mercredi 12 juin 2019

Marée humaine

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème "14 ans et demi"



17 Octobre 1961
Protestant cotre l'instauration d'un couvre-feu les algériens manifestent à Paris.
La police tirera sur la foule, faisant 80 morts et plus de 500 blessés.
Venus des bidonvilles de Nanterre, de Puteaux ou de Courbevoie où j'habite à l'époque 10 000 manifestants algériens se dirigent vers le Pont de Neuilly pour gagner l'Etoile en une marée humaine qui submerge les forces de l'ordre et s'accroche à elles comme des abeilles à un essaim.
Alors on tire et du haut de notre 8ème étage j'assiste au spectacle de ceux qui veulent fuir et qui sont rattrapés sauvagement par des militants pour rentrer dans le rang.
A 14 ans on se demande bien qui est ce Ben Bella qu'il faudrait libérer.

C'est pourtant à cette même fenêtre dominant l'avenue que j'écoute émerveillé les flonflons de la fête à Neu-Neu qui s'installe chaque année dans la chaleur étouffante des étés parisiens.
Fenêtres grandes ouvertes à la quête d'un air respirable il est difficile de dormir tant montent à nos oreilles d'adolescents les flonflons, les cris et surtout les coups sourds que font les badauds cherchant à s'échapper du labyrinthe de verre – le Palais des Glaces – installé fort à propos au pied de notre immeuble.
Ici aussi on tire … sur des ballons ou des cibles dans l'espoir de gagner le lot suprême, un gigantesque ours en peluche.
Alors on sort du lit et – permission de minuit en poche lestée de deux francs – on s'habille pour descendre rejoindre la foule en liesse aux relents de sueur et de barbe à papa … que je crois sentir encore


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