l'ombre désuète de son litron!
C'était donc ça Paris? Des receveurs moustachus, des saints à chaque coin de rue et des amoureux du pinard? Et ces drôles de charrettes à bras chargées de fleurs?
Nous venions de stopper au Chatelet après un freinage hasardeux. La place était encombrée de carrioles fleuries comme pour notre Fête annuelle des vendanges.
“Des marchandes de quatre-saisons” m'expliqua oncle Hubert en décochant une oeillade à l'une des femmes qui étaient là.
Ces filles devaient avoir bien de la constance pour tirer une voiture à bras du printemps à l'hiver!
La femme souriait, nononque soupirait et le machiniste embrayait... c'était sans doute ainsi à Paris, les relations y sont hasardeuses et éphémères.
A Réaumur-Sébastopol, la moitié du bus se vida comme si ce lieu au nom étrange méritait que vingt cinq personnes s'y arrêtent.
J'ignorais tout de ce Réaumur mais Sébastopol m'évoquait cette guerre de Crimée dont Oncle Hubert m'avait souvent parlé et où nos alliés avaient été victorieux contre les Russes malgré la supériorité de leurs canons.
Pourquoi parle t-on de siège quand à la guerre on est soit debout soit couché, on est soit vaincu soit vainqueur même sur une seule vraie jambe?
Ironie de la situation, sur un trottoir des enfants à deux jambes jouaient au petit soldat, médailles en crépon, drapeaux de fortune et chapeaux de papier plié.
J'étais certain qu'aucun d'entre eux ne connaissait l'histoire du siège de Sébastopol mais quand on joue à la guerre il suffit d'y croire, peu importent le costume et les accessoires.
Nous approchions de gare de l'Est et de la fin de cette traversée mémorable qui s'achevait pour nous à l'arrêt Château d'eau, un drôle de nom où créchait un cousin tonnelier qui fournissait oncle Hubert en barriques depuis Mathusalem (chez nous le Mathusalem fait six litres toute l'année).
Le cousin habitait Cours des Petites Ecuries où je ne vis pas l'ombre d'un percheron... par contre la devanture du magasin couleur lie-de-vin ne trompait personne sur ses activités.
Mais ici point d'odeurs de fermentation, de moût, de soufre ou de moisi; rien que de bonnes effluves de bois de chêne, de sapin et de robinier aux senteurs de miel qui me changeaient de toute cette pollution et des miasmes de friteuse du vieux Renault.
Le cousin parisien savait vivre; un galopin de chardonnay nous attendait pour rincer nos gosiers assoiffés et je ne sais si c'est lui ou l'odeur du bois ou l'émotion que je venais de vivre ou tout ça à la fois mais je ne me souviens plus de ce qui se passa jusqu'à notre retour en Bourgogne...
Dans le train qui nous ramenait et dans mon drôle de rêve, une jeune russe unijambiste m'offrait une brassée de fleurs en criant “Vive le général Mac Mahon!”

samedi 20 juin 2015

La boutonnière

Publié aux Défis Du Samedi sur le thème: Le bouton perdu




Ce jour-là Monsieur Grivois se sentait étrangement léger, comme libéré d'un poids.
Jamais il ne s'était senti si relâché et si bien dans son corps jusqu'à ce qu'il en découvre la raison devant la grande glace du salon... il manquait un bouton à son gilet et son embonpoint assidûment entretenu par maints banquets et repas d'affaires s'en trouvait plus qu'à son aise!
Mais aussitôt une sensation de malaise oppressant lui comprima la poitrine alors même que son ventre s'alanguissait.
D'un doigt tremblant il titilla la triste boutonnière - comme un second nombril - dans le fol espoir d'y faire ressurgir le bouton facétieux mais rien, pas le moindre bout de fil ni fragment de nacre qui puisse le renseigner sur les causes de la catastrophe.
Dans sa vie bien réglée de clerc de notaire à l'étude de Maître Finaud, jamais Monsieur Grivois n'avait imaginé qu'une boutonnière puisse être privée de son bouton comme une mortaise de son tenon ou un gousset de sa montre.

Asphyxié, le souffle court, Monsieur Grivois chercha à se remémorer son coucher de la veille, le retour de la soirée qu'il avait passée au... au Sphinx chez Marthe Marguerite.
Ça ne pouvait être que ça!
Il aurait perdu ce bouton chez Martoune, la tenancière de l'établissement qu'il fréquentait chaque mercredi.
Il ne faisait aucun doute que parmi les soixante cinq pensionnaires du 31 Bd Edgar-Quinet, l'une d'entre elles aurait dans leurs ébats dérangé son costume, mais laquelle et dans quelle alcôve, quel boudoir ou quelle chambre égyptienne?
Etait-ce Aphrodite, grande bouche mais cervelle d'oiseau? ou bien Samantha, pulpeuse et expéditive? ou encore les deux soeurs Esther et Myriam?
Le Sphinx ouvrait à quinze heures et en marchant d'un bon pas, il y serait à l'ouverture pour retrouver son précieux bouton.
A l'idée de devoir encore se délester d'un pourboire pour passer la porte rien que pour retrouver son bien, il faillit se raviser mais une boutonnière ne peut souffrir de solitude plus longtemps.
Mademoiselle Boisseau - la cousette du cinquième étage - aurait tôt fait ce soir de recoudre le bouton.
Comme il croisait Madame Mangin et ses filles en bas de l'immeuble, il les salua en prenant bien soin de tenir son chapeau à hauteur du bouton manquant.

A mesure qu'il marchait une terrible idée le taraudait. Et si l'on ne retrouvait pas ce bouton? Si quelque employée de ménage l'avait jeté ou emporté pour elle-même?
Ne disait-on pas que l'établissement possédait un tunnel secret qui menait aux catacombes?
A partir de là, le bouton pouvait même quitter la capitale.
Combien de gens mal intentionnés privent un honnête propriétaire de son bien - même le plus maigre - pour l'abandonner aussitôt dans quelque fond de tiroir?
Combien de bijoux, de chapeaux, de postiches et de cannes pouvaient bien avoir été définitivement perdus dans cet endroit qui à cet instant portait si bien son nom: un lieu de perdition.
Un Prévert, un Sartre ou un Dali n'y avaient-ils pas dans un moment d'extase ou d'égarement oublié quelque objet qui aujourd'hui s'arracherait à prix d'or aux enchères autant qu'un manuscrit ou qu'un tableau?
On allait bien se moquer de lui lorsqu'il allait réclamer son petit bitoniau de nacre qui pourtant manquait tant à sa mise.
Il lui fallait trouver une idée pour grossir l'évènement, amplifier le désastre et mobiliser le personnel afin de ratisser l'établissement! Une battue, c'est cela, on devait organiser une battue au bouton de nacre, sonder chaque sommier, retourner chaque tapis, explorer chaque tenture, questionner chaque pensionnaire...
Ce bouton ne lui avait-il pas été légué par son ancêtre et capitaine des Dragons qui l'avait arraché en 1683 sous les murs de Vienne au costume d'apparat du grand vizir Kara Mustapha en personne, juste avant sa décapitation par le sultan Mehmed IV?
L'histoire était crédible, l'affaire était d'importance et ne souffrait aucun retard! Il pressa le pas autant que le gilet débraillé le lui permettait.
S'il arrivait avant quinze heures, il tambourinerait à la porte, se ferait ouvrir afin qu'on répare l'offense sans plus attendre.
On démasquerait la voleuse et on la jugerait dans l'instant pour la conduire à la guillotine!
Cette catin allait tâter de la “veuve” pour avoir spolié un bien aussi précieux, certes un morceau de coquillage percé de quatre trous mais un trésor de guerre qui illuminait l'arbre généalogique des Grivois depuis des siècles.



Sur la porte fermée du Sphinx, quelqu'un avait placardé une affichette que Monsieur Grivois - descendant d'un valeureux capitaine des Dragons - déchiffra, la mort dans l'âme:
A compter de ce jour et jusqu'à nouvel ordre, l'établissement Le Sphinx est réquisitionné à titre de logement destiné aux couples d'étudiants convalescents de la Fondation de France”

Ainsi un bouton de nacre du gilet de Monsieur Grivois - descendant d'un courageux capitaine des Dragons - allait-il finir au fond de la poche désargentée d'un étudiant hirsute, braillard et dévergondé, par la décision d'un organisme philanthrope et au mépris de la mémoire d'un sauveur de la France...



On retrouva Monsieur Grivois trois jours plus tard, un pistolet à la main et baignant dans son sang; une large boutonnière à hauteur du coeur témoignait d'un irréparable acte de désespoir.



mercredi 17 juin 2015

Vingt et Unième Heurt ou Grivois'Mans



Vingt quatre heurts du Mans
 
 
 
La poule Le Mans offerte par la Ville à Pierre Perret
Le chanteur a reçu mardi midi Agnès Besnard, la maire adjointe chargée de la culture qui lui remettait au nom du maire du Mans, la poule de race… Le Mans.
(Ouest France)




Je suis grosse il est vrai, au plumage soyeux
et pour faire rimer Gallus domesticus
croyez bien que Pierrot jurera mordicus
qu'à part diplodocus il n'a pas trouvé mieux.

Si mon “porte-parole” est édile emplumé
je compte sur Pierrot, mon nouveau parolier
pour être mon champion, mon servant chevalier
et pondre la chanson qui va me sublimer.

Il saura j'en suis sûre mettre à toutes les sauces
ma crête frisottée et mes oreillons blancs,
en accompagnement quelques grosses légumes

une farce toquée foie gras et calendos
et je sais qu'à la fin, salivant, jubilant
il viendra le coquin me voler dans les plumes


mardi 16 juin 2015

Les frères Jean

Publié sur le site MilEtUne



Durant sa design-week - Genèse en français - le Tout-Puissant créa deux frères, Jean et Jean.
Le vendredi - jour du poisson puisqu'il le créa le même jour - il fit Jean Kiri et le dimanche - jour gras, ce qui n'exclut pas le poisson - il fit Jean Kipleur.
En les créant il prononça cette phrase reprise plus tard par Racine le dramaturge qui prendra aussi le prénom de Jean: “Tel Kiri vendredi Kipleur dimanche”.
Pourtant, autant Jean Kiri était enjoué, rayonnant et d'humeur joviale toute la sainte journée, autant Jean Kipleur était triste, grincheux et pleurnichard toute la sainte journée.
On peut comprendre que naître un dimanche, veille du lundi puisse donner envie de pleurer alors que naître un vendredi, veille d'un week-end c'est plus cool.

Il n'empêche que les deux Jean, d'humeurs contradictoires n'étaient d'aucun secours au Tout-Puissant pour juger du caractère gai ou triste de tel ou tel évènement.
Jean Kipleur chialait aux sketches du chansonnier Jean Mamadou alors que Jean Kiri s'esclaffait dans “Quai des brumes“ avec Jean Gars bien.
Jean Kiri se bidonnait aux déboires du pilote Jean Allez-y, alors que Jean Kipleur sanglotait aux fables de Jean de la fontaine.
A l'exception du chanteur Jean Jackgoldman - né en 17 après J.-C. à Liedenstadt - qui les laissait tous deux de marbre, leur réaction exaspérait le Tout-Puissant qui hésitait entre tourner en bourrique ou bien devenir chèvre.
Le rôle de bourrique ayant déjà été dévolu pour un effet boeuf qu'il réservait à une future attraction de crèche prévue aux environs de l'an Zéro-pendant-J.-C., le Tout-Puissant n'avait d'autre choix que d'investir dans la chèvre.

Assisté de Jean Kiri pour former la Tout-Puissant&Jean Kiri Associated, ils allaient développer à l'échelle industrielle et mondiale un fromage à base de lait de biquette dont on n'avait pas fini de parler: un petit carré Magique, Mythique et Mystique, “le 3M”, le Kiri chèvre 8 portions, fromage blanc, crème, fromage de chèvre et un tas de trucs secrets qui font son secret.
A l'époque, l'échelle industrielle et mondiale fonctionnait sur le principe de la multiplication des miches qui avait été expérimentée sur 5000 personnes - selon Jean, chapitre 6, versets 5 à 14 - au bord de la mer de Tibériade qu'on appelait à tort la mère de Galilée (Giulia Ammannati) .

Le nom de Kiri - fromage des gastronomes en tuniques courtes - est mondialement répandu aujourd'hui sauf sur le marché iranien puisque - facétie des créations du Tout-Puissant pendant sa design-week - Kiri veut dire (soit dit en persan) pénis!

Jean Kipleur, chagriné et jaloux se contenta d'investir dans une industrie moins lucrative, celle des mouchoirs jetables en papyrus ou peau de chagrin, les Kipleurex, mais ceci est une autre histoire...

Nota: Le nom de Kipleurex - balsamus ou mentholus - est mondialement répandu aujourd'hui y compris sur le marché iranien puisque Kipleurex veut dire (soit dit en persan) Kipleurex.


samedi 13 juin 2015

La jarre à tête de pacha

Publié aux Défis Du Samedi




Oncle Hubert gardait jalousement à la cave un grand vase de terre cuite au contenu mystérieux.
Chez nous l'importance des mystères se mesurait à la taille de la frottée qu'on nous promettait si on y risquait une main ou même un oeil!
La jarre était si ventrue qu'en la qualifiant d'engrossée, nononque s'était enorgueilli d'une métamphore (comme il disait) en partant d'un énorme rire qui le secoua des pieds à la tête.
J'appris plus tard que ce qu'on appelait en fait métaphore - une figure de style substituant un mot par un autre - n'avait rien à voir avec les vases étrusques.
On eut beau lui demander si ça se mingeait, si ça se picolait ou si ça protégeait du mildiou ou de la Mélusine, jamais Oncle Hubert ne lâcha le moindre indice sur son contenu.
Jamais il n'en retira quelque chose et jamais il n'y jeta la moindre chose ce qui faisait pourtant grossir le mystère jour après jour.
Nous montions la garde à tour de rôle mes cousins et moi, reluquant par la borgnotte à chaque fois qu'Oncle Hubert descendait à la cave c'est à dire trois à six fois par jour selon le degré d'évaporation des fillettes d'aligoté.
Par contre il nous confia qu'il la tenait d'un soldat inconnu qui l'avait arrachée en 1683 sous les murs de Vienne au grand vizir Kara Mustapha en personne, juste avant sa décapitation par le sultan Mehmed IV... ce que personne ne crut
puisqu'il nous avait déjà fait ce coup-là trois ans plus tôt avec son gri-gri! (http://vegas-sur-sarthe.blogspot.fr/2012/12/amulette-de-surete.html) 
On en vint à dire que la jarre était vide et que nononque nous avait entubés.
Il était grand temps de lever le doute et de confondre l'imposteur aux yeux de tous y compris de tante Anastazia qui ne manquerait pas de lui chanter Ramona en polonais!

Petit Paul qui était petit à cause de son nom n'eut aucun mal à passer par la borgnotte à l'heure bénie de la sieste et les ronflements continus de nononque étaient là pour nous rassurer sur notre entreprise.
Après avoir rebeuillé autour de la jarre, Petit Pierre pinçant son nez entre deux doigts nous assura que ça viaunait pire qu'à la décharge et qu'il lui fallait remonter fissa.
Le virot l'avait rendu pâle comme un mort et on eut un mal de tous les diables à sortir l'aventurier de son trou. 
“Y'a un cadavre, là-d'dans!” cracha t'il en vomissant son repas sur nos sandalettes “c'est p't'être bien la tête du grand vizir Moustafa” 
Je lui répondis pertinemment que depuis 1683 les restes du vizir ne risquaient pas de viauner quoi que ce soit et comme il tombait d'accord avec moi, je le persuadai d'y retourner.
Equipé d'une pince à linge sur le nez et requinqué d'un galopin de sirop de cassis, Petit Pierre retourna dans l'enfer putride de l'antre au secret.
On pu alors le voir découvrir la jarre, y plonger un pochon qui traînait là, tartouiller, nadouiller puis remonter une sorte de liquide verdâtre et visqueux qui tenait plus de la morve que d'un divin nectar.
Alors on entendit Petit Pierre pousser un horrible cri tandis qu'il jetait le pochon dans la jarre et la refermait vivement; déjà il tendait les bras vers nous, plus pâle qu'au départ.

On l'assit doucement contre un mur, suspendus à ses lèvres exsangues dans
l'attente d'une révélation. 
“Il m'a regardé” parvint-il à prononcer “j'ai vu ses yeux, les deux!” 
Dans un sens Petit Pierre nous rassurait car nous n'avions pas affaire à un cyclope mais à une créature munie de deux yeux comme nous.
Le “comme nous” est l'expression la plus rassurante pour les êtres munis de deux yeux... restait à savoir qui possédait deux yeux dans un pochon de matière visqueuse? 
“Parle, Vindiou!” réclamait notre petit groupe. On n'est jamais trop nombreux pour faire parler un mort vivant. 
“Il m'a fait les gros yeux” bafouilla Petit Pierre “et en plus il louche!” 
Cette information acheva de nous horrifier. On peut combattre un adversaire au regard droit mais pas un esprit faux qui vous regarde de travers et vous jette sournoisement quelque diablerie...
Petit Pierre revenait à lui mais ne put donner plus de détails sinon qu'il avait bel et bien croisé au fond d'une louche le regard du grand vizir Kara Moustafa en personne, pourtant décapité par le sultan Mehmed IV en 1683. 
Ainsi nononque avait-il hérité en même temps que la jarre d'une tête de pacha!
A ce jour nous n'avons jamais évoqué le sujet avec Oncle Hubert ni pu dire comment avait disparu ce satané pochon.  

borgnotte: petite fenêtre
fillette: demi-bouteille
galopin: verre
nadouiller: jouer avec du liquide
nononque: Oncle
pochon: louche
rebeuiller: fouiller
tartouiller: tripoter
viauner: sentir mauvais
virot: mal au coeur

lundi 8 juin 2015

C'est un Corail



Quand j'ai annoncé à Vanessa qu'un colis en provenance de chez Maty était annoncé voie G - j'avais pris l'habitude de dire Voie G parce que Voie Germaine Guèvremont où j'habite, c'est trop long - elle n'a pas eu l'air de comprendre.
Quand elle a l'air de comprendre, Vanessa abandonne cette moue boudeuse qui la quitte rarement et son oeil s'éclaire... parfois l'autre aussi.
Alors j'ai ânonné niaisement: ”Ma chérie, ta bague de fiançailles est en route” mais ça me crevait le coeur de dire ça comme ça, sans cérémonie, sans professionnalisme.
Six mois auparavant j'avais rencontré Vanessa à la gare du Nord; elle arrivait de La Chapelle, pas d'Aix-la-Chapelle en Allemagne - comme je l'ai cru longtemps à cause de son accent tonique qui tombe souvent sur la première syllabe du radical - mais de la station de métro La Chapelle.
Bizarrement c'est elle qui me trouva un drôle d'accent, un je-ne-sais-quoi dans ma “voix” qui la troubla et la poussa le soir même dans mon lit sans crier gare.
Pourtant ce qui la mettait dans cet état n'était rien d'autre que mon outil de travail, un instrument que je bichonnais, que je préservais neuf mois sur douze des caprices de la météo et que je musclais par des exercices quotidiens des sterno-cléido-mastoïdiens.
Quand d'autres préservent la prunelle de leurs yeux, moi je protège mes cordes et ma glotte; c'est d'ailleurs ainsi qu'elle m'appelle: ma Glotte!
A l'heure du coucher lorsque Vanessa souhaîte bonne nuit à sa Glotte, je ne peux m'empêcher de lui répondre: “J'espère que tu as passé un bon moment en ma compagnie et je te souhaîte à mon tour un agréable voyage au pays des rêves”... alors en éteignant ma lampe de chevet, un astucieux dispositif génère un petit jingle du plus bel effet et nous nous endormons paisiblement.

Au boulot je fais partie du décor au même titre que l'horloge et la grande verrière mais à la maison j'improvise et c'est ce qui casse la routine et met du piment dans notre couple.
Par exemple au lieu de lancer “A table!” comme à la cantine d'entreprise, je préfère de loin lui annoncer “qu'un service de restauration est disponible à la salle à manger située entre la cuisine et le salon”, même si depuis le temps Vanessa a fini par intégrer la composition de mon trois-pièces...

Depuis peu j'ai été découpé en morceaux, des groupes de mots, des destinations, des horaires, des numéros qui sont alors assemblés par ordinateur et il est même question de passer au tout numérique.
Quand j'ai appris ça je bouillais à l'idée qu'on allait m'entendre dans 3000 gares de France sans jamais connaître mon visage!
Il y a quelques jours nous attendions le train, Vanessa et moi quand quelque chose a dit
”Eloignez-vous de la bordure du quai" d'une voix si synthétique, au timbre si inexistant et sans véritable intonation - une sorte d'extra-terrestre sans âme ni sensibilité - que j'en ai eu le souffle coupé.
J'en venais presque à regretter la gouaille des aboyeurs des années 30 !
Alors j'ai pété les plombs, je me suis tourné vers l'annonceur imaginaire et je lui ai crié: “Vous allez m'entendre, je n'ai pas dit mon dernier mot !” 
Depuis je suis aphone - pas iphone mais sans voix - ça m'apprendra à m'emporter.
Tisanes au miel et yaourts, c'est le prix à payer quand on a une “signature” vocale innée.

Hier soir - fatigué et déstabilisé par ces évènements - j'ai téléphoné à Vanessa :“J'arriverai Voie G avec un retard de 15 minutes environ” et j'ajoutai machinalement :”Merci de votre compréhension” 
Quand j'arrivai Voie Germaine Guèvremont avec 20 minutes de retard, Vanessa faisait la gueule, non pas parce que j'avais dépassé les 15 minutes annoncées mais parce que je l'avais vouvoyée!
Elle voyait dans ce vouvoiement une prise de distance, une fêlure, les prémices d'une rupture de notre couple.
Comme je tentais de la rassurer, elle remit sur le tapis un fait pourtant anodin:
Récemment, une jeune femme collectionneuse d'annonces m’avait écrit de Valenciennes pour me demander de lui retrouver une annonce qu’elle avait perdue. C’était un message des années 80 avec un vieux jingle! Comme je n’avais plus la cassette, je lui avais intégralement réenregistré l'oeuvre rien que pour elle et depuis nous échangions régulièrement.

Ainsi Vanessa me faisait une crise de jalousie à cause de ce timbre unique, de cette tessiture incomparable et de cette élocution parfaite qui l'avaient conquise mais qui lui déplaisaient aujourd'hui. En bref elle me renvoyait dans mes cordes; elle osa même ajouter :”Cette correspondance pour Valenciennes ne sera plus assurée”. 
C'était le monde à l'envers.
Trois jours de silence furent bénéfiques à ma glotte jusqu'à l'arrivée du colis en provenance de chez Maty... je retrouvais ma voix et Vanessa son sourire.
Comme elle ouvrait l'écrin, je sentis comme une corde au cou qui me pendait au nez.

“C'est un rubis?” demanda Vanessa.
J'hésitais à répondre mais je lui devais la vérité: ”Non ma chérie, c'est un Corail. On en trouve de moins en moins depuis 2012” et je faillis ajouter “il partira à l'heure”. 
J'avais planifié pour le lendemain même un charmant périple que je lui annonçai le plus simplement du monde “au départ de Paris. Il desservirait les gares de Strasbourg, Munich, Vienne, Budapest et serait sans arrêt jusqu'à...” 
Vanessa me sauta au cou ce qui ne m'empêcha pas d'aboyer un tonitruant “Attention au départ”.

Déjà Vanessa remplissait sa valise d'une montagne de fringues.
Je brûlais d'ajouter: “Assurez-vous que vous n'avez rien oublié" mais pour une fois, j'ai fermé ma boîte tant bien que mal et sa valise aussi...

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème: Avec le langage de...