vendredi 25 décembre 2015

Djali et le chou blanc

Les Défis Du Samedi s'interrogent... D'où viennent ces personnages qui hantent nos rêves?




J'aime bien parler avec Djali... enfin quand je dis parler, c'est plutôt un monologue car elle n'est pas diserte.
Elle s'exprime en tapant du sabot contre le bois de mon lit ce qui n'est pas très pratique mais aussi par des bêlements, des plus légers aux plus profonds selon la tournure que je donne à mon rêve...
On dit que les personnages des rêves sont idiots et ne sont faits que pour être maltraités mais je crois que Djali est intelligente et qu'elle éprouve quelque sentiment à mon égard même si j'ai parfois envie de la tuer.
Je sais que je le ferai un jour - même si j'ai horreur du ragoût de mouton et des caprins en général - c'est pourquoi je ne fais que des rêves lucides, ceux qui me permettent de garder la maîtrise des évènements.
Les rares fois où elle me parle, je m'empresse de me réveiller pour noter ses paroles mais le rêve s'interrompt, forcément, et je fais chou blanc à chaque fois...
Je l'avais trouvée au détour d'un rêve cauchemardesque, l'oeil triste, le sabot terreux et le poil souillé de sang sêché; un morceau de corde usée pendait encore à son maigre cou.
A force de questionnement j'ai pu reconstituer son histoire et celle de sa défunte maîtresse, une rom dénommée Emeraude, Esméralda ou quelque chose comme ça, une danseuse d'origine douteuse maquée à un certain Ismaël Omar Phœbus.
Quant au chou blanc il est là aussi dans le rêve, un gros chou hollandais d'où sort un garçon chaque nuit mais jamais de fille.
On dit que les filles sortent des roses mais il n'y a jamais de roses dans mes rêves.
Des sabots d'or de Djali et des ses cornes d'or il ne reste rien qu'une odeur tenace au petit matin et tout plein de petites crottes noires et rondes que je conserve sur le tas de fumier du jardin.
Il parait que les crottes de chèvre bouillies dans du vinaigre soignent les morsures de serpent, alors je les garde précieusement au cas où un serpent venimeux s'inviterait dans mon rêve...
Pour mon prochain rêve - entre Noël et l'Epiphanie - Djali a insisté pour m'emmener à la Fête des Fous, une fête bizarre, bruyante et déjantée où les maîtres deviennent domestiques et vice-versa.
C'est le vice-versa qui me gêne... ça sent le cauchemar.
Depuis le temps que je balance entre la chèvre et le chou je crois que le moment est venu de tuer Djali, quitte à tuer le rêve qui va avec.

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