Publié au Défi Du Samedi
Pour
une fois qu'on partait en camping avec Germaine et qu'on venait juste
de trouver un camp décent pour y planter notre canadienne, voilà
t-y pas qu'Eddy sonne !
Je
décroche tandis que Germaine raccroche le dernier tendeur …
(« Love me tendeur » fredonne t-elle pour se donner du
cœur à l'ouvrage. C'est dans ces moments là que le bonheur est
dans l'attente)
Eddy
qui se prénomme en fait Thomas m'annonce qu'il vient de damer le
pion à Volta – celui sans qui on serait dans le noir pour monter
la tente – et il me raconte une histoire à dormir debout,
l'histoire d'une lampe à filament de bambou japonais carbonisé qui
éclairerait soit disant pendant quarante heures.
J'y
connais rien en filaments alors je lui demande d'éclairer ma
lanterne, ce qu'il fait de bonne grâce sinon le sujet serait clos.
En
1879 il en faut du culot pour déposer un brevet sur de la vannerie
asiatique !
Je
ne sais pas s'il se rend bien compte qu'il va foutre au chômage les
fabricants de chandelles de suif et les marchands de cierges de cire
sans compter les industriels de l'éclairage au gaz ou au pétrole.
Sur
ces entrefaites, Germaine vient pleurnicher au prétexte qu'elle
vient de se faire une ampoule !
Ça
fait marrer Eddy.
J'explique
à Eddy qui se prénomme Thomas qu'une durée de vie de quarante
heures, ça pue l'obsolescence programmée et que ça ne va pas
plaire au consommateur éclairé.
Il
me répond que c'est quand même la moins chère du marché et que le
client aura deux heures pour se faire rembourser s'il n'est pas
satisfait, d'autant plus que sa lampe produit bien plus de chaleur
que de lumière.
Je
lui suggère de faire breveter sa loupiote dans la catégorie
Chauffage électrique.
Il
me répond que c'est prévu mais pas avant qu'on ait inventé la
seconde guerre mondiale.
Germaine
demande ce que c'est qu'une seconde guerre mondiale ce à quoi je lui
réponds gentiment qu'elle me gonfle et qu'elle ferait mieux d'aller
le faire à notre matelas pneumatique.
Eddy
finit par prendre congé car son filament de bambou japonais est
presque complètement carbonisé.
Germaine
a fini de gonfler tout le monde et notre camp décent commence à
s'endormir ; il est temps pour nous d'en faire autant mais ça
sonne de nouveau... c'est fou ce que ça peut sonner depuis que
Graham Bell a pondu son bigophone !
On
n'aurait jamais dû réserver un emplacement connecté, enfin bref.
« Allo...
Gênes ? »
Encore
une erreur.
Je
réponds : « Non... ici on est à Chilleurs-aux-Bois dans
le Loiret »
Le
gonze insiste... halogène... il parle d'un truc révolutionnaire qui
va mettre au chômage les planteurs de bambou japonais !
Je
lui propose d'aller se faire voir et de rappeler dans 80 ans quand ça
sera au point et je débranche le « télégraphe parlant ».
Pas envie d'être emmerdé toute la nuit par les démarcheurs de tout
poil !
Germaine
m'attend, impatiente sous notre couette en duvet d'oie. Elle vient de
finir son livre de chevet... « Cinquante nuances de noir ».
J'éteins
la lampe de Volta, un truc qui parait-il ne s'use qu'à Sancerre ou à
Pouilly, enfin bref.
« Chéri...
c'est quoi une seconde guerre mondiale ? »
Je
sens qu'on ne va pas dormir beaucoup.