samedi 5 janvier 2013

La Comtoise au trésor

 
 
 
Je me suis longtemps demandé ce que l'oncle Hubert pouvait bien traficoter chaque matin à la même heure dans la Comtoise de mes grand parents... jusqu'à ce que j'acquière la conviction qu'il y cachait un trésor et en vérifiait quotidiennement la présence.
J'étais toujours réveillé tôt, non pas pour mieux jouir de mes trop courtes journées de vacances mais parce que sa polonaise, Anastazia (vous la connaissez maintenant) le jetait bruyamment hors du lit dès l'aube pour “faire du lard” comme on dit chez nous. Bref j'étais levé tôt et je pouvais épier son manège tout à loisir.


Je n'ai pas longtemps été dupe des simagrées qu'il faisait pour berner un éventuel lève-tôt et son rituel de remontage du mouvement puis de la sonnerie ne m'impressionnait plus. Je savais bien qu'il lorgnait par la petite lucarne vitrée et couvait son magot d'un regard bienveillant.
L'oreille collée au grand caisson de bois de sapin, manivelle en main, il comptait à voix basse le nombre de tours de remontage comme si la moindre erreur de calcul allait faire exploser l'engin séculaire et mettre à jour son secret.


Je n'ai jamais compris ce qu'une Comtoise du Haut-Jura foutait dans notre famille chauvine et ancrée en Bourgogne bien avant le chanoine Kir, mais pour sûr Elle valait son pesant d'or et de zloty!


J'essayai vainement de calculer la valeur Or contenue dans le ventre rebondi de la Comtoise où l'oncle avait dû ménager assez de place au balancier animé pour que vivent ses petits automates-vignerons... mais j'étais nul en calcul et me contentai d'une estimation à la louche: il devait y en avoir un gros paquet, au moins de quoi m'acheter des malabars jusqu'à la retraite!


Un soir où je passais trop près d'Elle et que je heurtai sa caisse du coude il me sembla voir dans les yeux de l'oncle Hubert comme une lueur d'effroi.
Je crus même l'entendre gémir cette fameuse tirade d'Harpagon “Au voleur ! à l'assassin ! au meurtrier ! Justice, juste ciel ! Je suis perdu, je suis assassiné !”, celle-là même qui m'avait valu un beau succès en CM1, mais l'arrivée tonitruante d'Anastazia précédée d'un karkowka de porc fumant me sauva de l'échafaud.


Je m'étais promis de taper dans le magot à la première occasion, mais bien des années plus tard je réalisai que la Comtoise avait disparu... tout comme Anastazia, ses soupes de choucroute et sa vodka sans que personne n'y voie quelque coïncidence.
 





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