Oui je sais, je me répète mais quand on me parle d'explorateur qui sommeille, de chasseur de paysages et de faire
découvrir un lieu que j'aime particulièrement... je ne peux pas m'empêcher de parler de Brocéliande
Dans
un grand splash la tartine amerrit dans mon bol de chocolat fumant. Ce
matin encore le pic vert a frappé au carreau d'un grand coup de bec
sonore qui m'a fait
sursauter.
En six mois j'ai l'impression d'avoir apprivoisé tout l'environnement et ses bruits familiers, mais il en est certains
qui me surprennent toujours comme pour dire "Tu n'es pas encore tout à fait prêt".
"Que veux tu, l'oiseau?" lui ai-je dit, à peine revenu de ma surprise. Il m'a regardé effrontément d'un air
de dire :"Je ne veux rien, je suis ici chez moi, c'est tout".
C'est vrai, il était chez lui et dans un éclair vert mêlé de rouge il a quitté l'appui de fenêtre pour aller
s'accrocher au poteau de clôture le plus proche, lui a donné deux coups de bec bien sentis avant de s'envoler vers le bois.
C'est là où je vis mais ce théâtre est à tout le monde, au randonneur chevronné comme au promeneur tranquille, au
gourmand cueilleur de mûres et au goûteur de silence, au cycliste trop pressé et au cavalier solitaire.
Mon
silence je le goûte au crépuscule comme on déguste un bon café après le
repas, quand tous les oiseaux ou presque se
sont tus, quand le chevreuil curieux franchissant je ne sais où la
clôture de la prairie voisine vole aux percherons quelque maigre touffe
d'herbe, quand les lapins font une dernière course en
agitant leur fanal blanc, quand la colonie de lézards a regagné ses
trous ou le couvert des tuiles du toit encore tièdes.
Alors
j'entre sous la voute ténébreuse de chênes et de sapins comme dans une
grotte végétale et l'écho discret de mes
pas dans la sente me fait l'effet d'un martèlement terrible. C'est
ce moment magique que je choisis pour m'arrêter et tenter d'écouter
l'inaudible, l'imperceptible craquement d'un sapin, le
bruissement des feuilles sous la brise comme un lointain ressac. La
chouette mystérieuse vient de pousser son premier cri.
Bientôt
la pénombre enveloppera tout et c'est alors le signe du retour dans les
senteurs des buis odorants et des
prairies surchauffées. Je pousse à regret le petit portillon ouvrant
sur mon domaine, abandonnant le sentier à tous ceux qui cherchent un
peu de sérénité... et à tous les autres aussi.
publié aux Impromptus Littéraires
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