dimanche 26 février 2012

Mauvaise clope

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème île déserte
 


Qu'est-ce qui m'a pris d'accepter la clope du gros endimanché? J'avais depuis trente ans tiré un trait et mon dernier cigarillo sur vingt ans d'cotisation assidue à la Seita suite à une sérieuse baisse de mes revenus.
Avec ma bile j'ai rendu toute cette bouffe qu'a dû leur coûter un max, un gâchis sur ce sable immaculé et qui doit s'voir du ciel pour un oeil exercé et pour les mouettes aussi! Oui sur les îles désertes les mouettes ricanent et voient clair, le sable est toujours immaculé, les cocotiers sont toujours penchés sous le vent  et parfois même sur l'horizon un paquebot vient droit vers toi au cas où t'en aurais marre de jouer à Robinson.

Mais ici y'a rien qu'moi, du sable qu'est salement maculé et un seul cocotier raide et dur comme du métal qu'on croirait un réverbère.
Qu'est-ce qui m'a pris d'fumer cette daube ? A ma place Robinson, le MacGyver du 18ème arrondissement siècle aurait déjà fait l'inventaire de ses poches, huit fois l'tour de l'île à cloche-pied et construit un palace avec hammam et tout l'toutim.
D'un côté j'ai la note du loueur de costume, enfin du déguisement d'pingouin, parfaitement un pingouin sur une île déserte ça existe!
Dans l'autre poche j'ai ce foutu élastique avec de la dentelle que j'tripote depuis une heure, la jarretière que cette vicelarde avait r'montée au plus haut.
Ca la f'sait marrer que j'la pelotte sous le fatras des jupons et lui aussi y ricanait, son gros endimanché d'mari qui savait bien qu'elle avait été ma meuf et que c'était la dernière fois que j'la touchais. J'ai l'estomac - ou ce qu'y en reste - qui refait des siennes... on devrait obliger les mariées à porter une culotte.
Les mouettes reviennent comme au self. Allez-y! C'est l'endimanché qui régale.
Qu'est-ce qu'il a de mieux qu'moi ce batard? Une très grosse 'situation' comme disent ses vieux? Comme si on mesurait les sentiments à la taille de son job! Voilà que j'zozotte maint'nant.

Mais qu'est-ce qui m'a pris d'la tirer? On vous l'offre sournoisement, brune ou blonde - on n'est jamais vraiment sûr - en vous affirmant qu'une petite ça compte pour du beurre, vous la cramez jusqu'au bout entre deux choux à la crème, dans la moiteur d'un costume de pingouin, les pauvres bulles du mousseux et les canards de 'Riquita' que l'oncle Alfred extirpe de son piano à bretelles... et pour finir en apothéose vous crachez vos tripes sur une île déserte.
Avec le pot que j'ai toujours eu, cette île est foutue d'abriter Vendredi; j'imagine qu'y sera phoque mais j'veux pas imaginer l'croisement avec un pingouin!
J'avais rêvé ça autrement... j'aurais eu l'dessus sur le gros endimanché, j'aurais esquivé sa méchante droite à la Cassius Clay, j'aurais récupéré ma Panda qu'aurait p't'être tenu l'coup jusqu'au mobile-home et on aurait pu cuver le mousseux, elle et moi tranquilos loin des convives.
Des convives... plutôt Mort aux cons!!

Le réverbère a perdu de sa raideur, il a même deux bras musclés qui m'remettent sur mes guiboles :"ça va mieux?"
Des réverbères qui parlent, j'en avais pas vu depuis ma mémorable cuite de France-Brésil en 98 et c'est marrant passeque c'est cette nuit-là qu'on s'était juré de plus s'quitter elle et moi. Y'a bien longtemps que j'm'étais pas entendu rigoler comme ça, j'entends plus ni les vagues ni les mouettes.
"Vous avez pas l'air dans votre assiette. Y'a un hosto pas très loin"
Il aurait jamais dû parler d'assiette avec des pompes à ce prix-là! C'est fou c'que ça peut contenir un estomac.
Mon réverbère s'est tiré et j'reste comme un con d'pingouin qu'aurait trouvé une jarretière et qui sait pas d'où ça vient ni à quoi ça sert.
D'ailleurs quand j'y pense, à quoi ça sert une jarretière à part fout' la merde?
Des hostos sur les îles désertes? Y s'est foutu d'ma gueule, le lampadaire!!
 

 

jeudi 23 février 2012

Les points sur les R

publié sur le site MotImageCitation
 

 


"Allo chef? Je ne vous dérange pas? Figurez vous que je crois en tenir un!!"
"Calmez-vous Ouatson, vous tenez quoi?"
"J'en tiens un! C'est sûr j'en tiens un, chef!"
"Mais un quoi, Bon Dieu?"
"Un étranger, inspecteur... un véritable étranger!"
"Et à quoi vous reconnaissez les faux étrangers?"
"Euh chef, celui ci répond à TOUS les critères!"
"C'est à dire?"
"Et ben chef, d'abord il parle pas comme vous et moi, enfin il a un accent à Rrrouler les Rrr... quand je lui fais dire des mots comme Rrrépublique, CaRrrlton, soiRrrée mais ce qui est bizaRrre c'est que quand je lui fais diRrre Texto ou Washington, voyez... il le fait aussi"

"Comment c'est possible? Il a p't-être un problème d'élocution, une malformation ou un pieRrrcing sur la langue"
"Un pieRrrcing? ça ne va pas être possible de vérifier ça inspecteuRrr"
"Et pour quelle Rrraison?"
"Ben... il a l'haleine d'une hoRrrde de chacals inspecteuRrr, le genRrre de type qui suce pas des glaçons"
"ARrrêtez aussi de Rrrouler les Rrr, Ouatson c'est éneRrvant à foRrrce!"
"Euh, vous aussi chef"
"Quoi, moi aussi?"
"Non, rien chef"
"Et si vous lui supprimez tous ses Rrr, qu'est c'qu'il raconte votre étranger?"
"Pas grand chose inspecteur, il a l'air indifférent"
(Soupir)

"Justement Ouatson, ce sont toujours les indifférents qui sont les mieux renseignés... alors vous allez me cuisiner ce mec en lui mettant les points sur les Rrr s'il le faut!!"
"Euh... sur les Iiii inspecteur, pas sur les Rrr"
"Hein? Il roule aussi les Iiii?"
"Euh, non chef, c'est vous quIiii......"
"Ouatson, j'veux bien croire qu'en matière d'étrangers vous êtes THE specialist, mais vous allez m'boucler cette affaire avant que j'vous fasse bouffer tout l'alphabet!!!"

"Compris inspecteur... et pour l'haleine de chacal, on fait quoi?"
"Le Karcher Ouatson, y'a que l'Karcher pour ça, qu'est ce qu'on vous apprend à l'école de police??" (Clic) 

mardi 21 février 2012

Le rastaquouère

  publié sur le site MotImageCitation
 
 

 
 
Au sortir de l'hiver IL était arrivé sans que personne ne sut par quelle combe il était passé... et pourtant IL était bien là, beurloquot, câgne ou rastaquouère.
Les dernières plaques de glace finissant de fondre sur l'herbe encore verte et le pâle soleil avaient vite convaincu Suzon de troquer les sabots et la disgracieuse cote de velours contre un court jupon et ses biaux escarpins.

IL aurait pu ne vouloir traverser le village que pour rejoindre Echézeaux où l'on trouvait aisément du travail mais au lieu de ça, IL prit une chambre au seul hôtel où travaillait Suzon.
Je vous parle d'un temps où personne ne songeait à travailler plus, tant les journées paraissaient courtes; quant à lui IL ne faisait rien et de mémoire de cultivateur on n'avait jamais vu un tel trainiaud.
Suzon n'en faisait guère plus mais le peu qu'elle faisait était fait avec grâce et puis il valait mieux ne rien faire que tartouiller comme disaient les anciens.
A c't'heure elle n'avait jamais paru si belle comme si l'arrivée du printemps enjolivait tout ce qu'elle touchait et dans son sillage les calots des gars s'allumaient aussi fort que ceux des femmes noircissaient.
Bien qu'il tint l'hôtel depuis des lustres Grégoire n'était pas une lumière, il n'était pas curieux non plus et l'appelait simplement l'Etranger quand on l'asticotait sur son seul hôte.

Après bien des questions, telle une bouffée de chaleur enivrante vint l'été et les jupettes de Suzon raccourcirent à mesure que le nez des femmes s'allongeait - ou l'inverse - si bien qu'on se demandait comment tout celà allait bien finir. Le temps des moissons battait son plein, les moissonneuses aussi et le village se trouva si affairé aux travaux des champs que personne n'eut le loisir de Le voir jarter.
Personne ne sut jamais non plus ce qu'il était advenu de Suzon?
Sauf Grégoire...  ce sont toujours les indifférents qui sont les mieux renseignés comme disait le seul ancien qui avait lu Andrée Maillet et qui s'en souvenait.

Le pif des villageoises retrouva une longueur raisonnable, les hommes riboulèrent moins mais jamais Grégoire ne fourni la moindre explication à cette double disparition.
Certaines prétendirent qu'IL menait grand train à Marseille et que Suzon exhibait ses jupons sur le port, mais tout ça... ce ne sont que balivernes et personne n'alla jamais si loin pour vérifier.
   

samedi 18 février 2012

Flore et Capucine

 


Au mariage de ma cousine
Y'avait Flore et Capucine
deux rouquines en crinoline
qui m'ont semblé bien coquines...
libertines

Au dîner de ma cousine
j'ai vômi les aubergines
moucheté la mezzanine
ballottine et galantine...
mousseline

Au dessert de ma cousine
de praline en nougatine
j'ai bécoté Capucine
mais Flore était sécotine...
bécassine

Au café de ma cousine
j'ai troqué deux aspirines
contre une bénédictine
et taché la molesquine...
lanoline

Au jardin de ma cousine
en décollant des rustines
on a vidé la piscine
où baignaient des langoustines...
sous-marines

Elles aimaient pas ma trombine
mes relents de brillantine
y'a pas pire que deux frangines
pour jouer les cabotines...
assassines

J'ai mis dans la naphtaline
ma veste de zibeline
j'irai plus chez ma cousine
j'en ai marre d'écrire en ine...
stylomine! 


dimanche 12 février 2012

Pas de bras, pas de wonderbra

publié sur Mil Et Une d'après une oeuvre de Duane Bryers
 


 

A la voir dormir comme un bébé repu après sa tétée, qui dirait qu'autrefois ma Hilda était la reine du plumard? Oh, pas pour ronfler ou faire une siestounette mais pour vous faire ronfler la boîte à plaisir.
Quand je l'ai connue elle pesait pas cinquante kilos mais elle était déjà suréquipée niveau airbags et elle avait pas son pareil pour vous emprisonner le bigoudi entre ses roberts et vous faire entonner La Paloma en azerbaïdjanais!

A l'époque ma Hilda avait déjà un solide appétit, vous descendait un bocal d'olives sans cracher les noyaux et s'enfilait un civet de cerf sauce Grand Veneur jusqu'au brâme pour finir sur une tête de moine et trois religieuses.
Au début j'étais plutôt manchot mais comme elle arrêtait pas de dire "Pas de bras, pas de wonderbra", je m'y suis mis assez vite.
Elle vous enchaînait sans respirer la montée du Tourmalet sur le grand plateau, une brouette de Zanzibar à la tanzanienne et vous décollait la pulpe du fond avant que vous ayez trouvé le décapsuleur.
Si je calais en route Hilda me larguait sur le bas-côté - le zigouigoui en bandoulière - pour finir en solitaire comme si je n'avais jamais pris le départ. C'est comme ça que j'ai découvert que les canards mangeaient des piles au lithium!

Aux Oscars du paddock, Hilda aurait décroché celui du meilleur scénario original, du meilleur montage, de la meilleure actrice et même un Oscar d'honneur!
Mais question musique d'ambiance elle forçait pas son talent, juste quelques barissements d'éléphanteau à l'approche du marigot ponctués des petits gloussements d'une dinde rescapée in extremis de Thanksgiving; moi ça m'arrangeait car je me connais: des vocalises Beyoncéennes m'auraient bloqué le cortex cingulaire antérieur et par voie de conséquence racorni le lance-torpilles.
Par contre elle ne manquait jamais un ravitaillement!
Entre deux sprints intermédiaires j'allais lui chercher un reste de daube provençale ou un cassoulet castelnaudarien de derrière les fagots qu'elle se tortorait sur le champ (de bataille) et qui lui réveillait le tsunami tapi au creux des reins.
Quand je la croyais assouvie, à un doigt de s'endormir sur la béquille, elle repartait pied au plancher, sautait deux rapports (de boîte) pour titiller le tigre du moteur et m'infliger coup sur coup le rétroviseur jour-nuit, la soupape en folie et le créneau de la mort sans radar de recul... comment veux-tu, comment veux-tu ?
Je ne sais pas où elle allait chercher tous ces trucs, le pilon de Ouagadougou, le croque-madame mexicain ou la tour infernale mais à chaque fois j'étais persuadé qu'elle était plusieurs, ma Hilda. Elle avait dû s'appeler Shiva dans un autre monde. 

Et puis un jour que je lui avais bizarrement trouvé le mollet un peu moins ferme et la cuisse molle, en soupirant elle m'a réclamé... des biscuits et un livre de poèmes, elle qui ne lisait que Gala et Neue Post et encore, les gros titres!
J'ai compris qu'un ressort avait pété dans sa boîte à libido et que tout ne serait plus pareil désormais.
J'ai bien tenté de la rebooster, de lui mimer Rocco et ses frères Sifredi, la Grande Invasion et Pour Qui Sonne Le Gland... mais ce fut peine perdue, ma Hilda avait raccroché sa bécane, sêché sur place et refermé le tiroir à frissons.

Usée qu'elle était ma Hilda d'être grimpée au septième ciel en rappel, lassée du bigoudi moustachu et du triporteur de Hanoï...
Alors j'ai récupéré les piles du canard pour mon baladeur et j'écoute Grand Corps Malade dans mon lit en repensant à tout ça 

  

lundi 6 février 2012

E... aime ses 2

publié sur Les Impromptus Littéraires après avoir recueilli les mal lotis, les cabossés de la vie et jusqu'à ce génie absolu...
 
 


Il relativisait quand je l'ai accosté
il disait qu'inventer c'est penser à côté.
Il ne dort pas longtemps mais il s'endort très vite
je compte des moutons, il compte les orbites.

De toutes ses idées il ne tient le journal
il dit n'en avoir qu'une: celle d'aimer ses deux.
Avec ses équations à la mords-moi le noeud
ce qui le guette est plus cérébro que spinal.

Il me dit que la vie c’est comme le vélo
que c'est en pédalant qu'on garde l’équilibre.
Il ignore le futur, ça vient bien assez tôt.

Tout ce qu'il dit, pour moi c'est du trop gros calibre
si je ne comprends rien au comment-du-pourquoi
par contre j'en suis sûr Einstein habite chez moi.
 

jeudi 2 février 2012

Agrafe bolchévique

publié sur le site MotImageCitation à partir du mot "Agrafe"
 


"Du 6 millimètres! Vous êtes sûr de ça, Ouatson?"
"Euh inspecteur, à vue de nez - et vous connaissez mon nez - c'est du 6... d'ailleurs j'ai eu du mal à l'extraire, un vrai carnage"
"Soyez précis, passeque si c'est vraiment du 5,45 mm ça veut dire qu'y s'agit d'une munition soviétique M74 !"
"Attendez inspecteur, toutes les dimensions sont indiquées sur la boîte"
"Hein? Y z'ont abandonné une boîte? Mais ça vient d'un fusil d'assaut AK74 ou p't'être d'un Nikonov AN94... ça s'trouve pas sous l'sabot d'un cheval ça!!"
"Si je ne m'amuse c'est écrit n°56... hauteur 6 mm... épaisseur 0,51 mm"
"Hein?"
"Et écartement 12 mm, chef"
"Ecartement? Quel écartement? Vous avez déjà vu un écartement sur une cartouche à ogive blindée?"

"Pourtant c'est écrit sur l'emballage que j'ai trouvé près du type, chef.
D'ailleurs il doit encore en rester une bonne centaine dans la boîte"
"Quoi? Une centaine? Mais vous avez trouvé une boîte, une caisse ou un arsenal?"
"Je vous assure chef, celle que j'ai extraite ressemble bien aux autres"
"Et comment vous avez extrait ça,Ouatson?"
"Ben chef... j'avais rien qui convienne dans ma valise de secours, heureusement la secrétaire du bureau d'à côté m'a prété son ôte-agrafes"

"Un quoi?"
"Un ôte-agrafes chef... vous savez, cet outil qu'il a fallu inventer après avoir découvert l'agrafeuse"

(Soupir façon La Bavure)

"Qui aurait cru, inspecteur qu'un machin inventé sous Louis XV serait encore dangereux de nos jours?"

(Soupir caverneux d'époque Régence)

"Ouatson, reprenons calmement et dans l'ordre: vous avez découvert un macchabée plombé au 6 mm et vous..."
"Pas du tout chef! J'ai surpris le suspect en train de photocopier des documents et en sursautant il s'est planté une agrafe dans le pouce"

(Râle d'insuffisance cardiaque)

"Qu'est-ce qu'on fait maintenant inspecteur, on l'épingle?"
"Ne faites surtout plus rien Ouatson... ou alors contentez-vous de désinfecter l'ôte-agrafes de cette secrétaire providentielle"