lundi 17 décembre 2018

Nicolas Claus

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème "J'ai tué le père Noël"




Le brouillard s'était allégé mais un instant auparavant on l'aurait coupé au couteau façon pièce montée.
Le flic s'était marré en notant ce détail dans son calepin : »Et bien sûr vous n'aviez pas de couteau sur vous ? »
Très drôle. Il n'aurait plus manqué qu'il m'inculpe pour port d'arme blanche.
Par dessus son épaule je vis qu'il avait inscrit « Braillard épais » ; j'étais loin d'être tiré d'affaire.
Je décris ensuite l'incident survenu sur ma droite, je racontai le grand fracas de bois cassé et les cris sans oublier les beuglements.
Des beuglements ? Oui, il n'y avait pas de quoi se marrer, pourtant c'est ce que fit le flic en poussant quelques Humm bien imités tout en notant « Vésicule prétendument hippomobile » ; il fallait être flic pour confondre un hippopotame et un canasson cornu !

On avait trouvé des papiers sur le pauvre bougre – le conducteur, pas le canasson – un turc originaire de Turquie et nommé Nicolas Claus... même pas français.
Je dis pauvre car il devait avoir une nombreuse famille au vu des paquets qui jonchaient le carrefour, et parmi eux un coffret de chez Sephora, celui-là même que Germaine m'envoyait chercher pour son Noël et qui tombait à pic si j'ose dire.
Le flic avait cessé de rire et nota « Recel et maquillage de scène de crime »
Pour ma défense je fis remarquer que ça n'était pas un temps pour traîner dans le quartier à l'heure où les honnêtes gens font leurs dernières emplettes.
Pour l'heure le turc avait complètement fini de traîner et gisait dans ce ridicule costume qu'il avait dû voler à un père Noël...
« Vous allez en faire des malheureux » compatit le flic en refermant son calepin et il ajouta même : « Vous avez des enfants ? »

Un petit groupe de curieux s'était formé autour de nous ; je reconnus la mère Dugenou, notre concierge madame Gonzales que j'appelle Dugenou vu qu'elle est toujours à quatre pattes à astiquer l'escalier...
Dans un quart d'heure tout l'immeuble saurait que j'avais refusé la priorité à un migrant venu de l'Est – enfin, de la droite – et dans une semaine la mère Dugenou pourrait se brosser pour ses étrennes.
Deux gamines se disputaient une poupée Barbie chapardée dans la confusion tandis qu'un chien reniflait prudemment ce qui restait de comestible dans l'hippo-machin.
On s'agitait de toute part et une rumeur monta de l'essaim bourdonnant: « Il a tué le père Noël ».
C'est fou cette manie qu'ont les gens à exagérer quand ils sont en groupe ; il était temps que le flic disperse la manifestation où certains commençaient à y voir l'oeuvre de quelque gilet rouge, bonnet jaune, bermuda vert ou que sais-je encore.
D'autres voyaient dans les restes de l'hippo-machin l'occasion d'organiser un méchoui séance tenante.
C'est à cet instant que sortit de cet amas rouge sang ce que je pris pour un éternuement... le calme se fit au carrefour.
Avec les turcs je ne sais jamais si ça parle ou si ça éternue.
Celui-là n'éternuait rien d'intelligible mais je vis dans son regard pourtant orthodoxe qu'il m'en voulait personnellement.
Je profitai donc de la stupeur générale pour déguerpir dans le tas de ferraille qui me servait désormais de voiture; il était grand temps de foncer chez Séphora avant la fermeture et éviter une belle scène de ménage.
Dans son calepin le flic avait dû écrire « Débit de fuite » ou un truc comme ça mais que n'aurais-je bravé pour plaire à ma Germaine au moins une fois l'an.

3 commentaires:

  1. ouf il n'est pas mort...mais il ne passera que le 27 pour cause d'hospitalisation !

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