lundi 4 octobre 2010

Brocéliande

 Oui je sais, je me répète mais quand on me parle d'explorateur qui sommeille, de chasseur de paysages et de faire découvrir un lieu que j'aime particulièrement... je ne peux pas m'empêcher de parler de Brocéliande
 
Dans un grand splash la tartine amerrit dans mon bol de chocolat fumant. Ce matin encore le pic vert a frappé au carreau d'un grand coup de bec sonore qui m'a fait sursauter.
En six mois j'ai l'impression d'avoir apprivoisé tout l'environnement et ses bruits familiers, mais il en est certains qui me surprennent toujours comme pour dire "Tu n'es pas encore tout à fait prêt".
"Que veux tu, l'oiseau?" lui ai-je dit, à peine revenu de ma surprise. Il m'a regardé effrontément d'un air de dire :"Je ne veux rien, je suis ici chez moi, c'est tout".
C'est vrai, il était chez lui et dans un éclair vert mêlé de rouge il a quitté l'appui de fenêtre pour aller s'accrocher au poteau de clôture le plus proche, lui a donné deux coups de bec bien sentis avant de s'envoler vers le bois.
C'est là où je vis mais ce théâtre est à tout le monde, au randonneur chevronné comme au promeneur tranquille, au gourmand cueilleur de mûres et au goûteur de silence, au cycliste trop pressé et au cavalier solitaire.
Mon silence je le goûte au crépuscule comme on déguste un bon café après le repas, quand tous les oiseaux ou presque se sont tus, quand le chevreuil curieux franchissant je ne sais où la clôture de la prairie voisine vole aux percherons quelque maigre touffe d'herbe, quand les lapins font une dernière course en agitant leur fanal blanc, quand la colonie de lézards a regagné ses trous ou le couvert des tuiles du toit encore tièdes.
Alors j'entre sous la voute ténébreuse de chênes et de sapins comme dans une grotte végétale et l'écho discret de mes pas dans la sente me fait l'effet d'un martèlement terrible. C'est ce moment magique que je choisis pour m'arrêter et tenter d'écouter l'inaudible, l'imperceptible craquement d'un sapin, le bruissement des feuilles sous la brise comme un lointain ressac. La chouette mystérieuse vient de pousser son premier cri.
Bientôt la pénombre enveloppera tout et c'est alors le signe du retour dans les senteurs des buis odorants et des prairies surchauffées. Je pousse à regret le petit portillon ouvrant sur mon domaine, abandonnant le sentier à tous ceux qui cherchent un peu de sérénité... et à tous les autres aussi.
 
publié aux Impromptus Littéraires

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