Csiii, csiii, csiii, csiii.... csiii, csiii, csiii, csiii silence csiii, csiii, csiii, csiii....
Csiii, csiii, csiii, csiii.... csiii, csiii, csiii, csiii, csiii, csiii, csiii silence
A force de jouer de ses cymbales Marius en avait mal à l'abdomen, mais le syndicat d'initiative, en la personne de Madame Ricard avait été catégorique: "une cigale chante tant qu'il fait chaud!"... et nom d'une fourmi! c'est pas la chaleur qui manquait ici; par contre les femelles se faisaient rares, trop de chaleur les rend paresseuses et Marius n'aimait pas s'escagasser pour rien.
Il en avait bien attiré une récemment, une certaine Magali qui avait défrayé la chronique en congelant ses oeufs et tout ça l'avait un peu dégoûté des filles; mais Marius était dans la dernière année de sa vie, celle où l'on chante comme tous les mâles doivent chanter, parce c'est comme ça depuis que les hétérométaboles existent.
Sur la branche voisine, un gros cigalou s'essoufflait avec des "Pfuii, pfuii, pfuii" minables, et on dut l'aider avec des câbles (le fil blu sur le bouton blu) afin qu'il retrouve un coup de cymbale digne du folklore régional.
Le touriste était devenu si exigeant et économe depuis quelques années qu'on incitait les cigales à travailler plus (travaia maï pour gagna maï, c'était le slogan depuis Ramatuelle jusqu'à Bandol ) moyennant la prime à la sève... "une belle arnaque" songeait Marius quand soudain, une sublime brune à tête grise se présenta. Il ne put retenir un "qu'es acò ?"
Il faillit même ajouter qu'elle était jolie avec ses yeux doux, sa barbiche de sous-officier... mais ça c'est du Daudet dans la cabro de moussu Seguin.
Les deux grands yeux noirs brillaient de mille facettes à tel point que Marius en oublia de cymbaler; comme la belle faisait mine de s'en retourner, il se ressaisit bien vite et engagea la conversation "coume vai? é patin coufin...".
Certes il avait un vocabulaire limité, mais un mois et demi seulement pour niquer, ça laisse peu de temps pour l'instruction; alors il s'appliqua à moduler un tonitruant "à la couchado !"... le message avait le mérite d'être clair et la belle de répondre en ondulant de ses longues ailes transparentes: "tu as lou cuou bordé d'anchoio, je sui prenable mon garri".
Même un humain normalement constitué aura compris l'invitation plutôt cavalière et, sautant les préliminaires, Marius grimpa sur la belle brune au mépris du danger et de la foule bigarrée des touristes agglutinés sur la grand'place.
Ce fut une belle chevauchée vibrante et passionnée comme Marius n'en avait jamais connu dans sa courte vie! La pitchotte était menue, à peine deux grammes, mais groumando gourmande à faire rougir La Fontaine si bien que Marius dans un dernier coup de reins en perdit la vie.
Le gros cigalou essoufflé prétendit qu'il avait voulu "peta plus aut que soun cuou", mais il y a de la jalousie même chez les Cicadidae.
Alors, si vous passez un jour par Sant Troupez, allez Place des Lices et dirigez-vous vers le cinéma municipal, il n'y en a qu'un.
Approchez-vous du gros platane à gauche et vous y chercherez sur le tronc séculaire une entaille profonde, non pas celle-ci, l'autre plus haut! et dîtes-vous bien que c'est dans cette fente, ce nid d'amour qu'un certain Marius connut un immense bonheur avec...
Il n'avait pas eu le temps de lui demander son nom, Fanny peut-être?
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