samedi 14 mai 2016

L'éblouissante histoire de la lampe à filament

Publié aux Défis Du Samedi d'après l'illustration




A l'heure où les belles laides – LED pour faire plus petit – nous éclairent on a tendance à oublier que pendant des lustres (le lustre équivaut à un gâteau de 5 bougies) on a utilisé l'huile, le gaz et le pétrole avant d'imaginer l'ampoule à filament.

Quand Ernestine Labre née de Gaston Labre et Marie Loupiote vécut sa première expérience cousue de fil blanc – une fibre de coton carbonisée que son amant empressé avait arrachée de sa robe trop près d'une bougie – ce fut le début d'une longue série d'amants et d'échecs.
A l'époque il y avait le camp des Labre et le camp des sceptiques, celui de celle qui filait un mauvais coton et celui de ceux qui filaient sans demander leur reste.
Ernestine donna à son fil d'éclairage le joli nom de filament.
Pourquoi filament ? Les mauvaises langues disent qu'elle aurait crié à chaque fois qu'un ex jaloux s'approchait de son atelier : »File amant !»

Lulu, le dernier amant répertorié – souffleur de verre de son métier – a alors l'idée d'enfermer le précieux filament dans une ampoule pleine de vide, ce qui est à la fois un pléonasme et un exploit pour l'époque.
Au début Ernestine n'obtient qu'un Lu mignon qu'elle baptise Petit Lu et qui n'éclaire que le temps du goûter qu'on appelle donc quatre heures.
Elle espère faire mieux mais deux Petit Lu ne font toujours qu'un quatre heures.
Ernestine a l'idée ( ne pas confondre avec Ernestine Halliday) de remplacer le vide par du gaz mais en 1870 le gaz est rare et à cause d'un trop plein d'eau dans le gaz, Lulu fuit et s'enfuit.

Ernestine fait le vide autour d'elle pour mieux se concentrer; dans l'azote son filament de coton éclaire pendant quatorze heures, ce qui correspond à la durée d'une journée de travail de l'époque.
Ernestine veut faire plus pour gagner plus.
Elle essaie diverses fibres végétales: pousses de bambou-au-poivre-de-Sichuan, Jonc de mer-qu'on-voit-danser-le-long-des-golfes-clairs, Coco-à-la-noix, lin puis l'autre mais sans succès.
Déprimée elle expérimente un double filament de Canna qu'elle nomme Cannabis.

Il faudra qu'un beau matin – car les plus belles inventions surviennent un beau matin – Eddy sonne à sa porte pour qu'ils imaginent ensemble la «lampe à un camp d'essence».
Eddy sonne mais s'appelle en fait Thomas Jerry Can... appelons-le Eddy.
Eddy !
Eddy arrive du nouveau Jersey, là où on tricote le fil de coton plus vite qu'Ernestine ne le brûle.

Ensemble ils expérimenteront des gaz nobles: Argon, krypton, xénon, néon, des noms en 'on' beaucoup plus distingués que l'octofluorocyclobutane ou l'hydrogène sulfuré qui chlingue trop l'oeuf pourri et emboucane le voisinage...
Elle a du culot Ernestine et imagine bientôt un système de vis à une époque où sévit la baïonnette.

Le suédois Celsius – inventeur de l'échelle qui porte son nom – estimera la température du filament d'Ernestine à 2550°, ce qui fera dire à Ernestine “Voilà pourquoi ça brûle”.
Bien plus tard Eddy inventera le téléphone et le fameux “Allô, Gênes?” qui laissera sur le cul les génois et les génoises et permettra l'essor de la lampe moderne et écologique.

La célèbre lampe d'Ernestine est aujourd'hui interdite dans l'Union Européenne, remplacée par la lampe halogène qui sera prochainement interdite dans l'Union Européenne et remplacée par un machin qui sera sans doute interdit dans l'Union Européenne à moins que l'Union Européenne ne soit interdite un beau matin, car les plus belles interdictions surviennent aussi un beau matin...



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