samedi 15 octobre 2016

Annoncez la couleur

Publié sur MilEtUne Histoires




Pharmacie Sainte-Ursule – rue Théodule – à Tulle

“Monsieur, vous les préférez en gélules, en pilules ou en capsules?”
“C'est quoi la meilleure formule?”
“C'est une question de goût, Monsieur”
“D'accord... et ça a quoi comme goût la gélule?”
“La gélule n'a aucun goût car c'est une enveloppe à base de gélatine”
“Bon... et les granules, ça a quoi comme goût les granules?”
“C'est comme le sucre, Monsieur”
“Ah? Mais des granules au sucre pour le diabète, c'est pas ridicule?”
“Non, du moment que la notice le stipule et que ça finit en Ule. Tout ça c'est de la pharmacopée”
“De la pharma... copée? Je ne m'intéresse pas à la politique, vous savez. Alors ça serait bon aussi pour ma vésicule?”
“Certainement, tant que ça ne chamboule pas vos biomolécules”
“Ah... parce que j'ai des biomolécules?”
“Tout le monde en a, Monsieur...des glucides, des lipides et plein de trucs en Ide”
“D'accord... revenons plutôt à ce qui finit en Ule comme fistule ou pustule”
“Vous avez ça également, Monsieur?”
“Non, c'est juste un exemple comme j'aurais pu dire ventricule ou testicule”
“J'ai justement ce qu'il faut... pour les testicules. J'en ai pour toutes les bourses... Vous êtes bien couvert j'espère?”
“J'ai une très bonne mutuelle”
“Non, je parlais de protection pratique, élastique... tous ces trucs sympathiques, quoi... vous me suivez?”
“Je vous suis où ça?”
“Non, restez derrière le comptoir je vous prie... je vais vous chercher ça. Quelle taille vous faut-il?”
“Euh... parce qu'il y a des tailles en diabète?”
“Il y a des tailles pour tout, Monsieur, comme pour les chaussures. Quelle pointure faites-vous?”
“Euh... 42 et demi”
“Alors je vous conseille les 000”
“C'est facile à enfiler du 000?”
“Ca fait 26.11mm de long et 9.91mm de diamètre. Ca s'avale avec un grand verre d'eau”
“Un verre d'eau grand comment?”
(Soupir)
“Grand comment? Vous n'avez pourtant pas l'air malade à voir comme ça”
“On dit qu'un indien qui a la rougeole n'a pas l'air contagieux”
“Si vous avez la rougeole, ça change tout. Il faudrait passer directement aux antibiotiques, Monsieur”
“Euh... la rougeole c'était juste un exemple. Je vais me contenter de vos trucs en Ule”
“Lesquels, donc?”
“Et bien je vais prendre un bel assortiment de gélules et de pilules”
“Bien... et pour les couleurs, du générique ou du spécial? Vermillon, beurre, cacao, fraise écrasée, sang de boeuf?”
(Soupir d'écoeurement)
“Celles que vous voulez... c'est pour prendre les yeux fermés”

Le chevalier Néon

Publié aux Défis Du Samedi sur le thème de l'Espionnage





Dans l'quartier on m'appelle le chevalier Néon
je suis un travesti, un espion costumé
tantôt malodorant et tantôt parfumé
je joue du gros calibre et de l'accordéon

Connu dans le milieu et aussi sur les bords
j'ai dans ma garde-robe Aubade et Wonderbra
j'épile ma moustache et mes dessous-de-bras
on peut être balance à babord et tribord

Je furète à tout va, j'infiltre et je cuisine
j'ai vu tous les Jean Bond, les Zérozérosept
au point de me glisser jusque dans ses chaussettes

Mes gonzesses s'appellent Yvonne ou Carlita
c'est pas des Tatiana, des Ruby, des Mata
mais un jour je serai dans tous les magazines




mercredi 12 octobre 2016

Dix mots pour les Nuls



Publié sur WeLoveWords comme mes Brèves quotidiennes et matinales






verrue : Charmante coquetterie appelée également chancre ou tumeur

plat : Chose sans relief qui peut contenir des reliefs située entre le dessus-de-plat et le dessous-de-plat

médiatrice : Qui partage l'auditoire en deux ; ARTE est un exemple de média triste

hippodrome : Département à cheval sur l'Auvergne et le Rhône

déclarer : Mot de passe douanier pour chanteuse globetrotter « Rihanna déclarer »

araignée : Nom du prochain saint-père « Un autre pape est appelé à régner »

ouest : Où l'on finit par tomber à force d'aller à l'Est

belle fille : Ancienne fille au père et future belle mère

contamination : Mot contagieux finissant par nation voire plus...

volonté(s) : Soupirs, derniers mots avant la fin... d'ailleurs c'est maintenant


lundi 10 octobre 2016

Echappatoire





Quand j'ai découvert le thème des Défis Du Samedi: S'échapper, j'ai redouté le pire.

Rien ne sert de s'échapper: j'ai compris qu'avec un mot qui finit comme rattraper on n'a aucune chance... à moins d'avoir des gardiens éclopés ou handicapés.
Il valait mieux pour moi que je trouve rapidement des synonymes et j'en ai trouvé un juste en face de chez moi, sur la porte de ma voisine: Eva D.
Ne me demandez pas pourquoi son prénom est en entier et son nom limité à cette seule initiale alors qu'on a plutôt tendance à écrire le contraire.
Je suppose qu'elle désire rester anonyme comme tous les évadés de la terre.
Si j'étais indiscret j'irais taper à sa porte pour lui demander d'où elle a décampé... des camps P ?
Allez savoir si elle fuyait des camps, des guerres ? pire ?
Déguerpir. Voilà. C'est le mot qui convient même s'il finit en pire comme croupir ou vampire.
Ne vous moquez pas.
Choisir le bon mot quand on est prisonnier des mots comme moi, et qu'on n'ose les dire sans penser à la bombe à retardement qu'ils représentent, c'est un dilemme, un supplice.
Alors quand la douleur est trop forte, que le clavier me brûle les doigts comme maintenant, j'utilise la touche miracle, celle qui va me libérer du carcan.
“Libéré, délivré, c'est décidé je m'en vais”... qu'est-ce qu'elle peut me pomper celle-là!

Quand d'autres iraient attraper je ne sais quelle poudre d'escampette, moi je remercie le génial inventeur de cette échappatoire: la touche de fonction Echappe

samedi 8 octobre 2016

Conseil des Sinistres

Publié aux Défis Du Samedi




Quelqu'un avait écrit Fabrique de mots magiques ici
Par l'écriteau alléché je tirai avec pêne la bobichevillette réversible et poussai la porte de l'officine, m'attendant à découvrir un Merlin l'Enchanteur désenchanté ou je ne sais quelle fée Clochette évanescentralienne en haut balconné et en bas résilles.
Que nenni !
Dans l'excluminosité qui tombait du sésame-ouvre-toit et dans un accumoncellement d'objets hétéroclites – fessupliants, contrepelletées et autres maltapropos – trônait un grammécanographe d'avant-guerre, mais de quelle guerre?
“Bienvenue à la fabrique de mots magiques” marmonna un cyborg balafré d'une funèbre cicatriste et préposé au susdit grammécanographe.
J'allais lui faire remarquer que “Bienvenue” eut amplement suffi puisque j'avais lu l'écriteau mais je n'ai pas pour habitude de parler aux cyborgs ou alors sous la torture.
“Que me vaut le plaisir de votre venue?” geignit-il dans un sanglot-long-de-l-automne comme seuls savent en exprimer les violons verlainiens.
“Je ne suis pas là par plaisir” avouai-je “mais j'ai été mis au défi de rapporter des mots magiques pour samedi prochain”.

Le grammécanographe se mit à cramouiller comme tous les machins en graphe d'avant-guerre jusqu'à ce que le cyborg le fasse taire d'un solide coup de poing.
Embarrassé, il s'enquit :”C'est qui Samedi?”
Visiblement, je n'étais pas sorti de l'officine...
A quoi bon m'évertuer à expliquer à ce cyborg que le samedi est le jour du Seigneur et le septième jour de la Genèse; j'étais juste là pour rapporter des mots magiques.
“Vous avez des mots magiques ou vous n'en avez pas?” tranchai-je.
J'ignore si vous avez déjà vu un cyborg tranché mais je peux dire que ça fait peine à voir, un être aussi sophistiqué et si fragile à la fois.
“J'avais préparé une liste qu'on m'a commandée en haut lieu pour le prochain Conseil des Sinistres” chuchotèrent les deux moitiés de cyborg “et je pourrais vous en faire quelques photocopines”.
J'acquiesçai d'un air entendu (où avais-je déjà entendu cet air?), je n'ai rien contre les photocopines bien au contraire si elles sont gracieuses.
Le grammécanographe avait expectoré une première photocopine dans un épais brouillard de posticrachats; je pus cependant déchiffrer ceci:

burkini
brexit
jungle
pré-campagne

“Alors?” interrogea le cyborg en se rafistolant.
“Alors” répondis-je, désappointé “c'est tout ce que vous avez à me proposer comme mots magiques?”
Vexé, le cyborg rafistolé s'était retranché derrière son grammécanographe qui cramouillait de plus belle :”Pourtant le Conseil des Sinistres ne s'est jamais plaint!”

Avec de tels mots magiques je comprenais maintenant pourquoi tout partait à vau-l'eau dans notre royaume.
Je n'attendis pas la photocopine suivante et sortis contrarié de l'officine.
Puisque c'était ainsi je les fabriquerais moi-même; d'ailleurs j'en tenais un qui me parut excellent – coquecigrue – et que j'enfouis prestement dans ma poche de peur qu'il ne s'échappe.
Je souris... certain que personne n'utiliserait jamais celui-là dans aucun hémicycle.


Coquecigrue (fém.) oiseau imaginaire, fabuleux.
À la venue des coquecigrues = à la Saint Glin-glin
Regarder voler des coquecigrues = se faire des illusions, s'occuper de choses chimériques.
Baliverne, sornette, sottise. Conter, débiter des coquecigrues

lundi 3 octobre 2016

Poète en chaussettes

Publié aux Impromptus Littéraires d'après le vers de Charles Baudelaire dans son poème "Parfum exotique"






Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d’automne,
dans un élan soudain, vision de porcelaine
tu avais retiré ton petit pull vert laine
ouïssant des violons les langueurs monotones

et quand j'ai butiné de ma bouche gloutonne
ton sein si effronté, turgescent, beau... de l'air!
j'ai bien cru défaillir au seuil crépusculaire
j'ignorais qu'en ce temps les fleurs du mal boutonnent

D'une couche d'humus on a fait notre lit
de feuilles mordorées un drap bien inutile
j'ai de ton mousseron découvert le pistil

et vécu ce soir-là le plus beau des automnes
j'avais gardé aux pieds (tu ris) mes Burlington
j'aime sortir couvert sinon... c'est la chienlit

dimanche 2 octobre 2016

L'happy-culture pour les Nuls

Publié sur MilEtUne




L'happy-culture est une activité culturelle et spirituelle destinée à rendre ses adeptes heureux voire gais si affinités.
Le degré de bonheur chez l'happy-culteur se traduit par un bourdonnement d'oreilles appelé abeilles et qui se mesure en décimiels.
Le décimiel est égal à dix fois le logarithme décimal du rapport entre l'happy-culteur et l'abeille.
On peut toutefois limiter les nuisances sonores au moyen de structures en nid d'abeilles.
Le bourdonnement - connu depuis l'époque Maya - peut aller jusqu'à des sensations de piqures: on dit alors que les abeilles piquent dard-dard.
La protection contre les piqures s'appelle une vareuse: la vareuse est tunique en son genre et propre à l'happy-culture même si elle est sale.

L'happy-culture est une activité secrète: elle secrète une substance poisseuse et sucrée appelée miel et qui comporte du fructose, du glucose et plein de choses en ose.
Il existe une fausse happy-culture qu'on appelle enfumage et constituée de mensonges et de fausses promesses; elle s'exerce principalement en saison préélectorale c'est à dire avant le couronnement de la reine mère.

Quelle que soit la forme de l'essaim - on distingue entre autres l'essaim en poire, l'essaim en pomme et l'essaim en cloche - l'happy-culteur se paie content, d'autant plus si la récolte se fait au moment de la lune de miel; c'est le principe du bonheur.
L'happy-cultrice et l'happy-culteur ont droit au bonheur à parts égales; on a l'habitude de dire: Le bonheur est dans la ruche.
La ruche est le lieu où l'abeille habita. Si l'habitat de l'abeille est l'oreille, on dit alors qu'il y a bourdonnement et production de miel ou cire humaine (cérumen par déformation).
Contrairement aux idées reçues, l'abeille ne fabrique pas de coton-tige.
La tige principale du coton-tige est une branche fructifère qui peut mesurer plusieurs mètres mais on s'en fiche.

Le premier ennemi de l'happy-culteur est le bourdon ou Bombus mélancolius alors que son second ennemi est le cafard bleu (blues en anglais). On les combat efficacement en broyant du blanc.
Terminons par une citation de Coluche: « Aujourd’hui c’est la Toussaint, c’est la fête de tout l’essaim et j’en profite pour dire bonjour aux abeilles »

A venir: La cuniculture ou culture du lapin avec la langue pour les Nuls