Publié aux Défis Du Samedi sur le thème : Un cadeau inattendu
J'étais
bien peinard sous l'arbre de la Connaissance – occupé à mater
tous ces trucs qui voletaient dans les nuages, ces machins qui
barbotaient dans l'eau et ces bidules qui rampaient sur la terre –
quand c'est arrivé sans crier gare dans un nuage de poussière ocre
(ça ne pouvait pas crier gare puisqu'IL n'avait pas encore créé la
gare).
IL
a déposé le cadeau devant moi en disant: “Soyez féconds.
Croissez et multipliez-vous”.
Comme
IL ne me vouvoyait pas, j'ai compris qu'IL nous parlait à tous les
deux, mon cadeau et moi.
J'en
suis tombé de mon hamac, un hamac en kit de lianes et de feuillage
que j'avais trouvé chez Amazone.
C'était
un cadeau pas comme les autres, pas comme tous ces machins qu'IL
inventait chaque jour que Dieu fait mais j'ai aussitôt flairé un
truc pas très catholique... ce cadeau me ressemblait trop pour être
honnête.
Pour
l'emballage IL ne s'était pas foulé – IL a jamais été doué
pour les emballages – c'était le même que moi... à poil!
Mon
cadeau me ressemblait autant que je pouvais me voir puisqu'IL n'avait
pas encore inventé la psyché mais en même temps il était
différent... moins anguleux, moins massif, moins musclé, plus en
courbes, plus galbé, plus... oh et puis merde! Oui là! Plus
harmonieux que moi.
Et
alors? J'avais bien le droit de l'apprécier puisque c'était mon
cadeau à moi, même s'il avait parait-il une côte en moins!
Pour
qui d'autre aurait-il été puisque j'étais seul avant mon cadeau.
J'ai
compris que je n'étais plus seul quand mon cadeau a commencé à
parler comme moi, mais pas vraiment comme moi; ça parlait beaucoup
et longtemps, presque sans respirer.
Pourtant
ça respirait, je m'en rendais compte à ses... à ses poumons qui se
gonflaient et se dégonflaient comme... comme les miens mais en plus
galbés, plus proéminents... oh et puis merde! Oui là! Plus
harmonieux que mes pectoraux.
De
quoi parlait mon cadeau? Pas facile à dire, c'était un peu comme
une musique, une douce musique comme celle d'un slow si le slow avait
existé, bref je me comprends.
Alors
j'ai écouté mon cadeau à musique jusqu'à ce que ça se mette à
parler plus fort, plus distinctement, en articulant bien comme si
j'étais un abruti ou un demeuré: ça disait :”C'est toi mon
cadeau”.
J'hallucinais.
IL
m'avait offert un cadeau qui me prenait pour son cadeau!
J'ai
failli lui renvoyer son cadeau en recommandé même si on ne refuse
pas un cadeau du Créateur mais je n'ai pas eu le temps de
l'emballer... ce fut tout le contraire.
Mon
cadeau s'est approché très près de moi, un peu comme le serpent
tentateur – vous savez, celui qui descend de l'arbre pour vous
refiler une figue ou un fruit à pépins que vous allez mâchouiller
toute votre vie – et ça m'a touché avec ses mains... pas des
mains rèches et noueuses et pleines de doigts comme les miennes,
non... des mains expertes, plus fines, plus douces, plus... oh et
puis merde! Oui là! Plus caressantes que les miennes.
Alors
j'ai gardé mon cadeau ou plutôt mon cadeau m'a gardé... avec ses
petits plats mitonnés tout feu tout flamme, ses galettes de maïs et
ses fruits frais, et puis ma feuille de vigne lavée et repassée
chaque matin et aussi notre hamac retapé chaque soir; faut dire
qu'on a des matins et des soirs et c'est vachement pratique pour
aller se coucher... parce que aller se coucher, c'est un vrai cadeau
du ciel.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire