Publié aux Défis Du Samedi sur le thème de l'ostracisme
Ostrakon:
Tesson de céramique sur lequel était inscrit le nom du banni
“Dix
ans! Les pourris! Ils m'en ont mis pour dix ans... qu'est-ce que je
vais bien pouvoir foutre pendant dix ans?”
La
sentence de bannissement prononcée à l'encontre de Karolos par
l'Ecclésia – l'assemblée des citoyens d'Athènes – était sans
appel.
D'une
voix blanche il interrogea sa compagne Penny: “Hein? Qu'est-ce
qu'on va foutre maintenant?”
Penny
tenta de l'apaiser :”On pourrait peut-être organiser des courses
de chars... pourquoi pas les vingt quatres heures d'Athènes? Le
vainqueur recevrait une exonération fisca...”
Karolos
l'interrompit d'un haussement d'épaules autant que lui permettait sa
toge sur mesures :”Ca marchera jamais! Et pis si t'as rien d'autre
à proposer que des cadeaux fiscaux tu peux retourner à ta
quenouille et tes pelotes”
Penny
se permit d'insister :”Pense à nos enfants, à notre train de vie,
à notre villa de Kolonaki, à tous nos esclaves, nos métèques...
il faut que tu trouves un vrai travail, Karolos”
Cette
dernière remarque eut le don de l'énerver encore plus :”Dangereux.
Ils me considèrent comme dangereux. Non mais je rêve! Si on peut
plus accepter les cadeaux des copains ni planquer des drachmes chez
Attica Bank, où va t-on?”
Consciente
de ne pas avoir été à la hauteur Penny fit une dernière
tentative: “Je pourrais me lancer dans la fabrication de pots à
rillettes en céramique ou des plats à macédoine, ou bien...”
“Surtout
ne fais rien, Penny et ne me parle plus de la Macédoine! Pas un qui
a mis son bulletin dans l'urne pour moi” explosa Karolos “c'est
un complot, une machination. Qu'ils aillent se faire voir chez les
nôtres avec leur soi-disant Démocratie”
Les
dix stratèges n'avaient pas fait dans la dentelle, ils avaient fini
par en avoir ras l'acropole de ces polémiques qui
brouillaient l'écoute (contrepèterie grecque).
Les
scribes grattaient du papyrus sans discontinuer, le Journal de
l'Après-Midi et le Journal du Lendemain s'arrachaient comme des
petites pita et l'Aphrodite-Kronou-Heliou (*) – le VSD local –
était en rupture de stock permanente.
“C'est
temporaire mon choupinou” minauda Penny “tout ostracisme a une
fin et d'ici-là ils auront tout oublié”.
Choupinou
la fusilla du regard :”Qu'est-ce que tu crois qu'y vont faire tous
ces clowns pendant MES deux quinquina(*): Emmanuel Platon, Zeus
Ammon et même Alexandre le Petit? Encore heureux qu'il n'y ait pas
de femmes”
“Alexandre
le Petit?” pleurnicha t-elle “tout le monde dit qu'il a
raccroché”.
Karolos
explosa :”Raccroché? Tu sais combien de temps il lui faudrait pour
venir du Cap Nègre par Hellenic Seaways? Trois jours en ramant
bien... et il rame bien le Petit!”
Penny
soupira et s'éteignit comme les athéniennes s'éteignent selon une
tradition ancestrale.
Alors
frappé par quelque inspiration divine Karolos se redressa subitement
:”Il faut enrayer l'hémorragie! Je vais racheter ce “Papia
alysodethei”(*) qui me bave sur les rouleaux depuis trop longtemps,
et la Revue des deux Grèces aussi!”
Penny
allait applaudir quand elle se ravisa :”Euh... choupinou... on va
les racheter avec quoi?”
Karolos
réfléchissait vite :”Va chez Cronos avec mes deux cadrans
solaires en titane, il m'en donnera un bon prix parce que je le vaux
bien”
L'ostracisé
eut un sourire revanchard, sa devise n'était-elle pas “En touto
nika” (en tout... nique) ?
(*)
Aphrodite-Kronou-Heliou: Vendredi-Samedi-Dimanche
(*)
quinquina: apéritif très très amer qui se conserve pendant cinq
ans.
(*)
Papia alysodethei: Journal appelé Volatile muselé en français.
merci à Géhem de m'avoir fait passer par ici. J'ai appris plein de trucs et j'ai bien rigolé
RépondreSupprimerBienvenue dans mon monde et merci pour ton comm
SupprimerC'est drôle ça me fait penser à des trucs mais j'arrive pas à savoir à quoi ! ; )
RépondreSupprimerCherche encore... avant qu'on n'en parle plus :)
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