Publié au Défi du Samedi sur le thème Droguiste
Au
village il y avait une famille de droguistes qui tenait une sorte de
caverne d'Ali Baba même si le père s'appelait Ali Ben Youssef.
C'était
le seul endroit que je connaisse où vous entriez pour acheter une
serpillière et d'où vous ressortiez avec des tringles à rideaux et
des tapettes à souris !
Dans
la famille Ben Youssef j'ai souvent pioché la mère, une femme
acariâtre attachée à son tiroir-caisse comme un kebbab à sa
broche.
Je
n'ai jamais compris comment on pouvait avoir autant de poils sous les
bras quand on vend des lames de rasoir par paquets de cent !
Dans
la famille Ben Youssef j'aurais préféré – façon de parler –
piocher la fille Aïcha mais le père Ali veillait comme un cerbère
sur sa marmaille et se méfiait des piocheurs ...
Le
benjamin qui se prénommait pourtant Djamel tenait la partie mercerie
et vendait des boutons, lui qui en exposait de nombreux échantillons
sur sa figure.
J'y
allais surtout chercher des asticots pour la pêche et des wassingues
pour la mère et quand je réclamais une ristourne, Ali hurlait « Des
clous ! » même s'il ne m'en donnât jamais la moindre
poignée …
La
plupart des gens boudaient la caverne, préférant les grandes
enseignes où « il y a tout ce qu'il faut » et où « les
envies prennent vie ».
Et
puis le jour vint – il fallait bien que ça arrive – où la
vieille Simca 1000 du maire explosa sa tête de delco au milieu de la
grand'rue.
On
chercha partout dans le canton de quoi faire redémarrer l'antique
carrosse de notre édile … mais que dalle, nib comme ils disent au
bled !
Persuasif,
je réussis à traîner le premier adjoint – celui qui porte trois
stylos à la poche de son costume – jusqu'à la droguerie.
Le
brave Ali Baba ayant fouillé une heure dans son souk en extirpa du
fin fond une tête d'allumeur des années 60 de chez Ducellier qu'il
eut tôt fait d'adapter à grands coups de lime et de tournevis.
La
Simca repartit sur trois pattes sous les Hourra des villageois et
quelques pétarades qui laissèrent sur la chaussée un bon morceau
de pot d'échappement rouillé mais Ali venait de gagner ses lettres
de noblesse.
Le
jeune garagiste du village – féru d'électronique, d'ABS et de GPS
et ignorant tout des tronches de Delco – rentra chez lui en
haussant les épaules.
Madame
Ben Youssef empocha les 18,71 euros avec un rictus non feint tandis
qu'Aïcha m'envoyait le plus beau sourire du monde.
excellent !!! je me suis bien bidonné comme si je connaissait Ali
RépondreSupprimerExcellent petit texte et bravo à Ali!
RépondreSupprimerBonne journée à toi,
Mo
comme toujours jai adoré ton humour
RépondreSupprimermais une question me taraude ,que pense Germaine de ton envie de piocher Aicha. ?😃