mardi 28 juin 2016

Un cadeau du ciel

Publié aux Défis Du Samedi sur le thème : Un cadeau inattendu



J'étais bien peinard sous l'arbre de la Connaissance – occupé à mater tous ces trucs qui voletaient dans les nuages, ces machins qui barbotaient dans l'eau et ces bidules qui rampaient sur la terre – quand c'est arrivé sans crier gare dans un nuage de poussière ocre (ça ne pouvait pas crier gare puisqu'IL n'avait pas encore créé la gare).
IL a déposé le cadeau devant moi en disant: “Soyez féconds. Croissez et multipliez-vous”.
Comme IL ne me vouvoyait pas, j'ai compris qu'IL nous parlait à tous les deux, mon cadeau et moi.
J'en suis tombé de mon hamac, un hamac en kit de lianes et de feuillage que j'avais trouvé chez Amazone.
C'était un cadeau pas comme les autres, pas comme tous ces machins qu'IL inventait chaque jour que Dieu fait mais j'ai aussitôt flairé un truc pas très catholique... ce cadeau me ressemblait trop pour être honnête.
Pour l'emballage IL ne s'était pas foulé – IL a jamais été doué pour les emballages – c'était le même que moi... à poil!
Mon cadeau me ressemblait autant que je pouvais me voir puisqu'IL n'avait pas encore inventé la psyché mais en même temps il était différent... moins anguleux, moins massif, moins musclé, plus en courbes, plus galbé, plus... oh et puis merde! Oui là! Plus harmonieux que moi.
Et alors? J'avais bien le droit de l'apprécier puisque c'était mon cadeau à moi, même s'il avait parait-il une côte en moins!
Pour qui d'autre aurait-il été puisque j'étais seul avant mon cadeau.
J'ai compris que je n'étais plus seul quand mon cadeau a commencé à parler comme moi, mais pas vraiment comme moi; ça parlait beaucoup et longtemps, presque sans respirer.
Pourtant ça respirait, je m'en rendais compte à ses... à ses poumons qui se gonflaient et se dégonflaient comme... comme les miens mais en plus galbés, plus proéminents... oh et puis merde! Oui là! Plus harmonieux que mes pectoraux.

De quoi parlait mon cadeau? Pas facile à dire, c'était un peu comme une musique, une douce musique comme celle d'un slow si le slow avait existé, bref je me comprends.
Alors j'ai écouté mon cadeau à musique jusqu'à ce que ça se mette à parler plus fort, plus distinctement, en articulant bien comme si j'étais un abruti ou un demeuré: ça disait :”C'est toi mon cadeau”.
J'hallucinais.
IL m'avait offert un cadeau qui me prenait pour son cadeau!
J'ai failli lui renvoyer son cadeau en recommandé même si on ne refuse pas un cadeau du Créateur mais je n'ai pas eu le temps de l'emballer... ce fut tout le contraire.
Mon cadeau s'est approché très près de moi, un peu comme le serpent tentateur – vous savez, celui qui descend de l'arbre pour vous refiler une figue ou un fruit à pépins que vous allez mâchouiller toute votre vie – et ça m'a touché avec ses mains... pas des mains rèches et noueuses et pleines de doigts comme les miennes, non... des mains expertes, plus fines, plus douces, plus... oh et puis merde! Oui là! Plus caressantes que les miennes.

Alors j'ai gardé mon cadeau ou plutôt mon cadeau m'a gardé... avec ses petits plats mitonnés tout feu tout flamme, ses galettes de maïs et ses fruits frais, et puis ma feuille de vigne lavée et repassée chaque matin et aussi notre hamac retapé chaque soir; faut dire qu'on a des matins et des soirs et c'est vachement pratique pour aller se coucher... parce que aller se coucher, c'est un vrai cadeau du ciel.

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