dimanche 27 août 2017

Le poisson qui dansait avec l'écrevisse

Publié sur le site MilEtUne d'après le thème:







Comme la nuit tombait, Gilles se décida à rentrer, non pas qu'il fut trouillard – il en avait vu tomber d'autres et des plus lourdes – mais il avait pour la première fois la désagréable impression que celle-ci serait la dernière.
Une meute de corbeaux déboussolés passa sur le dos en gueulant un air qui ressemblait au final de Rigoletto :"Della vendetta alfin giunge l'istante" et qu'il traduisit par "enfin le moment de la vengeance est proche"
Les veilleurs de nuit tentaient bien de chasser ces meutes à coups de canon à neige mais la neige se faisait rare tout comme les veilleurs de nuit depuis l'inflation galopante qui asphyxiait le pays autant que la centrale toute proche.



Il pressa le pas – d'abord le gauche puis le droit pour garder l'équilibre – car un brouillard à couper au laser montait rapidement de la vallée et ces corbeaux qui rigolaient en italien ne présageaient rien de bon. 
Il s'était fait surprendre par l'heure tardive en restant trop longtemps à observer sa ville grouillante et la centrale à biffetons depuis le sommet fumant de la décharge départementale. 
Depuis deux jours la nouvelle centrale brûlait des kopeks arrivés de l'Est par drones, des liasses d'un papier crasseux qui ne valaient plus rien et qui dégageaient une odeur suffocante.
Comme Gilles atteignait les premiers faubourgs – les vrais bourgs ayant été rachetés et emportés par la maffia – il croisa la meute de corbeaux asphyxiée qui rebroussait chemin – si tant est que les chemins puissent être rebroussés – en crachotant un air ancien... du Pavarotti ou du Carruso, il ne savait plus trop.
En bas, Natacha avait dû mettre les masques de nuit aux petits avant de les coucher à la cave... 
Avant qu'ils ne s'endorment elle leur aurait fredonné un des airs de son pays, Le poisson qui dansait avec l'écrevisse ou encore Je fais cuire du pain...
On avait tenté de leur expliquer ce qu'était le pain et leurs pauvres yeux rougis s'étaient illuminés d'un éclat nouveau.
Gilles emprunta le boyau étroit qu'il connaissait bien – c'était tout ce qu'il pouvait emprunter à ce jour – évitant la patrouille qui contrôlait l'accès par la Porte de la Liberté; si tout allait bien il serait bientôt auprès de Natacha et des enfants.


La nuit tomba brutalement avec le claquement sec et si caractéristique d'une AK-47






2 commentaires:

  1. Ca fout les jetons et c'est pourtant très drôle ! Ca doit être la marque de l'écrivain. On en redemande. Un vrai synopsis d'un grand film ! Brrrrr...........

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  2. Merci Anne! J'étais parti pour du comique et ça a dérapé...
    C'est pas mon genre, faut que j'me surveille! J'aime trop l'humour et jouer avec les mots

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