Publié aux Défis Du Samedi d'après l'illustration
A
l'heure où les belles laides – LED pour faire plus petit – nous
éclairent on a tendance à oublier que pendant des lustres (le
lustre équivaut à un gâteau de 5 bougies) on a utilisé l'huile,
le gaz et le pétrole avant d'imaginer l'ampoule à filament.
Quand
Ernestine Labre née de Gaston Labre et Marie Loupiote vécut sa
première expérience cousue de fil blanc – une fibre de coton
carbonisée que son amant empressé avait arrachée de sa robe trop
près d'une bougie – ce fut le début d'une longue série d'amants
et d'échecs.
A
l'époque il y avait le camp des Labre et le camp des sceptiques,
celui de celle qui filait un mauvais coton et celui de ceux qui
filaient sans demander leur reste.
Ernestine
donna à son fil d'éclairage le joli nom de filament.
Pourquoi
filament ? Les mauvaises langues disent qu'elle aurait crié à
chaque fois qu'un ex jaloux s'approchait de son atelier : »File
amant !»
Lulu,
le dernier amant répertorié – souffleur de verre de son métier –
a alors l'idée d'enfermer le précieux filament dans une ampoule
pleine de vide, ce qui est à la fois un pléonasme et un exploit
pour l'époque.
Au
début Ernestine n'obtient qu'un Lu mignon qu'elle baptise Petit Lu
et qui n'éclaire que le temps du goûter qu'on appelle donc quatre
heures.
Elle
espère faire mieux mais deux Petit Lu ne font toujours qu'un quatre
heures.
Ernestine
a l'idée ( ne pas confondre avec Ernestine Halliday) de remplacer le
vide par du gaz mais en 1870 le gaz est rare et à cause d'un trop
plein d'eau dans le gaz, Lulu fuit et s'enfuit.
Ernestine
fait le vide autour d'elle pour mieux se concentrer; dans l'azote son
filament de coton éclaire pendant quatorze heures, ce qui correspond
à la durée d'une journée de travail de l'époque.
Ernestine
veut faire plus pour gagner plus.
Elle
essaie diverses fibres végétales: pousses de
bambou-au-poivre-de-Sichuan, Jonc de
mer-qu'on-voit-danser-le-long-des-golfes-clairs, Coco-à-la-noix, lin
puis l'autre mais sans succès.
Déprimée
elle expérimente un double filament de Canna qu'elle nomme Cannabis.
Il
faudra qu'un beau matin – car les plus belles inventions
surviennent un beau matin – Eddy sonne à sa porte pour qu'ils
imaginent ensemble la «lampe à un camp d'essence».
Eddy
sonne mais s'appelle en fait Thomas Jerry Can... appelons-le Eddy.
Eddy
!
Eddy
arrive du nouveau Jersey, là où on tricote le fil de coton plus
vite qu'Ernestine ne le brûle.
Ensemble
ils expérimenteront des gaz nobles: Argon, krypton, xénon, néon,
des noms en 'on' beaucoup plus distingués que
l'octofluorocyclobutane ou l'hydrogène sulfuré qui chlingue trop
l'oeuf pourri et emboucane le voisinage...
Elle
a du culot Ernestine et imagine bientôt un système de vis à une
époque où sévit la baïonnette.
Le
suédois Celsius – inventeur de l'échelle qui porte son nom –
estimera la température du filament d'Ernestine à 2550°, ce qui
fera dire à Ernestine “Voilà pourquoi ça brûle”.
Bien
plus tard Eddy inventera le téléphone et le fameux “Allô,
Gênes?” qui laissera sur le cul les génois et les génoises et
permettra l'essor de la lampe moderne et écologique.
La
célèbre lampe d'Ernestine est aujourd'hui interdite dans l'Union
Européenne, remplacée par la lampe halogène qui sera prochainement
interdite dans l'Union Européenne et remplacée par un machin qui
sera sans doute interdit dans l'Union Européenne à moins que
l'Union Européenne ne soit interdite un beau matin, car les plus
belles interdictions surviennent aussi un beau matin...
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