samedi 21 décembre 2024

Sérénade

 

Publié sur le site MilEtUne Histoires avec 10 mots imposés



Ce matin, Germaine chante du Souchon ...


Est-ce qu'on peut ravoir à l'eau de Javel
Des sentiments
La blancheur qu'on croyait éternelle
Avant ?


Je n'aime pas quand elle chante Souchon, ça finit toujours par monter dans les tours, dans les aigües.

Je fais souvent ce rêve fou qu'elle parle en ultrasons !

Certes ça fait aboyer son caniche et ça casse quelques verres en cristal – cadeau de mariage d'oncle Hubert... au siècle dernier – mais j'ai une paix royale.

Germaine continue, la gredine …

Pour retrouver le rose initial
De ta joue devenue pâle

Le bleu de nos baisers du début
Tant d'azur perdu



Question baisers je me souviens qu'au début elle m'avait donné Huit … sur vingt, alors pensez-donc aujourd'hui je suis hors catégorie.

Pourtant à l'époque j'y mettais de la fantaisie … je lui jouais de la harpe avec ma guitare sèche (cadeau de mariage de tante Anastasia... au siècle dernier ; Germaine se pâmait du haut d'une forteresse improvisée avec deux chaises Ikea, des EKEDALEN en hêtre massif (depuis l'âge de bronze y'a pas mieux que les suédois pour les forteresses)

Entre deux grands soupirs de pâmoison, elle m'invitait dans son palais – encore du Ikea, un SKÖNABÄCK en polyester acheté à crédit en 72 mensualités – pour la ranimer.
A défaut de sels de carbonate d'ammonium je lui offrais une barre chocolatée
Poulain car on n'était pas riches à l'époque.

Sans mentir, ça la requinquait illico alors elle me … mince, elle est en train de conclure


Allez ! À la machine !!!


Pourvu qu'elle n'enchaîne pas sur Ultra moderne solitude !

Non, elle ajoute à mon intention « Tu mettras ta couette dans la machine ! Je suis pas ta bonne »











samedi 2 novembre 2024

Le roi Merlin


Publié sur le site MilEtUne Histoires d'après les 10 mots imposés



« Dites donc Mansart, qu'est-ce que c'est que ces machins là-haut qui partent en sucette ? »

« Euh... ce sont des astragales Sire, des moulures entre colonnes et chapiteaux »

« C'est un peu ringard, non ? Il faudrait me ravigoter tout ça, donner un coup de jeune en façade au lieu de tirlipoter tout à loisir votre Galerie des sucettes ! »

« Euh... des Glaces, Sire … c'est la Galerie des Glaces »

« Ouais, si ça peut vous faire plaisir. En tout cas vous me ferez mettre au frais cet assassin qui a salopé mes astragales qu'on dirait des gros boudins »

« Euh... ce sont effectivement des boudins, Sire quand d'autres disent à tort que ce sont des tores »

« J'ai parfois du mal à vous suivre, Mansart. Et d'où sort ce fabricant de boudins ? »

« C'est un de nos sous-traitants qui officie chez Leroy-Merlin. Leur slogan c'est Inventons le château de demain »

« Plait-il ? Le roi, y'en a qu'un, c'est moi ! D'ailleurs vous voudrez bien faire déposer cette citation sous mon nom de domaine RoiSoleil.org »

« Vos désirs sont des ordres, Sire »
« Quant à ce coup de jeune dont je vous parlais, je verrais bien une grande arena en plein air pour des bals-musette où Lully pourrait jouer ses niaiseries et faire guincher la Montespan et toutes ces précieuses ridicules »

« Comme il vous plaira, Sire »

« Et de grâce, exilez-moi ce soi-disant roi Merlin ! »




samedi 8 juin 2024

Le sparadrap pour les Nuls

 

Publié au Défi Du Samedi sur le thème du Sparadrap


Le sparadrap a été inventé par un dénommé Dézive et sa bande … la bande à Dézive.


Le sparadrap a été conçu pour éviter qu'on presse la compresse puisque qu'elle tient alors sans les doigts, mis à part les doigts qui tiennent au sparadrap.


Il a été conditionné en rouleau mais on peut préférer le pansement individuel prédécoupé ou à découper soi-même.

Si on se blesse en le découpant soi-même on maintient astucieusement ledit pansement avec un sparadrap prédécoupé.


A la SNCF on l'utilise pour tenir les caténaires lorsqu'on doit perfuser une ligne à grande vitesse.


Lorsque le rouleau de sparadrap est enroulé à l'envers on l'appelle pardaraps ; pourtant il vaut le même nombre de points au scrabble.

Le Canada qui ne fait rien comme tout le monde l'appelle diachylon ; il gagne au scrabble grâce à son 'y'.


De nos jours le sparadrap est hypoallergénique c'est à dire qu'il ne provoque pas d'allergie aux chevaux.


Il peut être transparent - ce qui le rend invisible - ou de couleur chair ce qui le rend invisible si votre chair est de la même couleur que lui.


On le trouve toujours dans la trousse de premiers secours à condition de retrouver la trousse de premiers secours.


Contrairement à ce que croient les enfants le sparadrap décoré de motifs animaliers est aussi douloureux à enlever que le sparadrap ordinaire mais il permet de pousser des cris de dinosaure ou d'éléphant selon le motif.


Pour décoller un sparadrap on utilise un sèche-cheveux ; on appelle ça Faire chauffer la colle.

On peut aussi utiliser l'eau chaude même si l'inventeur du sparadrap ne l'a pas inventée.

Si on n'utilise rien on appelle ça un sparadrap permanent ; on a retrouvé des sparadraps permanents ayant servi à embaumer les momies dans certaines pyramides. Ces sparadraps ont servi également à panser les sept plaies d'Egypte.


Le sujet sur Le sparadrap pour les Nuls se termine ici ; je suis au bout du rouleau.






samedi 25 mai 2024

Richard Comment ?

 Publié au Défi Du Samedi sur le thème : Quotient


A l'Agence des Talents du Samedi


« Que diriez-vous de Quotient ? Richard Quotient ça sonne bien, non ? »

« Euh... je ne suis pas très chaud »

« Vous n'êtes pas chaud ? Vous avez pourtant l'air un peu crâmé ces temps-ci »

«C'est parce que j'ai attrapé un coup d'soleil... un coup d'amour, un coup d'je t'aime, quoi »

« Faites moi confiance. Songez que c'est moi qui ai lancé Sylvie Vatan »

«Sylvie Vatan ? »

« Oui et voyez le résultat... elle est partie »

« C'est vrai... elle n'est pas là, et si je rêve tant pis »

« A votre avis c'est quoi le dénominateur commun entre Calozéro et Vanessa Pardi ? »

« Je sais pas... j'vis à l'envers, j'aime plus ma rue »

« Et bien pardi c'est moi leur dénominateur commun ; c'est moi qui les ai lancés »


« J’mets des photos dans mes chansons et des voiliers dans ma maison »

« Oui c'est bien ça mais y vous faut un nom. Richard ça suffit pas ; Richard ou Tony ça peut pas marcher »

« Pourtant Richard ou Tony il avait cartonné avec son train qui sifflait »

« Connais pas. C'est pas moi qui l'ai lancé celui-là »

« Et Richard Container et son gentil p'tit Youki ? Il a pas cartonné Richard Container ? »

« C'est l'exception qui confirme la règle. Il vous faut un vrai nom »


« En attendant j'vis à l'envers, j'aime plus ma rue... »

« Oui c'est pas mal ça et vous allez me dire aussi J'fais du bateau dans mon quartier, il fait très beau, on peut ramer »
« Waou ! Vous la connaissez ? »

« Bien sûr, c'est moi qui avais lancé ce... comment je l'avais appelé celui-là ? »

« Ben c'est moi ! »

« Ah oui ! Henri Salve d'Or »

« Mais non c'est moi ! Même que ça fait : J’avais cent ans, j’me r’connais plus ! »

« Cent ans c'est rien. Lui il chantait Nos ancêtres les gaulois... Nanana... souvenez-vous : Faut rigoler ! »

« Faut rigoler. Vous en aves de bonnes. Ça y est, c’est sûr, faut qu’j’me décide... J’vais faire le mur et j’tombe dans l’vide »

« Calmez vous. C'est pas si grave. On va dire Richard X pour commencer, et puis si jamais ça marche on avisera »


(Soupir)

« Richard Onavisera, c'est pas terrible non plus »





samedi 4 mai 2024

Tenez bon

 

Publié au Défi Du Samedi sur le thème Nounou




Très tôt je m'suis rendu compte que ça s'rait pas d'la tarte!

Même sans dents j'aurais préféré une tarte aux noyaux de cerises plutôt que ce morceau d'caoutchouc sensé épargner le téton maternel mais qui n'en avait ni le velouté, ni le goût et encore moins ce je ne sais quoi d'indéfinissable qui vous fait monter aux rideaux avant de descendre au fond d'la couche.

Si j'avais eu l'choix entre l'caoutchouc et une grosse mamelle de nourrice même moustachue j'aurais pas hésité une seconde.

De mal en pis et après des jours d'intense mastication - c'que j'appelle téter et s'entêter - j'me suis rendu à l'évidence: c'était pas comestible.

 

Si on m'avait demandé mon avis je serais né plus tard; j'aurais au moins connu le frisson du danger et cette ivresse de la tétine gazée à l'oxyde d'éthylène, cette même saloperie qui donna aux poilus d'la grande guerre ce fameux p'tit goût d'moutarde.

C'est fastoche de critiquer aujourd'hui le plastoc et le “bisphénol A” quand on n'a pas connu l'biberon en verre et découvert avec horreur que ces machins qu'on vient d'cramer en deux secondes c'étaient des doigts.

 

Tenir... il fallait tenir le biberon et tenir bon pour espérer un jour ressembler à sa frangine qu'on autorisait à s'enfourner toute seule - comme une grande - une cuillère de potage dans l'oreille.

Moi qui aspirais plus au repos que leur mélange dopé à la Blédine, je trouvais que la barre était déjà haute pour mon âge.

Pourtant les grands prenaient un plaisir sadique à la monter plus haut à chaque progrès réalisé: d'abord la tétine monotrou, puis à deux trous, puis à trois trous - façon ocarina - et le fameux rototo obligatoire, celui qui cocote, qui arrose au large mais qui soulage tellement les adultes.

 

A cinq semaines - soit un nombre incalculable de rototos - constatant qu'on me foutrait jamais la paix je décidai de faire la gueule: les grands appelaient ça un sourire et jusqu'à ce jour je ne les ai jamais contredits.

Mis à part le faux sourire et le Areu que j'avais assimilé pour leur faire plaisir je m'exprimais maintenant en Grouic de cochon et sifflements de mainate que mon entourage interprétait à sa guise; de toute manière mon avis importait peu.

A l'échelle du chiard que j'étais, cinq semaines ça faisait déjà un bail, alors quand on m'a expliqué qu'j'm'assoirais dans six mois j'ai compris qu'y s'passerait du temps et des centaines de rototos avant d'avoir le plaisir indicible de tasser ma couche avec tout c'qu'y a dedans ...

 

S'accrocher... y fallait s'accrocher si j'voulais un jour être grand comme les grands, avoir le même appareil dentaire que ma cousine Philomène, des poils roux comme Oncle Hubert et goûter au fameux boeuf-carottes de tante Marthe.

Mais s'accrocher, c'est facile à dire quand tout bouge autour de vous et qu'on vous a pas rancardé sur les règles.

Les grands appellent ça l'expérience.

Alors dans l'genre expérience j'me suis frotté au déambulateur de pépé, à mon ch'val à bascule et aux soutifs à armature de tante Marthe.

Les grands pensaient que j'souriais à chaque tentative mais moi j'sais bien que j'faisais la gueule.

 

Chez nous l'dimanche, les vieux sortaient les grands crûs et s'les descendaient sans même un regard pour celui qui biberonnait le picrate du père Guigoz.

Quand j'pense à tous les Ruchotte-Chambertin qui m'sont passés sous l'nez et que j'reverrai plus jamais, ça m'fout la glotte en capilotade.

Pour nous les chiards, le dimanche c'était la barboteuse bouffante avec les p'tits élastocs qui serrent les cuisses à vous couper l'sang... mais comme j'voudrais pas casser l'moral aux chiards qui viendront après moi, j'préfère arrêter ici les souvenirs cuisants.

 

J'leur souhaite bien du plaisir! Parait qu'maintenant les tétines sont en silicone et les seins aussi, d'ailleurs!

Alors j'ai qu'un mot à leur dire, à tous ceux qui décideraient d'poursuivre l'aventure dans ce monde implacable: “Tenébon”.

 

 


samedi 13 avril 2024

Kleptomanes

 

Publié au Défi du Samedi sur le thème Kleptomane


Dès l'âge de la maternelle

en pleine guerre des boutons

des parties de saute-mouton

je volais de mes propres ailes


Des encriers de porcelaine

aux bons points du premier de classe

sur les traces de Fantômas

je piquais tout, mes poches pleines


A trop effeuiller Marguerite

on me disait érotomane

quand je n'étais qu'un kleptomane

j'ai volé sa pipe à Magritte !


Marguerite n'en voulait pas

« Ce n'en est pas une » dit-elle

mais l'occasion était trop belle

quand je dérobai un Vespa


On a roulé jusqu'à Paname

califourchon et amazone

avant d'avoir franchi la zône

elle m'avait volé mon âme



samedi 16 mars 2024

Gospel au Palais

 

Publié au Défi du Samedi




Cette belle journée de juillet était prometteuse ; je flânais sur l'île de la Cité dans le sillage des jupes d'été de quelques belles oisives quand un brouhaha incongru parvint à détourner mon regard aimanté vers les marches du Palais de Justice.

Des énergumènes en robes noires ornées de slogans entonnaient ce que j'identifiai comme la Marseillaise.

Au quatrième couplet – Tremblez, tyrans et vous perfides – je m'approchai des braillards et je leur suggérai l'incontournable Oh Happy Day, un chant que j'affectionne mais qui n'était visiblement pas dans leurs cordes … vocales.

« On n'est pas un groupe de Gospel » me cria un grand escogriffe au visage rubicond (en un seul mot) et il ajouta « On est des greffiers » en montrant du doigt le slogan placardé sur sa poitrine.

« Pardonnez-moi » dis-je au rubicond « vous êtes peut-être des greffiers mais vous n'êtes pas en polaire »
Le groupe avait cessé de chanter – ce qui était une bonne chose en soi – et scandait « Justice en colère. Révisez nos salaires ».

Je compris ma bévue d'autant plus qu'une tenue polaire en plein mois de juillet eut été mal seillante pour ne pas dire provocante.


La dernière fois que j'avais vu un greffier en colère remontait à l'époque où j'avais voulu changer la marque de croquettes de Nelson … mon chat.

Certains énergumènes mécontents de leur nouvelle grille des salaires s'y étaient cramponnés, tentant de l'escalader malgré l'intervention d'une brigade de queufs.

« Vous réclamez quoi au juste ? » m'enquis-je auprès d'une greffière échevelée.

« On veut une audience à la Chancellerie » me répondit-elle.

Je lui fis remarquer que la chancellerie ne chancellerait pas si facilement.


Elle semblait déterminée et me lança tel un défi « Tout n'est pas perdu »

« Comme la salle ? » répondis-je, fier de ce bon mot.

« Quel Lassalle ? Jean Lassalle ? » aboya t-elle en agitant sa chevelure flamboyante comme l'étendard sanglant de l'hymne qu'ils venaient de massacrer.

« La salle des pas perdus » bredouillai-je, déçu que ma vanne soit tombée à l'eau, bien qu'une vanne soit destinée à tomber à l'eau un jour ou l'autre.

Elle fronça les sourcils qu'elle avait permanents et charnellement bien dessinés, fit un effort pour digérer le jeu de mots avant d'éclater d'un rire cristallin … j'étais sous le charme.

Je venais de me réconcilier avec ces « gens-là », des fonctionnaires à qui je n'avais rien à reprocher mais que j'avais toujours snobés sans trop savoir pourquoi.

« Tu te joins à nous ? » quémanda t-elle en se pendant à mon bras.

Elle avait la même teinte de cheveux que la fiancée québécoise de son ministre mais je me gardai bien de lui faire remarquer cette malencontreuse coïncidence.

J'eus préféré un tête-à-tête mais je l'accompagnai jusqu'à la grille controversée qu'on entreprit d'escalader.

Elle grimpait si bien malgré sa longue robe que j'eus comme un étourdissement.



Je retrouvai mes esprits tandis que la voiture de police – sirène bloquée – qui nous convoyait promptement vers le commissariat du 1er traversa le pont Royal, ce même pont qu'emprunta le cortège funèbre de Voltaire mais pour l'heure je m'en foutais … royalement.

Si on m'avait dit qu'un jour une jolie fille rousse et fonctionnaire me caresserait le cuir chevelu d'une main manucurée, j'aurais crié au fou !

La matraque des forces de l'ordre m'avait fait pousser un œuf de pigeon du plus bel effet.

Serrés sur un banc on attendait maintenant le bon vouloir d'un certain commissaire divisionnaire.

Ledit visionnaire qui possédait un strabisme prononcé et un humour à deux balles nous colla un rappel à la loi avant de nous foutre sur le trottoir.

On entendait au loin péter des grenades et une fumée noire montait sur l'île dans le ciel d'un bleu éclatant de juillet.

«C'est quoi ton p'tit nom ? » ai-je demandé à ma rousse flamboyante.

On ne s'était même pas présentés.

« Claire » répondit-elle. Ça lui allait bien.

« Et toi ? » ajouta t-elle.

J'ai dit « Juste » sans savoir pourquoi .

« Leblanc ? » a t-elle ajouté avec ce même rire cristallin qui m'avait conquis.

On était sur la même longueur d'onde.

Elle a dit « T'en as encore beaucoup des comme ça ? »

« J'en ai plein ma chambre » osé-je.

Ça a eu l'air de lui convenir

samedi 2 mars 2024

Le maillot angora

 

Publié au Défi du Samedi sur le thème Epilation




Ce matin, chargé d'une mission comme qui dirait imprévue je débarque chez mon voisin Bernard .

« Dis donc Bernard, t'as toujours ton taille-haie ? »

« Ouais mais t'avais arraché ta haie l'an passé, alors t'en as pas besoin »

« Euh... moi non mais c'est Germaine qui m'a d'mandé de te d'mander »

« Germaine ? Quoi qu' c'est donc qu'elle veut tailler ? »

Je passe une main dans ma barbe hirsute : »Elle a trop honte depuis quelques semaines »

« Elle a honte de quoi, si c'est pas indiscret ? »


Je repasse une main dans ma barbe hirsute : « C'est pas facile à expliquer. J'sais pas si c'est le changement de régime alimentaire ou la ménopause mais ça c'est mis à pousser dru qu'on dirait les ronciers du père Martenot »

« Quels ronciers du père Martenot ? »

« Tu t'rappelles pas qu'ils avaient tellement poussé au bord de son étang des Prunelles qu'il avait dû s'équiper d'un gros engin pour défoncer tout ça ! »

« Et alors, Germaine en est rendue là ? »

Je soupire : »Tu verrais l'tableau, mon pauv' Bernard »

« Quel tableau ? »

« Et ben, t'as déjà vu l'Origine du monde... »

«Quelle origine du monde ? Tu dérailles ou t'as forcé sur la gnole ce matin ? »

Je n'ai pas le temps ni l'envie d'initier Bernard à la peinture réaliste : »Oublie Gustave Courbet, Bernard... alors tu m'le prêtes ton taille-haie ? »


« Okay mais fais gaffe, c'est du japonais ces engins-là et même si les nipons sont imberbes, c'est les champions du débroussaillage »

« On f'ra gaffe Bernard, on s'y mettra à quat' mains avec Germaine »

« C'est si touffu que ça ? »

« Si j'te dis que maintenant je distingue pas la tête de la queue »

Bernard s'étouffe (s'étouffe en un seul mot).

« La queue ? Dis-moi pas que Germaine est devenue Germain ? T'aurais pas fait ça, hein, mon salopard !»

Je m'étouffe à mon tour : »Tu n'y est pas Bernard. Je parle de Minette »

« C'est qui celle-là ? »

« C'est la chatte de Germaine, l'angora... celle qui chie dans tes platebandes et que tu vires à coups de râteau »

« Ah ! Tu m'as foutu les jetons, j'ai cru que t'avais viré ta cuti»

« Tu n'imagines pas Bernard comme l'angora c'est un drôle de turc »

« Tu veux dire un drôle de truc »

« Non, un drôle de turc. Même que ça remonterait aux Zottomans »

«J'me suis toujours méfié des turcs moi aussi, à commencer par leur café »


Bernard est un méfiant, ça fait même cinquante ans qu'il est méfiant, comme qui dirait un suspicieux, un ombrageux.

« Germaine dit que c'est l'seul chat qui utilise sa longue queue touffue pour exprimer sa joie, ses émotions, enfin tu vois... c'est du Germaine »

Bernard me lance un clin d'oeil : « Si ça c'est pas un appel du pied ...»

« Tu crois, Bernard ? On n'a pas l'esprit à la bagatelle, en attendant y va falloir tailler Minette»

Bernard cogite tout haut : «Et l'épilation ça s'rait pas moins dangereux que mon taille-haie ? »

« Figure toi qu'on s'était renseignés chez Yves Rocher »

« Rocher ? Le jeune carrier de l'entreprise de terrassement ? »

« T'es nul Bernard. J'parle de celui qui fait les maillots »

« C'est pas bête ça un maillot. Ça peut cacher le touffu, enfin tant qu'ça dépasse pas »

« Laisse tomber, Bernard. Ça coûtait un bras et en plus y font pas le maillot angora »

« Bon, alors prends mon Makita mais j'te le redis... fais gaffe aux oreilles ! »


« T'inquiète Bernard. Si c'est à cause du bruit j'mettrai un casque »

Bernard me regarde, incrédule.

J'ai l'impression par moment qu'on ne se comprend pas.





samedi 24 février 2024

You talkin' to me ?

 

Publié sur le site MilEtUne qui nous imposait la première et la dernière phrase




Mason ouvrit la porte de la voiture et se ravisa soudain, songeur, les sourcils froncés.

Avait-il bien tout fermé en quittant la maison ?

Il retraversa la rue et poussa le portail, accueilli par les féroces grondements du bulldog américain.
Il avait horreur de cette marque de chien, d'ailleurs il n'en aurait jamais pour rien au monde; songeur, il fronça les sourcils en gravissant les marches du perron.

Ce foutu chien allait alerter tout le quartier avec ses aboiements, d'ailleurs la porte s'entrebailla avant qu'il n'en saisisse la poignée.
La femme en peignoir rose et bigoudis ouvrait de grands yeux.

« Bonjour voisine» dit Mason « vous êtes venue voir Brenda ? »

Désorientée la voisine resta sans voix avant de murmurer « Mais Mason, ici c'est chez moi et Brenda est partie depuis ... »

« Où ai-je la tête » s'excusa Mason « c'est son jour d'entraide au City Harvest ! Je vous laisse mais n'oubliez pas de fermer à clef en partant »

La voisine abasourdie restait figée et comme Mason passait le portail elle bredouilla «elle est partie depuis deux ans »


Déjà Mason refermait le portail en repoussant le bulldog enragé et il fronça de nouveau les sourcils. Sa voiture n'était plus à sa place ou du moins l'avait-on remplacée par une autre, une Chevrolet !

Mason n'en croyait pas ses yeux. C'était une Caprice, le modèle 1987, celui qui le faisait baver dans les épisodes de Colombo mais celle-là était aux couleurs du New York Police Department.

Courtoisie, Professionalisme et Respect songea Mason.


En proie à une folle curiosité il s'approcha de la portière conducteur qui s'ouvrit aussitôt. Mais que foutait ici l'inspecteur Harry si loin de L.A. ?

« Tendez vos mains s'il vous plait » dit le flic solitaire.

Si Mason connaissait cette réplique par cœur il n'aurait jamais imaginé que Harry lui adresserait un jour en personne.

Il fallait qu'il raconte ça à Brenda quand elle rentrerait ; elle adorait Clint Eastwood.

Mason s'entendit répondre malgré lui « C'est à moi que tu parles ? Alors, à qui est-ce que tu parles ?»

Le flic solitaire porta la main à son arme, un lourd Smith&Wesson qui forçait le respect et répéta « Tendez vos mains s'il vous plait ».

Mason hésitait. Il tourna la tête vers la maison, la voisine en peignoir rose et bigoudis l'observait derrière une fenêtre.

Brenda n'avait pas de peignoir rose …


Avec Harry il devait pouvoir négocier et il répondit « Est-ce bien nécessaire ? »


Il va falloir ouvrir

 

Publié au Défi Du Samedi sur le thème de la dissection



« Voilà. Vous savez tout Docteur. Alors voyez-vous de quoi il s'agit ? »

Le docteur transpirait abondamment ; il fixait un point sur le mur derrière moi et dit « Je crains de devoir ouvrir »

« Euh. Ouvrir ? C'est grave à ce point ? »

Il renifla « Vous ne sentez pas déjà l'odeur ? »

Je reniflai à mon tour « Quelle odeur ? »

« C'est normal » dit-il «les gens finissent par s'habituer mais le mal progresse et si on ne fait rien ... »

Je me résignai «Ouvrir oui, mais de quelle manière? »

« Voyez-vous j'ai un confrère qui se contente d'entrouvrir mais ça ne sert à rien. Moi j'ouvre en grand afin d'y voir clair »

Je transpirais à mon tour « Et il faudrait faire ça quand ? »

« Maintenant … je vais le faire sans tarder »

Je tentai de gagner du temps « C'est que Germaine attend dans la voiture »

Il sourit «C'est l'affaire de dix minutes. Pensez-vous qu'elle aura le courage d'attendre dix minutes ? »

« Oui, Docteur mais normalement il y a une liste d'attente»

« Pourquoi attendre ? » s'étonna t-il « vous voulez aggraver la situation ? »

Je ne voulais rien aggraver du tout.

Comme il se levait de son fauteuil je cherchai sur le fouillis du bureau quelque scalpel, quelques écarteurs ou un de ces instruments de torture qui vous fait fuir à toutes jambes.

Le docteur alla droit vers la fenêtre et l'ouvrit en grand puis se tourna vers moi avec un soupir d'aise « Voilà. Il était grand temps d'aérer »

J'étais pâle comme un cadavre et je crois avoir entendu le bruit de ma chute en tombant.

samedi 10 février 2024

Saleté de poste à galène

 

Publié au Défi Du Samedi sur le thème : Balbutiement




« Qu'est ce que tu as à ronchonner mon biquet ? »

« Je ronchonne pas Germaine … je me dis juste que quand on a inventé le poste à galène pour écouter la TSF, c'était ... »

« C'est bien ce que je dis, tu ronchonnes »

« Non Germaine, je pense que quand on a inventé la téloche dans les années 30, c'était le bal... »

« C'est bien ce que je dis, tu rumines»

« Non Germaine, je rumine pas, je réfléchis juste que quand on a inventé le transistor en 47, c'était les balbu ... »

« Quand je te dis que tu radotes»

« Ça suffit Germaine ! je me dis juste que quand on a inventé internet dans les années 60, c'était les balbutiements ... »

« C'était les balbutiements de quoi mon biquet ? Les balbutiements du monde moderne, ceux d'une époque formidable, de l'avènement du fer à vapeur, du selfie et de la Star Ac, voilà tout »

« Non Germaine, je me dis que c'était les balbutiements des emmerdes ! »