samedi 8 juin 2019

Une sombre histoire de bambou carbonisé


Publié au Défi Du Samedi



Pour une fois qu'on partait en camping avec Germaine et qu'on venait juste de trouver un camp décent pour y planter notre canadienne, voilà t-y pas qu'Eddy sonne !
Je décroche tandis que Germaine raccroche le dernier tendeur … (« Love me tendeur » fredonne t-elle pour se donner du cœur à l'ouvrage. C'est dans ces moments là que le bonheur est dans l'attente)
Eddy qui se prénomme en fait Thomas m'annonce qu'il vient de damer le pion à Volta – celui sans qui on serait dans le noir pour monter la tente – et il me raconte une histoire à dormir debout, l'histoire d'une lampe à filament de bambou japonais carbonisé qui éclairerait soit disant pendant quarante heures.
J'y connais rien en filaments alors je lui demande d'éclairer ma lanterne, ce qu'il fait de bonne grâce sinon le sujet serait clos.
En 1879 il en faut du culot pour déposer un brevet sur de la vannerie asiatique !
Je ne sais pas s'il se rend bien compte qu'il va foutre au chômage les fabricants de chandelles de suif et les marchands de cierges de cire sans compter les industriels de l'éclairage au gaz ou au pétrole.

Sur ces entrefaites, Germaine vient pleurnicher au prétexte qu'elle vient de se faire une ampoule !
Ça fait marrer Eddy.
J'explique à Eddy qui se prénomme Thomas qu'une durée de vie de quarante heures, ça pue l'obsolescence programmée et que ça ne va pas plaire au consommateur éclairé.
Il me répond que c'est quand même la moins chère du marché et que le client aura deux heures pour se faire rembourser s'il n'est pas satisfait, d'autant plus que sa lampe produit bien plus de chaleur que de lumière.
Je lui suggère de faire breveter sa loupiote dans la catégorie Chauffage électrique.
Il me répond que c'est prévu mais pas avant qu'on ait inventé la seconde guerre mondiale.
Germaine demande ce que c'est qu'une seconde guerre mondiale ce à quoi je lui réponds gentiment qu'elle me gonfle et qu'elle ferait mieux d'aller le faire à notre matelas pneumatique.
Eddy finit par prendre congé car son filament de bambou japonais est presque complètement carbonisé.
Germaine a fini de gonfler tout le monde et notre camp décent commence à s'endormir ; il est temps pour nous d'en faire autant mais ça sonne de nouveau... c'est fou ce que ça peut sonner depuis que Graham Bell a pondu son bigophone !
On n'aurait jamais dû réserver un emplacement connecté, enfin bref.
« Allo... Gênes ? »
Encore une erreur.
Je réponds : « Non... ici on est à Chilleurs-aux-Bois dans le Loiret »
Le gonze insiste... halogène... il parle d'un truc révolutionnaire qui va mettre au chômage les planteurs de bambou japonais !
Je lui propose d'aller se faire voir et de rappeler dans 80 ans quand ça sera au point et je débranche le « télégraphe parlant ». Pas envie d'être emmerdé toute la nuit par les démarcheurs de tout poil !
Germaine m'attend, impatiente sous notre couette en duvet d'oie. Elle vient de finir son livre de chevet... « Cinquante nuances de noir ».
J'éteins la lampe de Volta, un truc qui parait-il ne s'use qu'à Sancerre ou à Pouilly, enfin bref.
« Chéri... c'est quoi une seconde guerre mondiale ? »
Je sens qu'on ne va pas dormir beaucoup.






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