Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème "J'ai tué le père Noël"
Le
brouillard s'était allégé mais un instant auparavant on l'aurait
coupé au couteau façon pièce montée.
Le
flic s'était marré en notant ce détail dans son calepin : »Et
bien sûr vous n'aviez pas de couteau sur vous ? »
Très
drôle. Il n'aurait plus manqué qu'il m'inculpe pour port d'arme
blanche.
Par
dessus son épaule je vis qu'il avait inscrit « Braillard
épais » ; j'étais loin d'être tiré d'affaire.
Je
décris ensuite l'incident survenu sur ma droite, je racontai le
grand fracas de bois cassé et les cris sans oublier les beuglements.
Des
beuglements ? Oui, il n'y avait pas de quoi se marrer, pourtant
c'est ce que fit le flic en poussant quelques Humm bien imités tout
en notant « Vésicule prétendument hippomobile » ;
il fallait être flic pour confondre un hippopotame et un canasson
cornu !
On
avait trouvé des papiers sur le pauvre bougre – le conducteur, pas
le canasson – un turc originaire de Turquie et nommé Nicolas
Claus... même pas français.
Je
dis pauvre car il devait avoir une nombreuse famille au vu des
paquets qui jonchaient le carrefour, et parmi eux un coffret de chez
Sephora, celui-là même que Germaine m'envoyait chercher pour son
Noël et qui tombait à pic si j'ose dire.
Le
flic avait cessé de rire et nota « Recel et maquillage de
scène de crime »
Pour
ma défense je fis remarquer que ça n'était pas un temps pour
traîner dans le quartier à l'heure où les honnêtes gens font
leurs dernières emplettes.
Pour
l'heure le turc avait complètement fini de traîner et gisait dans
ce ridicule costume qu'il avait dû voler à un père Noël...
« Vous
allez en faire des malheureux » compatit le flic en refermant
son calepin et il ajouta même : « Vous avez des
enfants ? »
Un
petit groupe de curieux s'était formé autour de nous ; je
reconnus la mère Dugenou, notre concierge madame Gonzales que
j'appelle Dugenou vu qu'elle est toujours à quatre pattes à
astiquer l'escalier...
Dans
un quart d'heure tout l'immeuble saurait que j'avais refusé la
priorité à un migrant venu de l'Est – enfin, de la droite – et
dans une semaine la mère Dugenou pourrait se brosser pour ses
étrennes.
Deux
gamines se disputaient une poupée Barbie chapardée dans la
confusion tandis qu'un chien reniflait prudemment ce qui restait de
comestible dans l'hippo-machin.
On
s'agitait de toute part et une rumeur monta de l'essaim bourdonnant:
« Il a tué le père Noël ».
C'est
fou cette manie qu'ont les gens à exagérer quand ils sont en
groupe ; il était temps que le flic disperse la manifestation
où certains commençaient à y voir l'oeuvre de quelque gilet rouge,
bonnet jaune, bermuda vert ou que sais-je encore.
D'autres
voyaient dans les restes de l'hippo-machin l'occasion d'organiser un
méchoui séance tenante.
C'est
à cet instant que sortit de cet amas rouge sang ce que je pris pour
un éternuement... le calme se fit au carrefour.
Avec
les turcs je ne sais jamais si ça parle ou si ça éternue.
Celui-là
n'éternuait rien d'intelligible mais je vis dans son regard pourtant
orthodoxe qu'il m'en voulait personnellement.
Je
profitai donc de la stupeur générale pour déguerpir dans le tas de
ferraille qui me servait désormais de voiture; il était grand temps
de foncer chez Séphora avant la fermeture et éviter une belle scène
de ménage.
Dans
son calepin le flic avait dû écrire « Débit de fuite »
ou un truc comme ça mais que n'aurais-je bravé pour plaire à ma
Germaine au moins une fois l'an.
ouf il n'est pas mort...mais il ne passera que le 27 pour cause d'hospitalisation !
RépondreSupprimerToujours morte de rire !!!! bravo
RépondreSupprimerT'es trop gentille, Lilou !
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