J'écris sous la torture et ça me plait. Parce que j'aime les contraintes, parce que "même grasse, la risette du Mans n'a jamais fait de mal à personne" et parce que "Ne rien dire, nuit gravement à la santé"
lundi 16 mai 2011
Appelez-moi Agatha
"Parti tôt, pris mon chien"... Je retournai machinalement le post-it dans l'espoir d'y trouver une suite, mais rien. C'est vrai qu'on écrit rarement sur la face qui colle et il restait suffisamment de place pour qu'il s'explique avec ses exaspérantes pattes de mouches à la Champollion...
Ou bien il n'avait pas eu le temps d'en écrire plus, mais pour quelle raison impérieuse?
Tout ceci était invraisemblable vu qu'il ne sortait jamais du lit avant neuf heures - sauf le jour du tiercé - et qu'on n'avait jamais eu de chien.
J'avais entendu parler du Partito democratico italien mais pas d'un Partito primonchien c'est pourquoi j'exclus aussitôt la piste politique.
Dans sa précipitation il avait négligé la syntaxe et il m'offrait du même coup l'occasion de démêler une énigme passionante! J'adorais ça et me sentis toute émoustillée, en tout cas il était parti comme le confirmaient ses charentaises garées sur la table de la cuisine.
La première fois que j'avais eu à enquêter de la sorte c'était le jour où il était rentré du pressing avec un pantalon trop grand pour lui. Malgré ses explications oiseuses j'avais bien compris ce jour-là qu'il menait une double vie et qu'il ne pouvait rien dire pour nous préserver, moi sa femme et toute la famille.
J'essayai "Par Tito, pris mon chien"... Toujours la politique et ce clébard omniprésent qui freinait mon enquête et gâchait mon plaisir.
Foi d'Agatha - je m'appelle Agathe mais j'aime mieux Agatha - je décidai d'éliminer le chien mais toutes les pistes s'effondraient:
"pris mon bien" mais son seul bien c'étaient mes économies, autant dire rien.
"pris mon train" alors que Monsieur ne jure que par sa vieille Peugeot.
"pris mon bain" quand on sait qu'il ne tolère l'eau que dans le pastis.
Je sentais que ce texte anodin allait me donner du fil à retordre, alors que j'avais toujours réussi à élucider ces mystérieux messages dont le fameux tract "Tout doit disparaître" savamment caché dans le catalogue des 3 Suisses et qui m'avait pris trois jours d'une enquête épuisante.
Comme j'allais remettre à sa place la paire de charentaises, un détail me fit bondir: le chausson gauche portait une petite étiquette codifiée 41G alors que le droit indiquait 41D !
J'avais déjà vu ces signes dans le placard à chaussures et je jubilais en traversant le couloir. Je tenais enfin une piste sérieuse!
Le bruit de la porte du placard ressemblait à s'y méprendre à celui de la porte d'entrée et je compris ma méprise en le voyant sur le seuil: il était rentré!
Comme d'habitude il ne dirait rien de sa dernière mission et je devrais trouver les indices moi-même, comme ce Tiercé Magazine qui dépassait de sa poche... Je lui tendis ses charentaises.
Courage, Agatha.
Publié aux Impromptus Littéraires d'après le titre du livre de Kate Atkinson : "Parti tôt, pris mon chien".
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