Publié sur le site des Défis Du Samedi sur le thème des OVNI
Ce matin j'ai vu une soucoupe volante, parfaitement.
Il était neuf heures, l'heure à laquelle je prends mon café sur la terrasse, le nez en l'air à regarder je ne sais quoi.
Germaine a horreur de me voir regarder je ne sais quoi à neuf heures, le nez en l'air.
Je
l'ai parfaitement identifiée ; c'était une antique soucoupe du
siècle dernier, rescapée du service à café que tante Anastazia
nous avait offert pour notre mariage.
Elle est passée comme une
fusée à dix centimètres de mon crâne avant d'aller s'abîmer dans
le massif de forsythia.
A son passage j'ai cru voir rigoler les
angelots joufflus de ce décor suranné qui – patiné par le temps
comme moi – m'avait si souvent donné envie de gerber.
Germaine appelle ça des sous-tasses et moi des soucoupes ; c'est un de nos nombreux sujets de discorde. Elle prétend que les soucoupes ça n'existe pas, bref.
Je
maintiens qu'on devrait interdire ce genre d'engins, surtout quand on
ne sait pas les piloter.
Germaine a toujours eu la main leste mais
elle n'a jamais su conduire.
« Encore raté ! » ai-je ricané en fouillant le massif à la recherche des angelots limougeauds (il paraît que c'est du Limoges).
Germaine était tout juste retournée dans sa cuisine quand je l'ai aperçu, un halo brillant qui grandissait à vue d'oeil et se dirigeait tout droit sur nous.
Il
n'y a qu'un ufologue – Germaine dit urologue – pour affirmer que
ces trucs ne sont pas identifiables !
Ceux qui piétinaient
ma pelouse n'étaient pas des petits hommes verts mais des costauds
avec un fort accent de l'Est.
«Z'auriez pas du gasoil ? » a demandé celui qui semblait être le chef.
J'ai poussé un cri.
Le plus jeune venait de m'arracher la soucoupe des mains et gesticulait, les yeux exorbités … même si tous avaient les yeux exorbités d'origine.
« C'est quoi ce bins ? » a aboyé le chef.
« C'est une soucoupe » ai-je répondu, et pour faire classe j'ai ajouté «c'est du Limoges »
Le chef a pris l'objet délicatement, l'a soupesé et longuement ausculté avant de le refiler au plus jeune.
« OVNI » a-t-il conclu dans un dialecte que je ne comprenais pas.
Ils ont tous rigolé comme des baleines ; des costauds qui rigolent avec un fort accent de l'Est ça impressionne.
J'étais surexcité, sur le point d'échanger voire de commercer avec des êtres venus d'ailleurs quand Germaine est apparue sur le seuil de la terrasse.
L'instant d'après le halo brillant disparaissait sur l'horizon.
« C'était quoi ce bins ? » a demandé Germaine.
J'ai balayé le sujet : »Oh rien. Comme d'hab. Des types qui cherchaient du carburant »