J'écris sous la torture et ça me plait. Parce que j'aime les contraintes, parce que "même grasse, la risette du Mans n'a jamais fait de mal à personne" et parce que "Ne rien dire, nuit gravement à la santé"
lundi 23 mai 2011
Sin city
Ignorant le gros remorqueur qui barbote à deux pas du trafic routier de Tropicana Avenue, je longe le pont de Brooklyn noyé dans sa perpétuelle brume. Ca ne remplace pas une douche ni un coup de Jasnières bien frais mais ça requinque quand même. Ejectés du New York-New York les wagons du roller coaster déboulent au dessus de ma tête dans leur assourdissant fracas métallique mais j'en ai pris l'habitude et je poursuis ma course infernale. Dans mon dos l'énorme félin doré de la MGM rugit aux derniers rayons du soleil couchant; je sais, je suis encore à la bourre!
J'accélère en direction des fontaines du Bellagio qui explosent aux nues sur un dernier accent Pavarottien... pour une fois j'ai échappé à Céline - pas l'écrivain, la chanteuse. A cette heure je dois louvoyer au milieu des groupes de touristes agglutinés autour du lac, l'oeil rivé au caméscope.
En face, la demi-portion de tour Eiffel joue les grandes dames, ignorant les trois cent cinquante mètres du perchoir qui m'attend là-bas au bout du Strip.
Dix neuf heures cinquante cinq: avec un peu de chance j'éviterai l'éruption du Mirage et son torrent de lave, pour l'heure le volcan ruisselle comme un gros baba au rhum en attendant de se déchaîner à en faire gondoler les barques du Venetian d'en face.
Quelle idée j'ai eue d'accepter ce job à Stratosphère, moi qui meurs de vertige rien qu'en montant sur une balançoire? J'aurais jamais dû écouter Brenda, ses idées loufoques et ses arguments à la noix.
Pour moi toutes ces lumières, ces casinos et ces touristes en tongs c'étaient des images d'Epinard, et aujourd'hui c'est juste galop, boulot, dodo!
Brenda ne comprend pas pourquoi je m'obstine à aller bosser à pied mais c'est plus fort que moi, cette circulation me donne la nausée, et puis six kilomètres ça fait à peine quatre miles!
J'arrive liquéfié au pied de la tour infernale, je dois avoir l'air d'un gogol dans mon jogging rose mais le gorille d'ascenseur est habitué et m'adresse son ''Hiii'' hebdomadaire en me tapant dans le dos. Plus question de reculer.
Dans une poignée de secondes j'aurai ravalé deux fois mon quatre heures et atteint le 24ième étage. Faut être vicieux pour avoir conçu un truc aussi speed! ''Sin city'' comme y disent fièrement.
Dans cinq minutes j'aurai pris ma douche et endossé mon beau costume de room service.
Et pendant que des fous furieux suspendus dans le vide vont suer leur adrénaline ou faire dans leur froc pour douze dollars, mes potes et moi on va remplir notre mission: explorer les mille deux cent réfrigérateurs des chambres pour y traquer le yaourt périmé ou la Corona entamée.
Je sors de l'ascenseur à quatre pattes comme d'habitude et l'estomac au bord des lèvres.
Le Chef m'attend :"T'es en retard, mec! ça va se payer".
Tiens, j'avais jamais remarqué que dans room service il y a vice?
Alors comme chaque jour je vais me téléporter dans les ruelles médiévales de ma cité Plantagenêt, me rafraîchir sur les rives de la Vègre ou saliver sur une marmite sarthoise... ça fait mal mais ça aide à vivre.
Je sais qu'un jour je rentrerai avec ou sans Brenda - quand on n'aime pas les rillettes on n'est pas tout à fait normal.
Vegas sur Sarthe
publié aux Impromptus Littéraires sur le thème: Peinture citadine
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