mardi 8 novembre 2016

A l'autre bout de la corde

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème Lointains




Je ne sais qui avait mis un banc ici ni pourquoi je m'y étais assis.
Au début il n'y avait rien, rien que cette ligne conceptuelle qu'on appelle horizon et qui sait nous rappeler combien notre vision du monde est étriquée.
J'adore les gens qui vous proposent un tour d'horizon comme s'il s'agissait d'une promenade de santé ; j'adore ces mêmes gens qui vous parlent d'horizons lointains comme s'il y en avait de plus proches.
Qui n'a pas rêvé d'un horizon à portée de main contrairement aux rêveurs ?

Alors j'ai quitté mes lunettes bien inutiles et j'ai laissé courir mon regard – le peu qu'il en restait – comme une caresse sur cette frange embrumée... et j'ai fini par les voir.
Je les ai vues ces têtes blondes irradiées au franc soleil végasien : Luca, Oliver, Matisse et puis Remy, Emma et la petite Abigail qui grandit trop vite.
Leurs bras s'agitaient, semblaient tirer sur une corde interminable; on eut dit qu'ils m'appelaient – peut-être m'appelaient-ils d'ailleurs – on dit que je suis un peu dur de la feuille.
Pourquoi dis-je «peut-être m'appelaient-ils d'ailleurs?». S'ils m'avaient appelé d'ici j'aurais été aux anges et n'aurais pas fait tant de cas de ce foutu horizon!
Leurs parents, leurs amis, tous étaient là qui s'agitaient dans un joyeux désordre.
Et puis mon regard s'est embrouillé si tant est qu'il ait pu s'embrouiller plus.
J'ai toujours du mal à quitter mes lunettes excepté quand je dors ; alors j'ai mis ce brouillard sur le compte de ma vue déclinante.
L'horizon les avait avalés.
Malgré le soleil un froid soudain me glaçait les os. J'ai quitté ce banc qu'on avait planté là sans raison apparente et j'ai repris plein Est le chemin de la maison.
Bientôt j'irais les voir tous... à l'autre bout de la corde.

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