samedi 29 octobre 2016

… car les bonbons c'est périssable

Pas inédit mais publié sur MilEtUne d'après l'illustration et le mot imposé: Procès







J't'ai apporté des cortinaires
du plaisir à retardement
passeque le cèpe c'est ordinaire
et qu'on en trouve même au Mans
J't'ai apporté des champignons

Je t'ai apporté des lactaires
quelques lépiotes helveola
des amanites printanières
qui valent bien ton chocolat
J't'ai apporté des champignons
 
Et puis ces oronges vineuses
ces gymnopiles lumineux
ceux à la peau gélatineuse
et aux anneaux tout boutonneux
J't'ai apporté des champignons
 
Vois ce tricholome chevalier,
ce bidaou, ce coprin noir
dont les goûts si particuliers
te feront pâmer dès ce soir
J't'ai apporté des champignons
 
Tu es cordon bleu, passionnée
sans autre forme de procès
tu sauras les assaisonner
et les manger jusqu'au décès
J't'ai apporté des champignons

Petit lexique des synonymes

 Publié aux Défis du Samedi


Imiter

 

Alors que imiter n'est rien d'autre qu'un I rongé par les mites, que veulent dire ses synonymes?

copier : mettre dans le presse-papier avant de coller
feindre : peindre avec un F
mimer : imiter le 15 mai
parodier : mimer le contraire de rodier
pasticher : imiter une boisson anisée
pirater : imiter Rackham le Rouge
plagier : imiter le sable
simuler : imiter six ânes
singer : imiter un humain qui imite un bonobo


vendredi 28 octobre 2016

Malédiction au château

 Quand les Impromptus Littéraires proposent d'évoquer ses racines je ne peux pas m'empêcher de puiser dans d'anciens textes comme celui-ci qui m'a valu un Premier Prix dans Bourgogne Magazine en 2013... un bail





Cher Monsieur Louis Chi-Sing,

Je ne sais par où commencer ni si je peux vous appeler Louis. Dans la région on dirait plutôt “le Louis” mais vous n'êtes pas encore tout à fait de chez nous et beaucoup vous appellent “le chinois”.
Moi, c'est le Claude et si je me permets de vous écrire alors que vous devez être bien embistrouillé à gérer tous vos casinos à Macao, c'est parce que je suis né à l'ombre de ce château qui est aujourd'hui le vôtre.
On vous dit amoureux de la Bourgogne et je le crois facilement. Il faut être beusenot pour ne pas en tomber amoureux et si on n'a pas la mer de Chine, nous on a un bareuzai qui pisse dru chaque année comme personne au monde!
Mais je ratasse au lieu d'en venir à l'essentiel c'est à dire à la Malédiction.
Vous pensez bien que depuis saint Odilon et quelques abbés de Cluny après lui, il s'en est passé des drôles au château, aussi il faut que vous sachiez toutes ces choses puisque à ct' heure vous en héritez avec les pierres.
J'ai appris la Malédiction au mois d'août 1957 puisque j'allais avoir dix ans dans trois mois et que l'Isabelle abandonnait le cancre que j'étais pour rentrer en CM2 à l'école du centre.
De toutes les ptiotes du village la seule qui m'ait donné le virot c'était l'Isabelle et je crois que c'était un petit peu pareil pour elle. Elle habitait rue Gaizot et moi rue de la Croix des Champs si vous voyez - mais je vois bien que vous ne voyez pas - alors disons qu'on habitait à vingt coups de pédale.
On trainaillait souvent autour du château pour l'angelus du soir en évitant Calamity Jane qu'on appelait la “doyenne” avec son oeil noir et sa fourgonnette pourrie, c'est comme ça qu'on a déniché la planque idéale sous le porche de la porterie où on posait nos biclous avant de refaire le monde.
Vous nous auriez vus là, l'Isabelle et moi, assis à croupetons dans l'ombre du pont dormant et des murs surchauffés à regarder le soleil se coucher tout en nous jetant des pignolôts dans le cou... bref, c'est en gravant nos initiales sur une grosse pierre du porche - celle qui dépasse un peu du mur et que vous trouverez facilement, Monsieur Louis - que la Malédiction s'est manifestée.
Je ne pensais pas à mal, juste envie de mélanger mon C à son I pour l'éternité dans le grès couleur de miel qui brille au couchant et qui d'après moi a donné son nom à la Côte d'Or, mais notre grosse pierre s'est soudain enfoncée dans le mur et le parchemin nous est apparu.
On l'a lu ensemble, surtout l'Isabelle car je grebillais trop mais elle s'est mise à trembler elle aussi. Je ne l'avais jamais vue trembler comme ça, même pas quand le Martenot nous pinçait à relever ses pièges à la Combe Lavaux.
Bref, ça causait d'un dénommé Hugues de Chalon, de Robert le Pieux et surtout de tous les malheurs qui s'abattraient sur les curieux qui oseraient chavirer cette pierre comme nous autres.
Vin diou! On n'a pas voulu ça et on n'a même pas pu lire jusqu'au bout car la nuit est tombée d'un coup, une nuit d'encre - comme aux fortes rabasses - avec un foutu coup de vent à décorner les cagouilles et tout a cessé dès qu'on a eu remis le parchemin en place.
Alors on a jarté et on n'en a plus jamais reparlé mais ça n'a pas empêché que l'Isabelle disparaisse sans raison quelques jours plus tard.
Si j'écris tout ça, c'est moins pour vous faire regretter votre investissement que pour vous avertir du danger si vous devez toucher au porche pour vos projets de rénovation.
Si vous allez au bout de ma lettre et que l'envie vous prend de pousser notre grosse pierre, ne rabeutez pas à chercher le parchemin puisque c'est moi qui l'ai repris après la disparition.
Je me dis qu'avec tout votre argent vous pourriez m'aider à vaincre la Malédiction et à retrouver l'Isabelle. Si comme moi vous avez déjà eu le virot pour une ptiote - d'après mes renseignements, il n'y a pas d'endroit au monde plus peuplé de ptiotes que Macao - vous comprendrez pourquoi je vous écris alors que vous devez être bien embistrouillé à gérer tous vos casinos, mais ça je l'ai déjà dit.
Quand vous reviendrez à Gevrey, demandez le Claude à la maison de retraite de Vigne Blanche, y en a qu'un ici.


samedi 22 octobre 2016

Drame en sol mineur

Publié sur le site MilEtUne Histoires









On s'était kiffés salle Gaveau aux répét de Palissandre et Melissa ou Pelléas et Mélisande... bref, on s'était aussitôt accordés, comme si le diapason du maestro avait mis nos palpitants à l'unisson.

J'aimais son hautbois et elle – sans me vanter – ma grosse flûte traversière.

Elle aimait Mozart et moi j'aimais sa anche, ses deux anches.

Le seul hic était que c'était elle qui donnait son 'la' à tout l'orchestre, soi disant parce que son instrument était le plus riche en harmoniques.

J'ai jamais été fort en harmoniques mais je sais aujourd'hui que c'est parce qu'un hautbois ne s'accorde avec personne.

J'aurais voulu que son 'la' ne soit qu'à moi, comme ses anches mais on ne transgresse pas une tradition séculaire et même si son 'la' et ses anches étaient à moi dans l'intimité de ce qu'on appelait notre musique de chambre, j'enrageais qu'elle refile son 'la' à tout l'orchestre, de la clarinette à la grosse caisse...

Alors de Vivaldi à Bach, de Haydn à Schubert nos pupitres ont fini par s'écarter insensiblement. Je voyais bien qu'elle se collait petit à petit aux corps anglais au mépris de la hiérarchie.

J'ai compris qu'elle délaissait les bois pour les cuivres, les discrets pour les grandes gueules et les fêtards!

Je me mis à lui trouver un son moins rond, je la trouvai même mal embouchée, puis tout à fait discordante.

Son timbre m'ayant écorché les portugaises plus qu'à l'accoutumée dans son solo du prélude à l'après-midi d'un faune, je n'attendis pas l'après-midi pour l'envoyer retrouver ce faune qui l'embrouillait tant.

Je lui baisai les mains car pour le reste c'était terminé et lui fis mes adieux.

Il ne faudrait jamais dire adieu, même au singulier... ça porte malheur.

Le lendemain alors qu'elle préparait maladroitement un canard pour Pierre et son loup d'un certain Prokofièvre, elle se planta un couteau dans le coeur.



On l'a enterrée en sol mineur... elle était de Douai.

Le petit salon des collectionneurs

Publié aux Défis Du Samedi


Avrilopiscicophile: N'a bon dos et bonnes darnes que le 1er du mois  
Calcéologiste: Poursuit le 36 fillette en grande pompe
Cartopuciste: Cherche la petit bête sur la carte
Cervoliste: N'a pas fini de se faire des noeuds au cerf-vo...
Clavalogiste: Fait une fixation sur des trucs tordus ou rouillés
Conchyophile: croit entendre la mer dans tout ce qu'il porte à ses portugaises
Jocondophile: Collectionne les sourires
Mnémophile: Ramasse à la pelle feuilles mortes, regrets et autres
Molabophile: L'important c'est la manivelle... What else?
Molubdotémophile: Il est taillé pour avoir toujours bonne mine
Montgolfiérophile: Ne manque pas d'air
Nicophiliste: Brûle le contenu et surtout pas l'emballage
Opercuphiliste: Profite bien du fait que chaque pot a le sien
Philocorbollien: Adore les véhicules au point mort
Philuméniste: s'approvisionne chez la petite fille d'Andersen
Pressophile: Pour les semelles à trous il repassera
Scalaglobuphile: Se roule en boule au bas de la rampe
Vélocipédiste: Hétéro amoureux de la petite reine mais aussi du grand bi

lundi 17 octobre 2016

Ô vieillesse et demie






Ce matin dans la glace, une tronche inconnue
m'a mis d'humeur chafouin: j'avais trois cheveux blancs
j'ai fait au saut du lit ce constat accablant
j'entrais en septentaine au cercle des chenus

Je m'étais endormi plus noir que le corbeau
les démons de la nuit m'avaient fait poivre et sel
En hâte j'inspectai mon pubis, mes aisselles
j'avais mis nuitamment un pied dans le tombeau.

J'ai brisé illico les miroirs alentour
tout ce qui réfléchit et tout ce qui me juge
ma couette emplumée m'a offert un refuge

Je vais devoir passer des couguars aux matures
je ne peux me sentir ni me voir en teinture
que n'offrirais-je pas pour faire demi-tour

samedi 15 octobre 2016

Annoncez la couleur

Publié sur MilEtUne Histoires




Pharmacie Sainte-Ursule – rue Théodule – à Tulle

“Monsieur, vous les préférez en gélules, en pilules ou en capsules?”
“C'est quoi la meilleure formule?”
“C'est une question de goût, Monsieur”
“D'accord... et ça a quoi comme goût la gélule?”
“La gélule n'a aucun goût car c'est une enveloppe à base de gélatine”
“Bon... et les granules, ça a quoi comme goût les granules?”
“C'est comme le sucre, Monsieur”
“Ah? Mais des granules au sucre pour le diabète, c'est pas ridicule?”
“Non, du moment que la notice le stipule et que ça finit en Ule. Tout ça c'est de la pharmacopée”
“De la pharma... copée? Je ne m'intéresse pas à la politique, vous savez. Alors ça serait bon aussi pour ma vésicule?”
“Certainement, tant que ça ne chamboule pas vos biomolécules”
“Ah... parce que j'ai des biomolécules?”
“Tout le monde en a, Monsieur...des glucides, des lipides et plein de trucs en Ide”
“D'accord... revenons plutôt à ce qui finit en Ule comme fistule ou pustule”
“Vous avez ça également, Monsieur?”
“Non, c'est juste un exemple comme j'aurais pu dire ventricule ou testicule”
“J'ai justement ce qu'il faut... pour les testicules. J'en ai pour toutes les bourses... Vous êtes bien couvert j'espère?”
“J'ai une très bonne mutuelle”
“Non, je parlais de protection pratique, élastique... tous ces trucs sympathiques, quoi... vous me suivez?”
“Je vous suis où ça?”
“Non, restez derrière le comptoir je vous prie... je vais vous chercher ça. Quelle taille vous faut-il?”
“Euh... parce qu'il y a des tailles en diabète?”
“Il y a des tailles pour tout, Monsieur, comme pour les chaussures. Quelle pointure faites-vous?”
“Euh... 42 et demi”
“Alors je vous conseille les 000”
“C'est facile à enfiler du 000?”
“Ca fait 26.11mm de long et 9.91mm de diamètre. Ca s'avale avec un grand verre d'eau”
“Un verre d'eau grand comment?”
(Soupir)
“Grand comment? Vous n'avez pourtant pas l'air malade à voir comme ça”
“On dit qu'un indien qui a la rougeole n'a pas l'air contagieux”
“Si vous avez la rougeole, ça change tout. Il faudrait passer directement aux antibiotiques, Monsieur”
“Euh... la rougeole c'était juste un exemple. Je vais me contenter de vos trucs en Ule”
“Lesquels, donc?”
“Et bien je vais prendre un bel assortiment de gélules et de pilules”
“Bien... et pour les couleurs, du générique ou du spécial? Vermillon, beurre, cacao, fraise écrasée, sang de boeuf?”
(Soupir d'écoeurement)
“Celles que vous voulez... c'est pour prendre les yeux fermés”

Le chevalier Néon

Publié aux Défis Du Samedi sur le thème de l'Espionnage





Dans l'quartier on m'appelle le chevalier Néon
je suis un travesti, un espion costumé
tantôt malodorant et tantôt parfumé
je joue du gros calibre et de l'accordéon

Connu dans le milieu et aussi sur les bords
j'ai dans ma garde-robe Aubade et Wonderbra
j'épile ma moustache et mes dessous-de-bras
on peut être balance à babord et tribord

Je furète à tout va, j'infiltre et je cuisine
j'ai vu tous les Jean Bond, les Zérozérosept
au point de me glisser jusque dans ses chaussettes

Mes gonzesses s'appellent Yvonne ou Carlita
c'est pas des Tatiana, des Ruby, des Mata
mais un jour je serai dans tous les magazines




mercredi 12 octobre 2016

Dix mots pour les Nuls



Publié sur WeLoveWords comme mes Brèves quotidiennes et matinales






verrue : Charmante coquetterie appelée également chancre ou tumeur

plat : Chose sans relief qui peut contenir des reliefs située entre le dessus-de-plat et le dessous-de-plat

médiatrice : Qui partage l'auditoire en deux ; ARTE est un exemple de média triste

hippodrome : Département à cheval sur l'Auvergne et le Rhône

déclarer : Mot de passe douanier pour chanteuse globetrotter « Rihanna déclarer »

araignée : Nom du prochain saint-père « Un autre pape est appelé à régner »

ouest : Où l'on finit par tomber à force d'aller à l'Est

belle fille : Ancienne fille au père et future belle mère

contamination : Mot contagieux finissant par nation voire plus...

volonté(s) : Soupirs, derniers mots avant la fin... d'ailleurs c'est maintenant


lundi 10 octobre 2016

Echappatoire





Quand j'ai découvert le thème des Défis Du Samedi: S'échapper, j'ai redouté le pire.

Rien ne sert de s'échapper: j'ai compris qu'avec un mot qui finit comme rattraper on n'a aucune chance... à moins d'avoir des gardiens éclopés ou handicapés.
Il valait mieux pour moi que je trouve rapidement des synonymes et j'en ai trouvé un juste en face de chez moi, sur la porte de ma voisine: Eva D.
Ne me demandez pas pourquoi son prénom est en entier et son nom limité à cette seule initiale alors qu'on a plutôt tendance à écrire le contraire.
Je suppose qu'elle désire rester anonyme comme tous les évadés de la terre.
Si j'étais indiscret j'irais taper à sa porte pour lui demander d'où elle a décampé... des camps P ?
Allez savoir si elle fuyait des camps, des guerres ? pire ?
Déguerpir. Voilà. C'est le mot qui convient même s'il finit en pire comme croupir ou vampire.
Ne vous moquez pas.
Choisir le bon mot quand on est prisonnier des mots comme moi, et qu'on n'ose les dire sans penser à la bombe à retardement qu'ils représentent, c'est un dilemme, un supplice.
Alors quand la douleur est trop forte, que le clavier me brûle les doigts comme maintenant, j'utilise la touche miracle, celle qui va me libérer du carcan.
“Libéré, délivré, c'est décidé je m'en vais”... qu'est-ce qu'elle peut me pomper celle-là!

Quand d'autres iraient attraper je ne sais quelle poudre d'escampette, moi je remercie le génial inventeur de cette échappatoire: la touche de fonction Echappe

samedi 8 octobre 2016

Conseil des Sinistres

Publié aux Défis Du Samedi




Quelqu'un avait écrit Fabrique de mots magiques ici
Par l'écriteau alléché je tirai avec pêne la bobichevillette réversible et poussai la porte de l'officine, m'attendant à découvrir un Merlin l'Enchanteur désenchanté ou je ne sais quelle fée Clochette évanescentralienne en haut balconné et en bas résilles.
Que nenni !
Dans l'excluminosité qui tombait du sésame-ouvre-toit et dans un accumoncellement d'objets hétéroclites – fessupliants, contrepelletées et autres maltapropos – trônait un grammécanographe d'avant-guerre, mais de quelle guerre?
“Bienvenue à la fabrique de mots magiques” marmonna un cyborg balafré d'une funèbre cicatriste et préposé au susdit grammécanographe.
J'allais lui faire remarquer que “Bienvenue” eut amplement suffi puisque j'avais lu l'écriteau mais je n'ai pas pour habitude de parler aux cyborgs ou alors sous la torture.
“Que me vaut le plaisir de votre venue?” geignit-il dans un sanglot-long-de-l-automne comme seuls savent en exprimer les violons verlainiens.
“Je ne suis pas là par plaisir” avouai-je “mais j'ai été mis au défi de rapporter des mots magiques pour samedi prochain”.

Le grammécanographe se mit à cramouiller comme tous les machins en graphe d'avant-guerre jusqu'à ce que le cyborg le fasse taire d'un solide coup de poing.
Embarrassé, il s'enquit :”C'est qui Samedi?”
Visiblement, je n'étais pas sorti de l'officine...
A quoi bon m'évertuer à expliquer à ce cyborg que le samedi est le jour du Seigneur et le septième jour de la Genèse; j'étais juste là pour rapporter des mots magiques.
“Vous avez des mots magiques ou vous n'en avez pas?” tranchai-je.
J'ignore si vous avez déjà vu un cyborg tranché mais je peux dire que ça fait peine à voir, un être aussi sophistiqué et si fragile à la fois.
“J'avais préparé une liste qu'on m'a commandée en haut lieu pour le prochain Conseil des Sinistres” chuchotèrent les deux moitiés de cyborg “et je pourrais vous en faire quelques photocopines”.
J'acquiesçai d'un air entendu (où avais-je déjà entendu cet air?), je n'ai rien contre les photocopines bien au contraire si elles sont gracieuses.
Le grammécanographe avait expectoré une première photocopine dans un épais brouillard de posticrachats; je pus cependant déchiffrer ceci:

burkini
brexit
jungle
pré-campagne

“Alors?” interrogea le cyborg en se rafistolant.
“Alors” répondis-je, désappointé “c'est tout ce que vous avez à me proposer comme mots magiques?”
Vexé, le cyborg rafistolé s'était retranché derrière son grammécanographe qui cramouillait de plus belle :”Pourtant le Conseil des Sinistres ne s'est jamais plaint!”

Avec de tels mots magiques je comprenais maintenant pourquoi tout partait à vau-l'eau dans notre royaume.
Je n'attendis pas la photocopine suivante et sortis contrarié de l'officine.
Puisque c'était ainsi je les fabriquerais moi-même; d'ailleurs j'en tenais un qui me parut excellent – coquecigrue – et que j'enfouis prestement dans ma poche de peur qu'il ne s'échappe.
Je souris... certain que personne n'utiliserait jamais celui-là dans aucun hémicycle.


Coquecigrue (fém.) oiseau imaginaire, fabuleux.
À la venue des coquecigrues = à la Saint Glin-glin
Regarder voler des coquecigrues = se faire des illusions, s'occuper de choses chimériques.
Baliverne, sornette, sottise. Conter, débiter des coquecigrues

lundi 3 octobre 2016

Poète en chaussettes

Publié aux Impromptus Littéraires d'après le vers de Charles Baudelaire dans son poème "Parfum exotique"






Quand, les deux yeux fermés, en un soir chaud d’automne,
dans un élan soudain, vision de porcelaine
tu avais retiré ton petit pull vert laine
ouïssant des violons les langueurs monotones

et quand j'ai butiné de ma bouche gloutonne
ton sein si effronté, turgescent, beau... de l'air!
j'ai bien cru défaillir au seuil crépusculaire
j'ignorais qu'en ce temps les fleurs du mal boutonnent

D'une couche d'humus on a fait notre lit
de feuilles mordorées un drap bien inutile
j'ai de ton mousseron découvert le pistil

et vécu ce soir-là le plus beau des automnes
j'avais gardé aux pieds (tu ris) mes Burlington
j'aime sortir couvert sinon... c'est la chienlit