Publié aux Défis Du Samedi sur le thème : Numismate
J'avais
hérité de mon grand oncle Hubert d'une belle pièce montée sur la
bague de fiançailles de ma grand tante Anastazia représentant la
décapitation du grand vizir Kara
Mustapha
en 1683 sous les murs de Vienne par le sultan Ibrahim
1er; il
était grand temps de la monnayer et d'en tirer de quoi offrir à
Germaine cette suspension baroque à pampilles dont elle rêvait
depuis des lustres.
J'avise
donc le guichet d'une officine où quelqu'un avait pris soin
d'inscrire les horaires de fermeture ce qui me permet d'en déduire
les horaires d'ouverture... à moins qu'on ne nous cache un troisième
horaire.
Le
guichet est sensé ouvrir à quatorze heures et comme il est quatorze
heures et des poussières vu que le ménage laisse à désirer, je me
permets de frapper au susdit guichet.
Dans
la poussière un vieux rond-de-cuir déboule du fond de la pièce par
une porte dérobée.
On
reconnaît les portes dérobées aux espèces de vieux gonds qui la
tiennent et les vieux rond-de-cuir à leur blues rapiécé.
Celui-ci
a l'air d'avoir un sacré blues et me lance avec un fort accent turc
un "On n'est pas aux pièces!" que je rattrape au
vol.
Histoire de lui rendre la monnaie de sa pièce, je lui rétorque que s'il n'est pas aux pièces je me demande bien qui d'autre peut l'être ici.
Histoire de lui rendre la monnaie de sa pièce, je lui rétorque que s'il n'est pas aux pièces je me demande bien qui d'autre peut l'être ici.
C'est
qu'il a son franc parler le préposé, il est à l'emporte-pièce le
bachi-bouzouk !
Je
lui soumets mon bijou de famille, pièce à l'appui car mon grand
oncle Hubert ne faisait pas les choses à moitié tout comme sa
moitié... ma grand tante.
On
n'avait jamais trop aimé les pièces rapportées dans ma famille
mais cette grand tante avait du bien et du coup toute la famille
trouvait ça très bien.
Le
vieux rond-de-cuir s'empare de mes pièces, s'endort dessus un bon
moment avant d'émettre un grognement de désapprobation.
Il
a consulté ses archives dorées sur tranche, disséqué ma pièce
rapportée et mon bijou de famille... je n'aime pas me faire tripoter
!
"Ce
faux-document a été créé de toute pièce" bougonne t-il en
me rendant le certificat d'authenticité.
"Quoi
ma pièce ? Qu'est-ce qu'elle a ma pièce ?" fulmine-je.
(Oui,
je sais, ça n'est pas facile de dire fulmine-je)
"Je
constate que Kara
Mustapha n'a
pas été décapité
en
1683 par Ibrahim
1er
comme vous le prétendez" insinue le vieux débris "mais
étranglé par le fils d' Ibrahim
1er,
le sultan Mehmed
IV qui
lui succéda à l'âge de 6 ans" et il referme son foutoir et
son guichet sans se soucier des horaires de fermeture.
J'ai
envie d'en étrangler un qui n'est pas grand vizir mais le guichet
est imprenable, taillé d'une pièce dans du bois d'arbre, du tremble
ou du frêne mais surement pas du charme...
Je
trouve le lieu approprié pour le mettre en pièces, si seulement je
pouvais passer la barrière du comptoir.
Le
vieux en profite pour se dérober par la porte du même nom en
faisant geindre les espèces de vieux gonds.
Pour
la seconde fois je fulmine :"Qu'est-ce que ça peut bien foutre
que ce Mustapha
se
soit fait dessouder par
Ibrahim
ou par Mehmed ? Je vous demande la valeur de cette pièce
montée... c'est pas sorcier !"
La
porte se dérobe brutalement sous le coup d'épaule d'un sorcier
patibulaire qui vient droit sur moi.
Les
espèces de vieux gonds sont restés coi et je décide de les imiter.
Le
costaud s'empare de mon bijou et y croque un grand coup: si sa
mâchoire est d'acier, le silence est d'or mais pas ma pièce
démontée !
"C'est
du toc" aboie t-il d'une voix de mutant en me balançant ce qui
reste de mon bijou de famille: Mustapha
a
morflé, décapité pour de bon.
Ma
grand tante Anastazia nous aurait tous entôlés ?
Je
sors de l'officine en me retournant une dernière fois.
Sur
l'enseigne je peux lire "Par ici la monnaie" et en dessous
"Ibrahim & Fils depuis 1650"
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