dimanche 12 février 2012

Pas de bras, pas de wonderbra

publié sur Mil Et Une d'après une oeuvre de Duane Bryers
 


 

A la voir dormir comme un bébé repu après sa tétée, qui dirait qu'autrefois ma Hilda était la reine du plumard? Oh, pas pour ronfler ou faire une siestounette mais pour vous faire ronfler la boîte à plaisir.
Quand je l'ai connue elle pesait pas cinquante kilos mais elle était déjà suréquipée niveau airbags et elle avait pas son pareil pour vous emprisonner le bigoudi entre ses roberts et vous faire entonner La Paloma en azerbaïdjanais!

A l'époque ma Hilda avait déjà un solide appétit, vous descendait un bocal d'olives sans cracher les noyaux et s'enfilait un civet de cerf sauce Grand Veneur jusqu'au brâme pour finir sur une tête de moine et trois religieuses.
Au début j'étais plutôt manchot mais comme elle arrêtait pas de dire "Pas de bras, pas de wonderbra", je m'y suis mis assez vite.
Elle vous enchaînait sans respirer la montée du Tourmalet sur le grand plateau, une brouette de Zanzibar à la tanzanienne et vous décollait la pulpe du fond avant que vous ayez trouvé le décapsuleur.
Si je calais en route Hilda me larguait sur le bas-côté - le zigouigoui en bandoulière - pour finir en solitaire comme si je n'avais jamais pris le départ. C'est comme ça que j'ai découvert que les canards mangeaient des piles au lithium!

Aux Oscars du paddock, Hilda aurait décroché celui du meilleur scénario original, du meilleur montage, de la meilleure actrice et même un Oscar d'honneur!
Mais question musique d'ambiance elle forçait pas son talent, juste quelques barissements d'éléphanteau à l'approche du marigot ponctués des petits gloussements d'une dinde rescapée in extremis de Thanksgiving; moi ça m'arrangeait car je me connais: des vocalises Beyoncéennes m'auraient bloqué le cortex cingulaire antérieur et par voie de conséquence racorni le lance-torpilles.
Par contre elle ne manquait jamais un ravitaillement!
Entre deux sprints intermédiaires j'allais lui chercher un reste de daube provençale ou un cassoulet castelnaudarien de derrière les fagots qu'elle se tortorait sur le champ (de bataille) et qui lui réveillait le tsunami tapi au creux des reins.
Quand je la croyais assouvie, à un doigt de s'endormir sur la béquille, elle repartait pied au plancher, sautait deux rapports (de boîte) pour titiller le tigre du moteur et m'infliger coup sur coup le rétroviseur jour-nuit, la soupape en folie et le créneau de la mort sans radar de recul... comment veux-tu, comment veux-tu ?
Je ne sais pas où elle allait chercher tous ces trucs, le pilon de Ouagadougou, le croque-madame mexicain ou la tour infernale mais à chaque fois j'étais persuadé qu'elle était plusieurs, ma Hilda. Elle avait dû s'appeler Shiva dans un autre monde. 

Et puis un jour que je lui avais bizarrement trouvé le mollet un peu moins ferme et la cuisse molle, en soupirant elle m'a réclamé... des biscuits et un livre de poèmes, elle qui ne lisait que Gala et Neue Post et encore, les gros titres!
J'ai compris qu'un ressort avait pété dans sa boîte à libido et que tout ne serait plus pareil désormais.
J'ai bien tenté de la rebooster, de lui mimer Rocco et ses frères Sifredi, la Grande Invasion et Pour Qui Sonne Le Gland... mais ce fut peine perdue, ma Hilda avait raccroché sa bécane, sêché sur place et refermé le tiroir à frissons.

Usée qu'elle était ma Hilda d'être grimpée au septième ciel en rappel, lassée du bigoudi moustachu et du triporteur de Hanoï...
Alors j'ai récupéré les piles du canard pour mon baladeur et j'écoute Grand Corps Malade dans mon lit en repensant à tout ça 

  

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