Publié aux Défis du Samedi sur le thème de la quête
"L'amour,
la quête. Le mariage, la conquête. La nuit de noces, la quéquette.
Le divorce, l'enquête."
(Helen
Rowland)
Tout
gamin avec Bébert, on feuilletait les magazines de cinéma pour se
délecter des nénés de Gina Lollobrigida ou de Sophia Loren, alors
forcément on mesurait l'amour à la profondeur des bonnets et à des
considérations purement géométriques où pis valait largement
trois quatorze.
La
seule quête qui m'importait alors c'était celle de la messe de dix
heures où j'officiais avec Bébert en tant qu'enfant de choeur et
qui nous permettait au passage de pincer les fesses des gamines.
Bien
plus tard j'ai fait la connaissance de Germaine; elle avait déjà
quarante piges, callipyge derrière et pas jalouse devant, alors sans
perdre plus de temps j'ai foncé comme un Don qui chotte, chevalier
généreux et idéaliste sauf qu'elle n'était ni Gina ni Sophia,
même pas Germaina.
Le
pince-fesses fonctionna merveilleusement bien et c'était tant mieux
car je n'avais pas d'autre méthode de drague en rayon; c'est ainsi
qu'on s'est mis en ménage.
Si
vous avez lu la citation d'Helen Rowland vous devez être impatients
que je raconte notre nuit de noces alors que je n'ai pas encore
évoqué le mariage.
Quand
on sait que le mariage est la cause principale de divorce on y
réfléchit à deux fois, même si on est deux pour y réfléchir.
Germaine
rêvait d'une bagouze sertie de diams et d'une robe de mousseline
blanche de chez La Redoute, moi je rêvais d'une belle américaine
décapotable – une voiture bien sûr – avec des casseroles à
l'arrière et un joli "Just married" pour faire comme les
ricains.
On
a réussi à s'offrir un pacs entre deux témoins, mon pote avec qui
je feuilletais les magazines de cinéma et la copine de Germaine avec
qui elle feuilletait Salut les Copains.
On
a fini tous les quatre à Montmartre à La Bonne Franquette autour d
'une estouffade de boeuf au Beaujolais et c'était bien.
Ah
oui, la nuit de noces, vous y tenez à la quéquette, hein ?
Sauf
que les hommes sont faits pour raconter leurs exploits, pas leurs
fiascos ni leurs naufrages.
Bien
sûr ni pour elle ni pour moi ça n'était la toute première fois –
toute toute première fois comme brâme Jeanne Mas – mais quand on
s'amuse au jeu des comparaisons en rêvassant à nos quêtes et nos
conquêtes passées... on se plante en beauté surtout quand on ne
digère pas l'estouffade de boeuf.
On
s'était plantés tous les deux et je nous revois encore pantelants
au bord du lit; je n'étais pas Mike Brant et Germaine – native de
Verdun – était plus lorraine que Sophia, alors vous comprendrez
qu'il n'y a rien de plus à avouer.
Nos
témoins respectifs s'étaient rapprochés et filaient le parfait
amour au point qu'on s'est mis à les jalouser, même si la
définition du parfait amour reste vague.
Parait
qu'ils s'aimaient plus qu'hier et moins que demain, enfin c'est ce
qu'ils s'étaient fait tatouer sur le bras et qu'ils lisaient chaque
matin pour ne pas le dire à l'envers...
C'était
nos témoins ! Témoins de quoi ? Qui a inventé ce mot pour désigner
deux guignols qui n'ont pour but que de vouloir figurer en bonne
place sur les photos du mariage et au plus près de la pièce montée
?
Tous
les week-ends nos témoins venaient témoigner de leur amour en
s'invitant pour l'apéro sans crier gare et nous coller leur bonheur
sous le nez entre le picon-bière et les Knacki Herta !
Je
trouve que le bonheur des autres ça a des relents doucereux qui
gachent l'amertume du picon-bière.
Je
dois reconnaître qu'ils nous ont quand même sauvés du divorce en
offrant un canard vibrant connecté à Germaine et en m'abonnant à
Canal Foot !
Sur
ce coup-là, on leur doit une fière chandelle car côté divorce on
n'avait aucune expérience et surtout pas un rond pour ça.
Pas
de divorce, pas d'enquête, pas de détective privé, pas de flagrant
du lit... pourtant ça aurait eu un petit côté ricain qui ne
m'aurait pas déplu.
J'aurais
peut-être découvert que Germaine n'allait pas à ses réunions
Tupperware chaque mercredi; elle aurait peut-être découvert qu'il
n'y avait rien à découvrir de mon côté mis à part que je joue
tout seul au loto et que je vote MoDem.
Aujourd'hui,
après avoir tout lu Helen Rowland – journaliste et humoriste
américaine – je réalise que je suis passé à côté de bien des
choses.
N'a
t-elle pas écrit "Les folies qu'un homme regrette le plus dans
sa vie sont celles qu'il n'a pas commises quand il en avait
l'occasion" ?
Il
est trop tard pour que je parte en quête de ces folies, je vais me
contenter de regarder Canal Foot... sans stress, sans surprise, sans
déboires, je sais que PSG va encore gagner.