samedi 27 juin 2009

Chef ! je bronze...

publié sur Les défis Du Samedi

Consigne :  Où, nus, allongés sur le dos, nos deux héros discourent de la forme des nuages, de la caresse du soleil sur la peau, des petites bêtes qui peuplent la lande et du plaisir, tandis qu’à l’horizon, l’adversité tisse ses noirs desseins.
Soyez fidèles aux promesses de cette introduction et gardez-vous de conclure l'histoire, il n'est pas impossible qu'on vous demande de poursuivre le texte d'un de vos co_partenaires de défi lors d'une semaine à venir.


Chapitre LXVII :  "Chef! je bronze..."


"Marylin..."
"Comment Chef?"
"Je disais Marylin... mon p'tit Mangin, on dirait le corps de Marylin, là! le cumulus à droite, tout rose et sinueux"
Minute de silence... on n'entend même pas le "pou pou pi dou" dans la tête du Chef.
Mangin rompt le charme, il n'a pas son pareil pour faire ça:
"Chef, je dirais plutôt madame Poitevin, celle du 3ième à la compta"
"Pff! Mangin, je vous conjure de ne pas parler boulot ici! 8200 kilomètres, ça devrait vous permettre de déconnecter, non?  Et puis Poitevin a des fesses beaucoup plus larges, croyez-moi"
Il se retient d'ajouter que c'est son métier de bien connaitre ses employés.
Minute de silence... nécessaire à Mangin pour un savant calcul comparatif des volumes fessiers, Monroe contre Poitevin.
"Je sais pas Chef, en tout cas le p'tit nuage tout rond à gauche, c'est la tête de Francine tout craché!"
"P..... Mangin! je ne sais pas c'qui m'retient de vous refoutre dans le prochain avion, et je vous interdis de faire la plus p'tite allusion à Francine; songez qu'à cet instant, ma plus proche collaboratrice tient les rènes de la société avec brio et ne souffrirait None of your bloody comments, Understand?" Il switchait toujours en anglais dans ces cas-là!

Mangin se retourne sur la natte, mi-vexé mi-cuit pour faire rissoler sa face jusqu'alors cachée; ça cogne dur aux Maldives et toutes ces questions qu'il n'ose pas poser lui échauffent la tête.
A cet instant, quelle heure est-il à Arpajon?
Qui c'est ce Brio qui se permet de tenir les rênes avec Francine en absence du Chef?
Et si ce Brio était un espion de la concurrence, sournoisement introduit au sein de la société comme un ver immonde et malfaisant?
Et cet énorme trou dans les comptes, qu'il a découvert juste avant de partir?
Mais puisque le Chef l'exigeait, il ne parlerait pas de tout ça; non, juste profiter de l'instant, de la chaude caresse du soleil et d'une Marylin éclatante sur le ciel d'un bleu indescriptible.
Mangin lorgne vers son chef, assoupi sur sa natte et déjà bien cuit côté face.
Il n'a pas son pareil pour détendre l'atmosphère: "Vous avez une sacrée zigounette, Chef!"
"Humm?"
"Euh! Chef, je disais que vous avez un sacré cumulus erectus"
"Hein?"
"Non, rien Chef... je m'demandais si on aurait encore du poisson pour le diner?"

Minute de silence... Mangin ne pouvait s'empêcher de penser à tout ce qu'on lui avait confisqué en débarquant, son whisky et surtout sa collection de Play-boy. Il se demandait si le Chef ne pourrait pas user de son influence et des ses formidables qualités de négociateur pour récupérer son bien.
Il se promit d'en parler au dîner; il amènerait le sujet discrètement, après le deuxième cocktail, et il jurerait de ne rien dire à propos de Francine et de Brio...
Visiblement au top de sa cuisson, le chef se retourne à son tour "Si vous alliez nous chercher deux cocktails, mon p'tit Mangin?"
Il avait toujours adoré qu'il l'appelle son p'tit Mangin, surtout devant les autres, les jaloux, ceux qu'on emmènera jamais aux séminaires en Asie.
Comme Mangin se dirige vers le bar, un employé de la réception lui fait un grand signe de la main... si c'était une bonne nouvelle de l'aéroport au sujet de ses objets confisqués?
C'est un message pour le Chef; après tout le p'tit Mangin peut bien en prendre connaissance; une cure de soleil aux Maldives ça créée des liens.
Il vérifie bien que le Chef n'a pas bougé sur sa natte et, s'abritant derrière un énorme éléphant en albâtre, il ouvre l'enveloppe...

A suivre (peut-être)



 

mardi 16 juin 2009

Petit lexique d'aide à la survie si vous passez par chez EUX

publié sur Les Impromptus Littéraires      Thème: En Angleterre


Petit lexique d'aide à la survie si vous passez par chez EUX



La Manche (Engliche Chanel N°1):   Entre Atlantique et mer du Nord, on l'appelle "bras d'honneur" à l'envahisseur.
Elle s'affronte en avion, ferry, tunnel ou à la nage pour les sportifs (crazy swimming frogs)

Le ferry (the ferry):
Lorsque la Manche se fâche et qu'après 3 tentatives (three times) avortées pour sortir du port de Calais, l'unique pilule anti-gerbe prise 2 heures (two hours) avant le départ a cessé d'agir, vous avez intérêt à bien choisir votre repas à bord car vous allez le revoir passer (come back, baby come back).
Comme la Manche est aussi fâchée du côté de chez EUX, le débarquement s'appelle un atterrissage (landing); le préposé vous invite en hurlant à embrayer sec avant que la passerelle ne redécolle de 2 mètres (environ 6,50 pieds) sous la vague suivante qui est dans five seconds, c'est à dire environ 5 secondes!
Peu importe si vous atterrissez à gauche ou à droite de la route, il existe une tolérance pour les 500 premiers mètres (marre de convertir!)... après c'est vous qui voyez (it's up to you guy).

Entraînez-vous à rouler du bon côté car au premier rond-point (premier-round-about) ça pourrait faire mal (Bingo!).
Si vous renoncez à la voiture vous serez soulagés d'apprendre que bus se dit bus et train se dit train; exemple: this bus has been cancelled = ce bus a été annulé...facile et chiant à la fois (easy and shity)

En avion
Le décalage horaire si souvent décrié vous fera arriver chez EUX avant d'être parti... réjouissez-vous car au retour si vous êtes l'heureux passager d'un avion blanc et orange FacileJet qu'on ne nommera pas, vous cumulerez le décalage horaire dans l'autre sens, additionné d'un délai variable et systématique compris entre une heure et une nuit (good night).

Par le tunnel:
25 kms de fierté française + 15,5 miles de fierté anglaise = fifty-fifty, ce qui ne démontre absolument rien.
Côté paysage, circulez! Rien à voir (black is black)

La conduite sur route (on the road again) :
Méfiance! Conduite à gauche mais volant à droite si vous utilisez LEUR voiture... heureusement, le frein est encore la pédale du milieu (middle gay).
Pas de panique (keep cool guy), en tant que passager vous allez forcément vous asseoir plusieurs fois sur les genoux du conducteur, mais IL est parfois accueillant et souvent flegmatique.
Soyez aussi accueillant quand IL montera à son tour sur vos genoux dans votre voiture.

La Bière (Bear... non, ça c'est l'ours):
Qui prétendra qu'on boit surtout du thé en Angleterre, à part miss Marple dans les romans d'Agatha Christie?
Ne comptez pas briller dans les concours de dégustation quotidiens; vous finirez loin derrière EUX, les allemands et les ours.

L'unité de base pour se pinter est la pinte qui vaut un demi-litre mousse comprise (Cheers)
Le pub n'est pas une agence de publicité; d'ailleurs il n'en a pas besoin, chacun d'EUX sait que le pub se situe invariablement entre le lieu de travail (shit, work shit) et le lieu d'habitation (home, sweet home).
Le bar à vin (Winehouse) permet de se faire des amis (Amy, comme leur ambassadrice de choc)

Le Café (coffee):
Ne pas confondre Tea time qui peut avoir lieu à 17 heures avec Coffee time (français: caméra café) qui a lieu tous les quarts d'heure jusqu'à 17 heures, l'heure du concours de bière.

Equivalence: un expresso français fait autant d'effet que 3000 black coffee
Un black coffee allongé de *lait* se nomme "socks juice", rapport aux chaussettes. (*No milk today, my love is gone away... nostalgie*)

La Gastronomie (intraduisible, c'est pourquoi ILS disent gastronomy):
Une cuisine éclectique et variée (français: fish and chips) c'est une cuisine essentiellement italo-indo-maso-anglo-illico-franco anglaise.
En deux mots 'épicée' principalement à cause de la bière et de l'équivalent expresso français.

Le bifteck (bifteck) se mange; je l'ai même testé durant la terrible époque de la vache folle, Meuh on en réchappe

La Prise Electrique (main plug):
Ne forcez pas! ILS n'aiment pas que votre prise mâle abîme leurs femelles... prévoyez un adaptateur (escort girl translator).
N'oubliez pas que pour les prises électriques comme pour le reste, nous ne sommes pas câblés pareil.
Pour les mensurations aussi, vous risquez d'être affreusement déçus par leur 90-60-90 !

La Politique:
Evitez le sujet... ils rient autant de Nicolas petits pieds que nous de Charles grandes oreilles.
Ne les vexez pas en évoquant Carla quand ILS n'ont que Lillibet et ses bibis à nous opposer.

Le Sport:
En football ou rugby... comme en politique, évitez le sujet.
Equitation: ILS adorent le cheval (Of course)

Le beau temps (rain and tears... nostalgie):
Ne vous encombrez pas de protections bronzage; s'ILS sont bronzés c'est en visitant Cannes ou saint Trop'.
D'ailleurs à l'heure où j'écris il pleut sur Londres; "si tu m'crois pas, hey, t'as qu'à taper il pleut sur Londres sur Google, tu trouveras 798 mecs qui sont de mon avis".

Le langage:
ILS ne parlent pas comme nous, mais en fait c'est nous qui ne parlons pas comme EUX, d'ailleurs les allemands sont d'accord avec NOUS même si on ne se comprend pas! Etrange, non? (Strange, isn't it?)

Quelques idées dans le désordre le plus total pour engager une conversation avec EUX:
Trafalgar, les Beatles, mister Bean, Shakespeare, Boy George, l'Euro...

Quelques curiosités qui vont vous faire courir chez EUX:
le championnat du monde de mangeurs d'orties 2009 (It's bullshit)
la chèvre qui fait coucou avec un sabot (that's another pair of shoes)
la poule qui a pondu un oeuf de 200 grammes (a storm in a tea-cup!)
le lancement de la campagne "lundi sans viande" (meat free monday)
les affiches de David Beckham en sous-vêtement (Shocking)

Enfin, si ILS vous accueillent par un  "Enjoy your trip" ne croyez pas qu'on vous prédit des embarras intestinaux, quoi que...


Note de l'auteur qui a pratiqué trente cinq ans avant d'enfiler son costume de retraité.
"L'Angleterre, ça s'mérite: Hard pour y aller, difficult pour y rester et hazardous pour en repartir"



lundi 15 juin 2009

Au moment où le réveil a sonné

publié sur les défis du samedi
Consigne: Insérer l'incipit suivant Au moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage.
Au moment où le réveil a sonné, j'ai regretté d'avoir accepté ce voyage

Au delà des nuages, à bord du grand oiseau
moment de féérie mais plaisir solitaire
l'éclat du soleil mélange ciel et terre
le nouveau monde est là  mais sans toi c'est moins beau

réveil en décalé, que fais-tu à cette heure
a force de compter le temps parait si long
sonné mon téléphone? j'ai rêvé pour de bon
j'ai hâte d'appeler Mona, mon petit coeur

regretté de n'avoir pas assez insisté
d'avoir à délaisser notre nid pour un temps
accepté pour mes fils et mes petits enfants
ce périple sans toi qui va tant me manquer

voyage qu'on fera toi et moi, promets-le...

jeudi 11 juin 2009

Que faisiez-vous au temps chaud ?




Csiii, csiii, csiii, csiii.... csiii, csiii, csiii, csiii silence csiii, csiii, csiii, csiii....


 
Csiii, csiii, csiii, csiii.... csiii, csiii, csiii, csiii, csiii, csiii, csiii silence

A force de jouer de ses cymbales Marius en avait mal à l'abdomen, mais le syndicat d'initiative, en la personne de Madame Ricard avait été catégorique: "une cigale chante tant qu'il fait chaud!"... et nom d'une fourmi! c'est pas la chaleur qui manquait ici; par contre les femelles se faisaient rares, trop de chaleur les rend paresseuses et Marius n'aimait pas s'escagasser pour rien.
Il en avait bien attiré une récemment, une certaine Magali qui avait défrayé la chronique en congelant ses oeufs et tout ça l'avait un peu dégoûté des filles; mais Marius était dans la dernière année de sa vie, celle où l'on chante comme tous les mâles doivent chanter, parce c'est comme ça depuis que les hétérométaboles existent.

Sur la branche voisine, un gros cigalou s'essoufflait avec des "Pfuii, pfuii, pfuii" minables, et on dut l'aider avec des câbles (le fil blu sur le bouton blu) afin qu'il retrouve un coup de cymbale digne du folklore régional.
Le touriste était devenu si exigeant et économe depuis quelques années qu'on incitait les cigales à travailler plus (travaia maï pour gagna maï, c'était le slogan depuis Ramatuelle jusqu'à Bandol ) moyennant la prime à la sève... "une belle arnaque" songeait Marius quand soudain, une sublime brune à tête grise se présenta. Il ne put retenir un "qu'es acò ?"
Il faillit même ajouter qu'elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier... mais ça c'est du Daudet dans la cabro de moussu Seguin.

Les deux grands yeux noirs brillaient de mille facettes à tel point que Marius en oublia de cymbaler; comme la belle faisait mine de s'en retourner, il se ressaisit bien vite et engagea la conversation "coume vai?  é patin coufin...".
Certes il avait un vocabulaire limité, mais un mois et demi seulement pour niquer, ça laisse peu de temps pour l'instruction; alors il s'appliqua à moduler un tonitruant "à la couchado !"... le message avait le mérite d'être clair et la belle de répondre en ondulant de ses longues ailes transparentes: "tu as lou cuou bordé d'anchoio, je sui prenable mon garri".
Même un humain normalement constitué aura compris l'invitation plutôt cavalière et, sautant les préliminaires, Marius grimpa sur la belle brune au mépris du danger et de la foule bigarrée des touristes agglutinés sur la grand'place.

Ce fut une belle chevauchée vibrante et passionnée comme Marius n'en avait jamais connu dans sa courte vie! La pitchotte était menue, à peine deux grammes, mais groumando gourmande à faire rougir La Fontaine si bien que Marius dans un dernier coup de reins en perdit la vie.
Le gros cigalou essoufflé prétendit qu'il avait voulu "peta plus aut que soun cuou", mais il y a de la jalousie même chez les Cicadidae.
Alors, si vous passez un jour par Sant Troupez, allez Place des Lices et dirigez-vous vers le cinéma municipal, il n'y en a qu'un.
Approchez-vous du gros platane à gauche et vous y chercherez sur le tronc séculaire une entaille profonde, non pas celle-ci, l'autre plus haut! et dîtes-vous bien que c'est dans cette fente, ce nid d'amour qu'un certain Marius connut un immense bonheur avec...
Il n'avait pas eu le temps de lui demander son nom, Fanny peut-être?




    

lundi 8 juin 2009

Virage de bord

publié sur Les Impromptus Littéraires  Thème: "J'ai viré de bord"   ( fiction )


Il y a bien longtemps j'étais serial-loffeur
de ceux qui ont toujours une crampe à la barre;
je me sentais alors le plus beau des quillards,
sur la mer ou la fille, j'étais navigateur.

Sous le vent le grand voile, cherchant la jarretière
d'une belle Carène, Brigantine ou Génoise
j'en ai bordé des lits, détourné des rivières,
respiré des embruns, fait fumer des gauloises!

Mais Skipper le dauphin mûrit et prend de l'âge,
cramponné, ballotté, bouée de sauvetage,
le coeur à la dérive et déçu par l'Amure
il se sent un peu mou, comme un coup de bromure.

Sais-tu Navigateur, quand le coeur se gangrène
l'Ecoute se durcit, tu traînes ta Misaine
tu scrutes l'horizon, il n'y a plus que toi
et pour changer de Gîte il ne tient Cacatois.

Largueur ou bien largué, c'est vous qui (lou)voyez,
mais l'horizon est grand et, seul à la godille
se pose la question: des garçons ou des filles...
et vous voilà soudain troublé, embarrassé.

  Alors j'ai regardé ma cuti sans remords, 
  j'ai tiré le vieux phoque et j'ai viré de bord
 








Il y eut un coup à la porte...

publié sur Les défis du samedi

Le dernier homme sur la Terre était assis tout seul dans une pièce. Il y eut un coup à la porte...

un coup pourtant léger comme un froissement d'ailes de papillon mais, dans l'absolu silence qui règnait ici, le coup lui fit l'effet d'une détonation!
Il attendit une éternité, l'oreille tendue vers la porte, retenant sa respiration à la limite de l'asphyxie; ses ongles plantés dans les accoudoirs du fauteuil lui faisaient un mal de chien et il fit un effort surhumain pour se détendre un peu. Ses pauvres muscles étaient durs comme la pierre et malgré la chaleur qui règnait dans la pièce une sueur abondante et glacée coulait dans son cou.
Dans le souffle plus régulier de sa respiration, il sembla distinguer un autre souffle, comme un écho lointain et plus aigu... mais ça ne pouvait être qu'une hallucination de plus, comme celles qui le faisaient crier certaines nuits depuis le cataclysme.

Il avait dû dormir longtemps tant la lumière du jour était faible et il se força à bouger un peu, quitta le fauteuil trempé pour déplier sa carcasse en grimaçant; dans quelques heures il pourrait sortir respirer l'air frais de la nuit et, si les fauves lui en laissaient le temps il irait jusqu'à la mare pour se laver.
Ce bruissement d'ailes lui taraudait l'esprit au point qu'il se risqua à déverrouiller la porte et l'entr'ouvrit avec d'infinies précautions...

Elle était là immobile devant lui, nue tout comme lui, un peu voutée et l'air abasourdi comme lui puisque c'était lui, enfin son sosie féminin!
Elle avait les mêmes traits émaciés et sa posture aussi, même si la poitrine était lourde et les hanches plus rondes, et il vit aussitôt qu'elle reproduisait le moindre de ses mouvements, comme si elle tenait la poignée de la porte avec lui; il pensa d'abord qu'on avait apporté ici une glace magique qui reflétait son image au féminin, mais comme il poussait un râle, la créature lui répondit par le même râle!
Il n'y avait qu'elle et lui mais il porta instinctivement une main sur son bas-ventre, et elle en fit de même.

Décontenacé, il ouvrit brutalement la porte et aboya: "Qui es-tu?"...La créature répondait "Qui es-tu" d'un même timbre de voix, la même intonation; il était face à un clône et si cette explication lui semblait la plus rationnelle, elle ne le rassurait pas pour autant.
L'homme s'était habitué à sa solitude et l'idée de partager avec soi-même lui faisait peur; et puis partager quoi? ses maigres vivres, l'eau de la mare et l'unique fauteuil de cuir?
Comme il s'avançait sur le seuil de la porte, il eut soudain envie de toucher cet autre soi, et avança la main vers elle, ce qu'elle fit aussi; une même lueur d'incrédulité brillait dans leurs yeux, le battement des paupières, jusqu'à la respiration étaient semblables.
Alors son index effleurant l'index, il y eut un chuintement étrange comme une baudruche qu'on dégonfle, la créature se volatilisa ne laissant dans la poussière que l'empreinte furtive de ses pieds... et l'homme se vit seul face au désert vide où une lune pâle vacillait.
             

mercredi 3 juin 2009

Carnet de voyage mai 68


Thème "Carnet de voyage" publié sur Les défis du samedi le 3-06-09

J'ai voulu voir Vierzon et on a vu Menton,
tout comm' dans la chanson mais ça rime en citron,
le musée Jean Cocteau et le limoncello
ça te mont' à la tête, pourtant ça rime en eau.

T'as pas aimé Cocteau, pas plus les pédalos,
j'aurais bien voulu jouer, t'aim' pas les casinos.
Au clos du Peyronnet j'aurais pu te noyer
si tu ne vivais pas toujours avec ta bouée!

J'ai voulu voir Lisieux et on a vu Honfleur,
qu'est c'que t'as dans les yeux, t'es bien comme ta soeur...
qui est bien comm' ta mère. Honfleur, ça te plait bien?
ça m'étonne à moitié c'est là qu'est né Boudin.

Dans le bassin à flot j'aurais pu te noyer
si tu ne sortais pas toujours avec ta bouée...
alors on a quitté Honfleur et ses musées,
ses vieux greniers à sel où t'aurais pu rester.

T'as voulu voir Paris mais c'était en travaux 

je te l'avais bien dit, en mai c'est Waterloo;
tous ces tas de pavés et ces flics en armure
jaillis de la fumée, ça t'avait une allure!!

C'est bien pour les photos mais c'est pas très pratique,
mes tongs avaient pris l'eau, et toi une sciatique.
On a été déçus, le Mont ne valait rien,
Pigalle était désert... la grêve du tapin?

Alors quand tu m'as dit "Je n'irai pas plus loin"
et puis tous tes Bla Bla et tes "Je te préviens"
je t'ai plantée ici, c'était rue des Martyrs,
ta bouée en plastique te seyait à ravir. 

 
A toi l'accordéon, les flons flons, le musette,
Madeleine et sa bouée, tu dois faire un tabac,
tandis que libéré, bientôt sur la Croisette
je vais enfin m'offrir des vacances de roi.

chauffe Marcel

mardi 2 juin 2009

Errare humanum est

"Il s’est dépêché de disparaître avant que l’Erreur ait un visage"  (Selon Virginie Lou)  publié sur les Impromptus Littéraires le 2-05-09

Il s’est dépêché de disparaître avant que l’Erreur ait un visage...
Une fois de plus, il allait devoir se faire oublier pour un certain temps, d'autant que cette fois-ci l'Erreur ne tarderait pas à prendre forme humaine!
Combien de fois avait-il échoué lamentablement dans sa folie créatrice? Bien plus souvent qu'il n'avait réussi son entreprise.  Chaque matin il marmonnait quelques 'errare humanum est' tout en sachant pertinemment qu'il n'avait aucune excuse puisqu'il appartenait au monde des Créateurs et non à celui des humains.
Bien sûr, il avait eu quelques succès et même son heure de gloire en créant "Qui veut gagner des sesterces" mais il avait fait tant d'Erreurs depuis... la poinçonneuse à lilas, la cintreuse de bananes et le beurre à couper le fil.
Pour ce qui est du fusil à rater une vache dans un couloir, il se défendait de n'avoir joué qu'un rôle annexe dans ce fiasco.
Par contre il aurait pu être sacré Grand Créateur si sa clef usb avait trouvé une serrure où s'y fourrer, mais c'était pêne perdu; il ne serait jamais qu'un Créateur d'Erreurs!
Quelle idée aussi d'avoir voulu créer la femme idéale? N'avait-il pas conscience que c'est de l'imperfection que nait la diversité et la beauté intrinsèque, et que vouloir forcer la nature conduit souvent à des désastres?
Il avait mis tant d'ingrédients dans cette dernière création que la forme d'argile née sous ses doigts formait un magma gélatineux et sans forme précise; et lorsqu'un oeil glauque émergea dans ses mains tremblantes en clignant malicieusement, il crut qu'il allait s'évanouir. Il imagina la suite: le conseil des Créateurs, la punition, la destruction de son oeuvre. C'en était trop! Une fois de plus, l'exil était son seul recours et, jetant sur son épaule le baluchon où s'agitait l'Erreur, il prit la route d'un pas rapide car sa Molex à décompter le temps indiquait huit heures.
Nul ne le revit jamais, ni son Erreur à visage humain, même si certains prétendent que parfois certains clins d'oeil.....