mardi 16 août 2016

Mojito ou daïquiri?

Publié sur le site MilEtUne Histoires d'après l'illustration





Depuis que Raul Castro a serré la paluche à Barack Obama, tout le monde n'a plus que du La Havane dans la bouche.
Alors dès que Leonard est tombé dans le panneau... enfin, sur ce panneau publicitaire sur le chemin du boulot, il ne pense plus qu'à s'expatrier.
Là-bas c'est les Zantilles – les zîles paradiziaques comme on dit en zozotant avec des zétoiles plein les zieux – avec des cocotiers partout pour accrocher son hamac et des filles avec des mains pleines de doigts pour rouler des feuilles de cigare et plus si affinités!
Il va avoir tout le temps pour apprendre à fumer.
7573 kilomètres c'est tout ce qui sépare Angers – la perle de l'Anjou – de La Havane sa nouvelle ville de rêve... il lui suffit seulement de tourner à droite.
Y z'auraient pu le dire plus tôt, ça semble si fastoche.
Alors Leonard balance un grand coup de volant à droite, abandonne son trajet habituel, celui qui l'emmène à l'usine chaque matin depuis quatorze mille deux cent trente matins.

La vieille Twingo tangue sur la gauche, évite une file de pékins pressés d'aller au turbin...
Là-bas il refourguera sa caisse si elle le lâche pas avant et ne prendra plus que des Coco taxi pour aller boire des coups vers Miramar avec ses nouveaux potes.
Pour l'heure il enfile la rue du Roi René puis la rue Paul Bert, y saura jamais qui c'était ce Paul Bert.
Là-bas au moins le chanteur Obispo a une rue à son nom: la rue Obispo où a vécu le fameux Hemingway, celui qu'a écrit Pour qui sonne le gland.
Leonard va pouvoir oublier le rosé d'Anjou pour des trucs plus musclés; parait qu'y a du monde au balcon quand on vous sert la téquila et puis si Rihanna y promène son cul, ça peut pas être relou.

Leonard adorera visiter le quartier chinois, y a toujours un quartier chinois où qu'on soit dans le monde pour pas être dépaysé. Y aura une porte avec des lions, pas comme au Lion d'Angers où y en a pas.
Place André Leroy ça vire sec; il adore faire crisser les pneus chaque matin depuis quatorze mille deux cent trente matins pour réveiller les flemmards.
Leonard n'a pas vu débouler le gros camion de la Seita par la rue Rabelais...

Pour le coup ça fume, ça sent le tabac et l'huile de vidange et aussi la ferraille calcinée.
Les copains disent que les camions de la Seita ça sert qu'à transporter de la mort mais Leonard ne fume pas, enfin pas encore.
Penchée sur lui, la jeune nana n'a rien d'une havanaise et rien au balcon qu'une ample combinaison blanche avec une grosse croix rouge.
Y a aussi une odeur bizarre de poulet grillé, surement ce fameux “pollo asado” avec des haricots rouges et des bananes frites... mais y z'ont pas lésiné sur la sauce tomate!!
Comment je m'appelle? “Euh, appelez-moi Leonardo”.
Leonardo ça sonne bien – un prénom qui va faire un tabac – mais la jeune nana a l'air inquiète et il entend pas c'qu'elle lui souffle à l'oreille.
Hein? Si y préfère un mojito ou un daïquiri?
Pas facile de répondre avec ce masque sur la tronche...
La nuit vient de tomber subitement... faudra qu'il s'habitue.





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