Quand les Défis Du Samedi me demandent d'évoquer une remise de diplôme, je sors ce que j'appelle 'mes Bourguignonneries'...
Quand
Oncle Hubert nous réunit pour nous annoncer qu'il avait décroché
une MST, on eut d'abord un mouvement de recul comme si un pestiféré
débarquait dans la famille.
Cheu
nous autres, on n'était jamais malade à part peut-être une fois
quand le pépé avait eu sa drouille galopante à cause d'une orgie
de pêches de vigne traitées anti-mildiou!
Quand
Oncle Hubert a ajouté qu'il avait bien mérité sa MST, on a eu un
second mouvement de recul en nous demandant bien ce qu'il allait dire
pour sa défense et surtout si tante Anastazia était au courant des
détails?
Quelle
pouvait être la réaction d'une polonaise présentement occupée à
la préparation d'un bortch aux haricots sur le délicat sujet d'une
infection sournoisement contractée lors d'une chaleur
extra-conjugale?
Il
ne pouvait pas avoir berdauillé cette gouine de Rolande, ni la
grosse Margot et ses relève-titi... donc, c'était la mère
Fromageot, celle qui tenait l'écluse n°33 ?
Un
troisième recul nous eut flanqués dans l'arrière-cuisine mais
comme notre Oncle brandissait nerveusement quelques feuillets - sans
doute les résultats d'un récent dépistage du sida - une des pages
tomba, vivement ramassée par p'tit Louis.
“Ça
cause de nononque!” s'écria t-il crânement.
S'étant
étranglé sur les cinq premiers mot “Cé-avec-une-im-mensse-zoie”
je lui arrachai la page des mains en me raclant la gorge pour
dénoncer l'infamie à haute et intelligible voix, et je lus:
“C'est
avec une immense joie, et beaucoup de fierté, que nous vous
annonçons que vous venez d'obtenir avec succès votre Maîtrise
d'histoire des Sciences et Techniques option Blanc cass'.
Afin
de marquer ce moment important de la vie qu’est la fin de la
période étudiante, une cérémonie de remise de diplôme est
organisée le 18 avril 2015 à 16 heures à l'annexe de la mairie de
Fouzy-sur-Bèze.
Elle
sera suivie fort à propos d'un cocktail que n'aurait pas renié
Félix Kir, notre célèbre chanoine et inspirateur de votre
brillante thèse”.
J'avais
tout lu d'une traite sans respirer et comme p'tit Louis demandait ce
qu'était une option blancasse, la réponse arriva sous la forme
d'une Master-calotte que lui administra Maître es Blanc cass' en
personne!
Un
bregognon pure souche pouvait -il ignorer ce qu'est un blanc cass',
ne fusse qu'un drouilloux de cinq ans?
Je
me souvenais avoir dû apprendre par coeur les proportions et les
densités d'alcool du rince-cochon et même celles du 'Double K' créé
pour la rencontre entre Nikita Khrouchtchev et le Chanoine Kir dans
les années 60 (2 cl de crème de cassis, 4 cl d’Aligoté et 4 cl
de Vodka)...
Tandis
que p'tit Louis chouinait sur son ignorance, un immense soupir de
soulagement souleva notre groupe... oubliées les Rolande, Margot et
jusqu'à la mère Fromageot!
Tante
Anastazia - du bortch plein les mains - était aux anges c'est à
dire empressée à dégainer cette wodka frelatée coupée au
méthanol qu'elle gardait pour les grandes occasions...
Ainsi
nous avions un étudiant dans la famille, un étudiant de soixante
balais et très mal fagotté mais très diplômé!
C'étaient
donc ça ces soirées passées à aligner sur la table toutes ces
fillettes de Chablis, de Meursault, à treuiller les cassis au
pressoir, à se gargariser jusqu'à point d'heure et à ronfler
chaque nuit comme une 241-P en gare de Dijon?
Tout
ça pour décrocher une MST et aller faire le beau à l'annexe de la
mairie de Fouzy-sur-Bèze samedi prochain!
De
mémoire, je n'avais jamais vu autre chose que des Certificats
d'Etudes primaires dans la famille et mise à part la “petite”
croix de guerre du pépé en 14, on ne brillait pas en distinctions
vu qu'on ne faisait pas de vieux os sur les bancs de l'école
communale.
Oncle
Hubert rayonnait: ”Tu repasseras mes culottes” lança t-il à
Anastazia d'un air suffisant, l'air que prendrait dorénavant celui à
qui elle s'adresserait en disant Maître et en tortillant son
devantier.
P'tit
Louis se fraya un passage dans le groupe pour toucher Le Maître:
”Alors nononque... t'es pas malade?” bredouilla t-il.
L'énorme
rire d'Oncle Hubert nous plaqua définitivement au buffet où
Anastazia servait des galopins de son infâme tord-boyaux.
Malgré
l'heure tardive il nous restait à battre - les mains tournant en
forme de coupe à hauteur du visage - notre traditionnel ban
bourguignon «Tra, la, la, la, la, la, la, la, la, lère»...
Si
nous allions être au plus mal dans une heure, Oncle Hubert n'était
pas malade.