Publié au Défi du Samedi sur le thème du mimosa
En
lui offrant ça j'étais bien conscient que je lui offrais une
légumineuse, alors j'ai dit pour faire plus romantique « C'est
une sensitive, ma biche ».
La
fleuriste antillaise avait été nettement moins sensible pour une
fleuriste, elle appelait ça une honteuse femelle, une herbe mamzelle
mais je me suis dit que Germaine aimerait quand même ça car elle
n'était pas jaune … Germaine a horreur du jaune.
Elle
m'avait rencardé sur ce machin et j'avais noté des termes comme
pétioles Doudou, pennes Doudou et folioles Doudou.
J'avais
lu des trucs surprenants, comment ça refermait ses feuilles au
moindre choc ; même que ça fermait ses feuilles la nuit tout
comme Germaine à l'hôtel du cul tourné !
C'est
une technique pour se défendre contre les prédateurs nocturnes ;
ainsi, Germaine était nyctinastique et moi par voie de conséquence
un prédateur nocturne, bref.
La
fleuriste avait ponctué nyctinastique par un « I pa bon ».
J'évitai
le sujet avec Germaine, me contentant de lui tendre le bouquet.
J'avais
lu aussi que la sensitive pouvait infester les cultures – un peu
comme Germaine – mais j'évitai aussi de le préciser tout comme
son caractère toxique du à la présence de nombreux alcaloïdes.
De
toute façon Germaine n'avait pas l'habitude de brouter les bouquets
que je lui offrais … enfin, rarement.
« Quelque
chose à te faire pardonner ? » a t-elle questionné en
cherchant un vase.
J'ai
réfléchi quelques secondes ; non, je n'avais rien à me faire
pardonner ce jour-là.
Germaine
était toujours méfiante à propos des cadeaux gratuits.
Pour
l'entretien la fleuriste antillaise m'avait conseillé une douche
deux fois par semaine … mais je me gardai bien de lui avouer que
j'en prenais chaque matin.
C'était
bien la première fois qu'une fleuriste me parlait d'hygiène
corporelle à moins que cette plante ne soit vraiment malfaisante.
Germaine
avait posé le vase sur le buffet : »Si c'était pas bleu,
j'aurais juré que tu me ramenais du mimosa »
« Je
connais tes goûts, ma biche » ai-je rétorqué en me gaussant.
« C'est
pas de la peinture au moins ? » a t-elle insisté en
reniflant les inflorescences bleutées.
« Tu
le sauras vite » ai-je répondu « la fleuriste préconise
deux douches par semaine »
« Tu
sentais si mauvais que ça ? De quoi elle se mêle cette
fleuriste ? » a rugi Germaine.
« Je
suis bien d'accord avec toi » ai-je rétorqué « de quoi
elle se mêle ? »
« ça
sent bon » a conclu Germaine.
La
fleuriste aurait dit « I bon » mais je n'ai rien ajouté.