Il faut dire que j'avais de très bons copains, des aficionados, de vrais connaisseurs qui me les servaient sur un plateau sans que j'aie à faire le moindre effort de recherche.
J'aurais pu parait-il avec beaucoup d'appétit en avoir une par jour, ce dont se vantaient les copains qui avaient plus grand œil que grand ventre et étaient déjà gueudés avant même qu'on serve la romaine.
Et puis est arrivée l'Union Européenne avec ses règlements qui les ont aseptisées et souvent rendues fades ; j'ai du parfois me contenter de quelques anorexiques qu'on nommait scientifiquement « allégées » pour faire moins peur au client.
J'en arrivais à regretter celles qui viaunaient à 50 mètres, des souillons venues de Langres ou de Munster.
Un jour où j'étais seul et triste au restaurant – un dénommé Brillat-Savarin a dit que sans bonne compagnie c'est comme une belle à qui il manque un œil – on m'a demandé si je les aimais moulées et de petite taille ; là je me suis dit que ce gars-là savait deviner mes goûts du moment.
Quand il m'a demandé si je les aimais orangées, je me suis dit qu'une bonne décoloration suffirait à gommer cette excentricité capillaire et que ça ne serait jamais pire qu'une tête de moine.
Quand il m'a demandé si je les aimais plissées et collantes, j'ai répondu que l'habit ne fait pas le moine et que je n'irais pas à l'abbaye de sitôt …
Celle qu'il avait invitée à ma table sortait d'un trou du cru, elle était native d'Epoisses et ça me convenait car un bourguignon de Gevrey-Chambertin comme moi n'est pas à 95 kilomètres près pour faire une belle rencontre!
Quand il m'a confessé qu'elle était fondante en bouche, j'ai cru que j'allais attraper le virot mais il me remit d'aplomb le cœur et l'estomac en m'apportant une belle tranche de pain d'épices légèrement toastée.
J'avoue pourtant m'être inquiété quand il me confia à voix basse qu'elle s'était lavée pendant trois semaines au marc de Bourgogne mais j'étais prêt à l'aider à se désintoxiquer.
Pour affiner sa description le gars ajouta qu'elle dégageait des arômes subtils et délicats aussi fus-je tout à fait conquis.
Je salivais déjà.
Qui aurait refusé un tel moment de convivialité ?
«Ne soyez pas trop surpris » me dit le type «c'est une patte molle ».
Rien n'aurait pu me surprendre, j'avais déjà migé une mi-mollette et c'est alors qu'elle arriva.
Oh la vache … Vindiou !
Elle était si menue que je n'aurais fait qu'une bouchée de cette friandise mais je refrénai ma gourmandise légendaire.
Elle avait cru bon de revêtir une jolie collerette de papier doré sur laquelle un amateur éclairé avait écrit « Un délice culotté » … il me tardait de la déniaper, ce que je fis délicatement tandis que le type derrière moi croyait utile d'ajouter cet ultime message « elle n'a que 25% de matière grasse ».
Je me faisais fort de vérifier ce détail par moi-même et entre la poire et le fromage – à cet instant la poire c'était moi – j'offris à la p'tiote un galopin de Chablis sorti de derrière les fagots et qui me lançait des éclairs dorés et gouleyants.
Aux tables voisines, ce n'étaient que regards en coin et chuchotements.
J'entendis même un cul-terreux dire « elle, si jeune avec ce vieux ... ».
C'en était trop.
Je demandai si je pouvais l'emporter, et c'est ce que je fis
je reste sur ma faim
RépondreSupprimerIl faudrait une suite ...
SupprimerJe t'ai cru sur parole !
RépondreSupprimer:)
SupprimerTu as une sacrée verve, toi... En plus ça me donne un petit creux.
RépondreSupprimerBonne soirée,
Mo
Bonne soirée
Supprimer