lundi 15 octobre 2018

Rue Corneille

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème : Une jolie rue

Dix ans c'est l'âge où en classe on n'a pas encore le citron farci par toutes ces choses ennuyeuses assénées à coups de règle sur les doigts et de colles du samedi.

En ce temps là Corneille n'est pour moi qu'une rue, un formidable terrain de jeu que je sillonne à vélo et jusqu'au soir tant que durent ces merveilleuses vacances passées chaque année chez pépémémé comme on dit.
Rue Corneille c'est à Dijon la ligne droite de départ de mes courses cyclistes où, poursuivi par un invisible peloton je suce la roue des Stablinsky, Anquetil, Janssens et Nencini.
Je ne suis pas ce potache studieux qui récite par coeur le cidre... "Horace Ô désespoir" ou qui déclame La mort de Pompée, non moi c'est surtout Bibi Fricotin, les Pieds Nickelés et mon vélo !
A ma manière j'enchaîne les classiques à grands coups de pédale, remontant le boulevard Pascal pour redescendre rue de Chateaubriand puis rue La Fontaine jusqu'au square Giraud où un grinçant changement de braquet me ramène tout droit chez pépémémé...
Pour le contre-la-montre j'ai un secret, attendre midi pour profiter du calme des rues Racine et Marivaux qui communiquent par l'avenue Aristide Briand.
Toute la difficulté consiste à rentrer à la maison avant la sacro-sainte heure du déjeuner mais j'y arrive rarement à la grande fureur du pépé.
J'évite la Grand-place Saint Exupéry que je réserve aux sorties du soir quand mémé nous mène après le dîner voir le triage des wagons depuis le haut du pont tout proche.

Dans la chaleur étouffante des cheminées de locomotives à vapeur qui nous suffoque, nous assourdit, nous brûle et nous laisse ce goût âcre de charbon dans la gorge, je songe que le plus bel endroit sur Terre est bien celui-là où tant de grands écrivains sont venus croiser leurs artères... et je me dis: Plus tard j'écrirai, si le vélo m'en laisse le temps.

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