Quand
j'entrai pour la première fois au club de musculation où je m'étais
inscrit par téléphone, je ne vis aucun tapis, aucun agrès ni le
moindre appareillage propre à entraîner son corps et ses muscles.
C'était
sans doute ça la surprise.
Le
patron – un dénommé Nicolaï Zygoma – m'avait parlé d'une
méthode surprenante, révolutionnaire en ricanant au téléphone
d'une façon qui m'avait intrigué et j'avais hâte d'en savoir plus.
Les
joyeux adhérents s'appelaient les Gigots Matiques, tel qu'inscrit
sur leurs tee-shirts; j'en aperçus quelques uns dont l'embonpoint faisait plaisir à voir et m'inquiétait tout à la fois.
J'en
conclus qu'ils étaient nouvellement inscrits comme moi et je suivis
le groupe vers une grande salle où nous allions transpirer pour la
première fois.
Dès
qu'il entra je reconnus le patron, moins à sa voix qu'à son rire
gras et communicatif; d'ailleurs les autres se mirent à glousser en
signe de ralliement et je me sentis obligé de me joindre à cette
basse-cour...
C'était
la première fois que je gloussais de ma vie et je dois dire qu'une
fois passée la douleur aux commissures labiales, la sensation était
plutôt agréable.
Premier
exercice pour s'échauffer: dilatation du muscle risorius.
Je
ne comprenais rien à ce terme technique jusqu'à ce que Nicolaï
explique qu'il s'agissait d'un ridicule petit muscle sans lequel le
monde entier eut été privé du sourire de la Joconde!
Pour
l'exercer on eut droit à quelques blagues sur les blondes qui ne
firent travailler que ceux qui les comprirent.
On
eut droit en prime à celle-ci: "C'est en sciant que Léonard
devint scie"... pas de quoi exploser le muscle risorius.
On
enchaîna alors sans respirer une série de cinq Bigard, un développé
de douze Semoun entrecoupé de Foresti dévastateurs!
Au
beau milieu du dernier Foresti – si tant est qu'une blague ait un
milieu – j'étais sur les rotules... enfin sur les parties
postérolatérales de l'os maxillaire, ce qui revient au même.
Les
autres n'étaient pas mieux et quand Nicolaï annonça pour finir en
apothéose un combiné de dix Elmaleh et Dubosc, certains quittèrent
la salle.
J'essayais
de faire bonne figure malgré mes larmes et une teinte lie-de-vin sur
tout le visage qui s'avéra être une réaction normale des musculus
zygomaticus minor.
Je
ne me souviens plus de la suite. Je me réveillai dans une salle de
massage où il me semble que de jolies mais expertes malaxaient mes
mâchoires et ma bouche en riant aux éclats.
C'était
sans nul doute le meilleur moment de la séance bien qu'il soit
facturé à un prix qui vous ôte définitivement l'envie de sourire.
Ce qui n'est pas mon cas ! Mon risorius était en pleine forme !
RépondreSupprimerJe m'efforce de vous l'entretenir !
Supprimerj'en connais un paquet qui devraient passer par ce club de mecu !
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