Une
fois de plus je reprends cette route qui monte au nord-ouest - tournant
le dos aux étoiles du Strip... MGM, Bellagio, Venetian et aux
sublimes grès rouges de Red Rock Canyon - avec pour seul but la cime
familière du majestueux Mont ....
L'asphalte
surchauffé laisse bientôt place au modeste et sinueux ruban de
Kyle Canyon Road qui à neuf cent mètres d'altitude s'élève
insensiblement entre les paysages rocailleux piqués de maigres buissons,
cactus et yuccas biscornus et les roches sculptées par les
intempéries et les vents ancestraux.
Ça et là quelques fermes aux corrals endormis me rappellent aux hommes dans
ce désert de Mojave où tout parait figé à jamais.
A mesure que je m'élève, les bouquets de pins ponderosa apparaissent ainsi
que les cèdres et par endroit ces chalets de bois qu'on croirait venus tout droit des Vosges ou des Alpes.
Aurai-je la chance d'apercevoir un cheval ou quelques ânes sauvages au
détour d'un virage?
Ce rocher au loin, est-ce un mirage ou un de ces vieux indiens Païute qui
m'observe en mâchant une racine?
Mais plus haut vers deux mille mètres viennent les grands sapins bleutés du
Colorado, les White-fir dont l'ombre propice m'incite à faire une halte.
Je laisse un moment la voiture.
Peu sensible aux quelques degrés de température perdus, je retrouve dans
l'air ambiant ces effluves alpines que l'on goûte chez nous, qui enivrent et incitent à aller encore plus haut.
Par endroit des chemins de randonnée invitent les plus opiniâtres à se
perdre...
On imagine mal qu'aux rares et violentes pluies, des torrents et des
cascades aient pu creuser ces bassins et ces oueds et réveiller une végétation en sursis.
Jusque-là, pas d'à-pics ni de ravins vertigineux, l'ascension n'est
palpable qu'aux changements d'uniforme de ces sentinelles végétales dont bien des joueurs de casino ignorent l'existence.
Combien
savent qu'à moins d'une heure de la Cité du Vice existe un paradis
où détalent les lièvres, où lambinent de maigres coyotes, où jouent
les chipmunks, adorables petits écureuils au costume rayé.
Gare à l'aigle royal, le Golden eagle est vraiment roi ici et il le fait
savoir en grands cercles aussi majestueux qu'inquiétants.
Que dire des primevères roses, des lupins, des fleurs de cactus, herbes
odorantes, arbustes et arbrisseaux, et tous ces troncs tordus aux formes fantasmagoriques?
Par
endroit des pans de montagne aux squelettes calcinés me rappellent le
danger omniprésent des incendies dévastateurs, et délaissant la
station de ski fermée à cette époque je remonte en voiture et poursuis
mon ascension jusqu'au lodge et son alignement d'une
vingtaine de chalets de bois.
Dans
ce havre de paix je m'installe sur l'immense terrasse posée à l'aplomb
du vide pour me goinfrer dans un dernier effort une incroyable
banana split (*) que vient parfois survoler quelque facétieux
oiseau-mouche.
Le nez au vent frais - toutes proportions gardées - et les yeux plantés au
sommet, j'ai la nette impression de toucher le ciel.
Avant d'être redescendu dans la fournaise, je sais déjà qu'un jour je
reprendrai cette route qui monte au nord-ouest...
(*) Three
scoops of
premium vanilla bean ice cream between "split"banana, topped with
crushed pineapple, strawberry topping and hot fudge, covered with
whipped cream walnuts and a chery on
top.
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