lundi 11 novembre 2013

Tanto bene

Un beau matin, vous vous réveillez ; tout est comme d’habitude ou presque…
Elle est partie. Elle n’a pris que ses vêtements préférés, ses objets fétiches et ses livres cultes, et vous a laissé le chien et les enfants.
Mais aussi un mot sur la table de la cuisine à côté de votre bol et des croissants chauds : « ti amo, ti voglio tanto bene ». Vous n’avez rien vu venir et n’avez aucune explication.
 
 
Filomena,

A ton tour quand tu liras ma lettre, à condition que Materazzi ne la bouffe pas (tu parles d'un nom pour un teckel), tu seras doublement surprise d'abord parce que je serai loin - non, ne me cherche pas au café d'en face, il est fermé jusqu'au 15 - et parce qu'en plus tu connais mon aversion pour l'écriture, sauf pour les voeux à tante Zoé qui elle, a toujours été très généreuse pour les étrennes de son neveu préféré.
Avoir écrit en italien, ça ne m'étonne pas de toi et de tes éternelles allusions pour ne pas t'avoir emmenée il y a un bail en lune de miel à Venise.
Si je te pardonne cette idée fixe, je n'accepte pas cette sale habitude que tu as d'acheter les croissants chez Gauthier alors qu'ils sont quatre centimes moins chers chez Durant, sans compter que la patronne est plus (toi tu dirais Bella ragazza) commerçante.

Je pense que tu liras ma lettre avant longtemps puisque tu ne peux pas être partie bien loin compte tenu du bordel que tu as comme toujours emporté avec toi.
Loin de moi l'idée mesquine d'en faire l'inventaire mais reconnais qu'il est quasiment impossible de se déplacer avec le lustre à pendeloques vénitiennes de ta mère, alors que j'avais eu tant de mal à le faire rentrer dans MA Clio.
 
Je sais que tu vas rentrer presto - comme vous dites en rital - en réalisant que tu as emporté MA brosse à dents bleue au lieu de TA brosse rose.
Grazie mille entre parenthèses pour mon hygiène buccale!
Je sais que tu vas rappliquer daredare pour ta foutue réunion “Tu perds ouaire” du samedi après-midi... d'ailleurs tes amies vont bien faire la gueule puisque j'ai débranché le répondeur.

En lisant ma grande lettre qui coûte bien plus d'effort cérébral que tes six malheureux petits mots en spaghetti, tu vas enfin réaliser de quels sacrifices ton mari est capable... et comprendre combien ta conduite est stupide, irraisonnée et déstabilisante pour le bon fonctionnement de toute la maison.
 
Quand tu vas m'appeler, ne cherche pas à m'amadouer avec tes pleurnicheries et va plutôt récupérer les enfants que je m'apprête à aller déposer chez Bénédetta. Tu sais comme moi que cette folle - en plus d'être moche - ne les garde plus après dix huit heures. Ce n'était donc pas nécessaire de rajouter 'tanto bene' à ta dédicace.
Sois rassurée, ton Materazzi n'aura pas souffert jusqu'à ton retour... il a un reste de croquettes pour la journée.
Ciao

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