mercredi 28 octobre 2009

La belle de Souzix


Concepcion naquit un beau matin de printemps parce qu'on nait  toujours un beau matin de printemps dans les contes; il fallait bien qu'elle naquisse ou bien qu'elle naquit, enfin bref... à cause de son prénom et aussi parce que sa mère Rachida était enceinte jusqu'aux dents d'un bel inconnu car les inconnus sont souvent beaux en fin de conte et au début aussi.
Qu'elle était jolie avec ses yeux doux comme du velours, ses sabots noirs et luisants comme des sabots et ses longs cheveux roux qui s'arrêtaient au bout d'un moment, si jolie qu'on aurait dit Marylin mais en rousse, bref elle était si jolie comme dans les contes et chez Alain Barrière, que dans tout le royaume d'Espagne on l'appelait la belle de Souzix à cause de son père inconnu et de ses yeux de velours.




Elle questionnait souvent son journal intime car il fallait bien qu'elle le questionnasse ou bien qu'elle le questionnât, enfin bref... comme dans tous les contes: "Journalintime, mon beau journalintime, dis-moi que je suis la plus belle et qu'un journalintime mon prince charmant viendront ou bien viendra... il sera beau comme moi, enfin pas trop moche quand même, bref... et il sera un amant très magnifique qui me fera jouir et tout et tout".

A ces mots le journal qui était intime ne se sentait plus de joie mais ne répondait jamais rien, tout comme les miroirs qui n'ont pas plus droit à la parole; elle lui remplissait ses pages car il en avait plusieurs, des prénoms les plus charmants... il y avait là Rocco, Bernardo et Zorro, non... pas Zorro, et puis aussi Rudolf et Valentino et la liste des courses de chez Aldi mais on s'en fiche.

Alors que le conte faisait déjà pas loin de vingt lignes, Rachida décida qu'il était grand temps de la marier avant que ça dépasse et aussi parce que Concepcion griffonnait son journal à en perdre l'appétito.
Rachida lui trouva un beau parti au rayon des princes charmants; on dit parti alors qu'il venait tout juste d'arriver mais c'est ainsi dans les contes; il devait s'appeler Ramon ou un truc comme ça, encore eut il fallu qu'elle le susse ou bien qu'elle le sut, enfin bref... chaque chose en son pemps comme répétait sa mère qui avait toujours du mal avec les 't'; Ramon portait bien son nom et elle en fut ravie dès qu'elle le vit et ravie au lit aussi mais dans les contes on ne le dit jamais comme ça; de toute manière Concepcion était ravie partout.
Qu'il était beau Ramon avec ses yeux doux lui aussi, sa barbiche de sous-officier et ses sabots noirs et luisants qui lui rappelaient quelque chose, enfin bref.
Il plut très fort à Concepcion, vraiment très fort pourtant c'était un beau matin de printemps et la météo était bonne sur Madrid comme on l'avait annoncé sur Telecinco, un beau jour pour se marier et c'est ce qu'ils fissent ou bien ce qu'ils firent aussitôt, enfin bref... ce fut un beau mariage et Concepcion n'en finissait pas de lire et relire la lettre du Registro Civil de la Casa de Correos de la Puerta del Sol présidence de la communauté de Madrid, enfin bref... on y lisait que Conception Souzix dite la belle de Souzix avait épousé ce beau matin de printemps confirmé par Telecinco, le beau Ramon y Ramon Delgado, tennisman, cinquante-deuxième mondial au classement ATP, enfin bref... un sacré joueur de pennis comme disait Rachida qui avait toujours du mal avec les 't'.
Elle avait mis son éternelle robe à poids Concepcion pas Rachida, les robes à poids sont éternelles dans les contes mais elle en avait retiré quelques uns pour que la robe soit plus légère et pour améliorer la soupe aux épinards comme disait si bien Rachida quand il n'y avait pas de 't'.



L'heureux élu, on dit souvent ça au début, portait sa belle veste blanche de serveur; il avait toujours été excellent au service et aussi à la volée, mais ça elle allait l'apprendre plus tard...
Comme le conte faisait largement les cinquante lignes, le jeune couple s'empressa de disparaître, c'est parfois comme ça dans les contes et puis ils en avaient plus qu'assez de ces papillons, mosquitos et autres insectes qui volaient autour d'eux à cause du beau matin de printemps et que Ramon essayait de chasser du revers de la main, enfin bref... il était moins bon au revers.


On dit qu'ils eurent heureux et furent beaucoup d'enfants ou bien le contraire, enfin bref... on le dit et c'est bien. 


 


 

lundi 26 octobre 2009

A fleur de mots


publié sur les Impromptus Littéraires




La vie s'écrème à fleur de maux,
profonds chagrins, petits bobos,
je les écris de mon style O
A fleur de mots

Point de mystère, à fleur de taire
"Mon cher Watson, élémentaire!"
j'étais en quête, la belle affaire
A fleur de terre

Je l'ai trouvée à fleur de celle
qui me voit beau, que je sais belle,
je vous l'avoue, c'est ma mancelle
A fleur de sel

Je suis verni, à fleur de pot
que ne l'ais-je connue plus tôt
car elle et moi c'est du très chaud
A fleur de peau

A corps perdu ou à fleur dos
entre désir et libido
c'est crescendo et pas piano
ni à fleur d'eau

Viens dans mon nid à fleur de toit
j'ai fait du feu, un feu de joie
pour y chauffer ton coeur qui bat
A fleur de toi

samedi 24 octobre 2009

L'Invincible lève l'encre

publié sur Défi du Samedi


J'avais bien dit à Jeannot qu'à trois là-dessus on n'irait pas au bout... L'Invincible avait pourtant fière allure quand, après s'être jetés à l'eau à l'écluse de Suresnes on a mis le cap sur l'île Seguin en longeant l'hippodrome de Longchamp.
Il avait tellement insisté pour qu'on emmène Sophie que j'en venais à me demander s'il n'y avait pas une histoire de touche-pipi entre eux, mais il avait prétexté son sens inné de l'orientation (elle descendait d'une grande famille de chauffeurs de bus) et le fait qu'elle ne pesait pas bien lourd.
Pour sûr qu'avec son minois de musaraigne et ses cuisses de sauterelle, elle ne faisait pas le poids au regard des tonnes de hamburgers que Jeannot avait tenu à embarquer en prévision du Grand Nord !
En fait de nord on allait à contre courant vers le sud mais Jeannot ne voulut rien entendre, préférant boire comme du petit lait les affirmations langoureuses de la sauterelle!
Et quand j'avais osé faire remarquer qu'on barbotait plus dans l'eau de l'Yonne que dans celle de la Seine, il m'avait traité de renégat et définitivement tourné le dos ce qui le mit en position idéale pour naviguer à vue sur les cuisses nues de la sauterelle...
Je ne voyais que le bleu des sous-mains 'La vache qui rit' constituant la proue de l'Invincible qui commençaient à se diluer dans les eaux de l'Yonne ou de la Seine, signe évident d'un naufrage annoncé, mais je me gardai bien d'en référer au couple infernal et me contentai de cramponner le feutre Bic qui nous servait de grand mât.
C'est à cet instant que le phénomène qui allait bouleverser notre vie se produisit: d'un seul coup d'un seul les couleurs et les bruits environnants disparurent, il n'y eut plus ni le clapotis régulier des vagues ni le bleu métallique du fleuve comme si au bord d'une vertigineuse falaise blanche notre vaisseau plongeait vers le néant.
Je compris soudain qu'à contre-sens sur le Grand Livre de la Navigation Fluviale, nous venions de sauter d'une page bleue à la page de garde où rien d'autre n'existait qu'un blanc immaculé, vierge de toute préface, de tout autographe et terriblement silencieux.

J'ignorais que nous venions de passer le tant redouté "pot-au-blanc", terreur des marins d'encriers et des pilotes de lignes; les ordres que me lançaient mes deux compères enlacés à la proue du navire m'inquiétaient plus qu'ils ne me rassuraient.
Privé de repères, l'Invincible tournoyait sur lui-même... au moins ne risquions-nous pas, du moins pour l'instant de remonter jusqu'à la couverture et peut-être disparaître de l'histoire à tout jamais.
"Jette l'encre! Jette l'encre!" me criaient-ils... "c'est notre seule chance"
En jetant par dessus bord toute notre réserve d'encre bleue, nous pouvions créer une vague capable de nous remettre à flot... mais quand j'attrapai le vieux Waterman de mon aïeul, je constatai avec effroi qu'il souffrait d'incontinence depuis belle lurette et qu'il était vide!
J'aurais plutôt volontiers jeté l'éponge mais nous n'en avions pas emporté, à part les foutus hamburgers de Jeannot... je me contentai d'un sarcastique "Arpète au rapport, Amiral: Plus d'encre à bord!"
L'heure était au branlebas de combat, mais contre qui? L'Amiral avait le couillonomètre à zéro, la sauterelle balisait et je ne voyais aucun moyen d'arrêter cette toupie infernale.
Au plus fort de ma réflexion une voix trop familière cloua tout l'équipage sur place:
"Jeannot, Sophie et Claude... lorsque vous aurez terminé vos simagrées sous vos pupitres, vous prendrez la porte avec un rapport de chez Monsieur Vaudois!"
Et elle ajouta: "Que ce soit bien clair... entre vous et moi", mais ça, on le savait déjà.


 

lundi 19 octobre 2009

Swinging in autumn





Au milieu d'un Pré vert je les ai aperçues
ocres, ratatinées, victimes des frimas,
j'ai relevé le col de mon vieux pardessus
je frissonnais comme elles, l'automne était bien là.

Et dans le bruit du ven...démiaire ça jouait
peut-être Grappelli, Davis ou Nat King Cole
le batteur invisible agitait ses balais,
déroulant le tapis d'un orchestre agricole.

Ce n'était pas du chêne, peut-être du bouleau
derrière moi ça chantait du Piaf ou du Gréco,
ça parlait de ces trucs qu'on ramass' à la pelle
quand l'été est fini, et qu'on met en poubelle.

J'ai sauvé quelques feuilles comme on garde un trésor
avant que le malin ne souffle bien plus fort,
le vent tourbillonnant poussait sa chansonnette
jusqu'à l'ultime feuille, allez Keith... Jarrett.

samedi 17 octobre 2009

Effet de serre


publié sur Défi du Samedi le 17-10-09 sur le thème:
Retrouver le texte perdu dont il ne reste que les questions de l'institutrice:


Qu’est-il arrivé à Sophie ?
Pourquoi pareille mésaventure lui arrive-t-elle ?
Quelles qualités lui manquent encore ?
Comment nommer l’attitude de François ?
Que prouve la dernière phrase ?
 
 

Echevelé et les joues cramoisies, Paul entra en courant dans le petit salon:
"Où qu'elle est encor' ma zinecou?"
La comtesse leva un oeil, visa l'importun et lui balança sa souris sans fil en signe d'agacement.
"Plait-il François?"
Elle l'avait toujours appelé François et Paul avait renoncé depuis belle heurette à lui en faire la remarque.
Le ton sec, marque de fabrique des Segur, l'obligea à rectifier son langage... la vioque était autant intransigeante sur le langage que perverse pour les punitions, surtout quand on osait l'interrompre dans la rédaction de son blog.
"Qu'est-il arrivé à ma cousine Sophie?"

La Rostopchine, comme l'avait surnommée Paul eut un rire féroce et, comme elle se levait brusquement pour récupérer sa souris, il entreprit un recul stratégique en direction de la porte.







"Approchez jeune homme, au lieu de prendre exemple sur mes petites-filles Camille et Madeleine dont le comportement irréprochable fait le succès de mes romans, cette gourgandine de malheur en a encore réussi une bonne en m'inscrivant à mon insu à la Nouvelle Star, ce qui lui vaut aujourd'hui sa vingt cinquième punition du mois... et nous ne sommes que le 17!"
"Mais Rosto... euh... comtesse qu'elle va r'venir?"
La souris sans fil qui avait reprit sa place dans le creux chaud de l'illustre paume faillit reprendre son vol:
"Et bien lorsque cette insolente aura réparé son ignominie et recopié cinq fois sans aucune erreur le texte officiel du Grenelle de l'environnement relatif à la contribution climat-énergie plus vulgairement appelée taxe carbone, nous songerons à lui rendre un semblant de liberté"

François-Paul avait failli s'endormir à taxe carbone, mais le mot liberté le fit sortir de sa torpeur.
La sexagénaire n'avait pas son pareil pour construire des phrases alambiquées et Paul allait renoncer à chercher un quelconque rapport entre une émission télévisée et celle des gaz à effet de serre.
Mais qu'avait-elle voulu dire par lui rendre sa liberté? Où l'avait-elle séquestrée?

A la cave? Dans la serre?  
La serre... oui, elle avait suggéré l'effet de serre... Trop cool, ça déchire!
A nous deux et si on peut squatter la photocopieuse on aura vite fait d'éponger la punition et après on s'casse et à nous la teuf!  

jeudi 15 octobre 2009

Tour de France 2013: ça se corse




Bastia 15heures59: Boulevard Paoli
 
T: "Avà! Pasquale... Qu'est ce que tu fais là en plein soleil comme un fada?"
P: "Hé... la même chose que toi Tino, j'attends le passage des derniers"

T: "Oh tu sais, c'est pas les coureurs qui m'intéressent... j'attends que la caravane repasse; j'ai pas réussi à avoir la casquette SNCM au premier coup"
P: "Mais comment tu veux qu'elle passe, Tino? Elle est déjà passée à 11 heures!!"
T: "Oui mais elle est tellement longue que quand elle aura fini le tour de l'île elle va bien être obligée de refaire un tour"
P: "C'est toi le fada, Tino... y en a plus de la moitié qui s'arrêt'ra à la paillotte chez Francis pour boire un Cap"

T: "En tout cas j'ai promis de ramener une casquette à Renata"
P: "Renata... Renata... la serveuse du bar de la Citadelle?"
T: "Oui, la petite brune aux yeux noirs"
P: "Mais elles sont toutes brunes aux yeux noirs!"
T: "Sauf que Renata, elle est serveuse au bar de la Citadelle"
P: "Cette carugnaccia? Cette garce qu'a l'feu au cul depuis qu'tous les pinzuti ont débarqué! Elle a pas besoin de toi pour choper une casquette et tout le reste!! C'est pas une caravane qui lui fera peur à celle-là"
(Soupir)
T: "T'énerve pas Pasquale, tu vas prendre un coup de chaud"
P: "Tiens on dirait qu'les derniers vont passer... y z'auront mis une heure quand moi j'mets la journée pour faire L'île Rousse-Bastia, et encore par temps couvert"
T: "Ca m'étonnerait... tôt ce matin, on leur a semé quelques pinàcula histoire de crever les pneus, comme ça on aura tout le temps de les voir passer à la fraîche"
P: "Toi Tino, t'étais levé tôt ce matin? T'es vraiment un fêlé du Tour de France! Tiens, alors tu dois savoir ça toi: avant le départ y parait qu'on on a trouvé plein de seringues"
T: "Non! Où ça??"
Pasquale éclate d'un rire énorme: "Ben, aux aiguilles de Bavella!!!"






 

 T: "Ah c'est malin! , tu pourrais avoir un petit peu de respect pour le Centenaire du Tour, Pasquale"
P: "Oh Tino! Tu comprend plus la risatta! Si on peut plus te macagner sans que tu t'énerves... Tiens, je crois que voilà la caravane qui repasse avec ta casquette, Ha Ha Ha!!"
T: "A mon tour de te poser une colle, fada: tu sais pourquoi cette année le Tour parcourt la France dans le sens contraire des aiguilles d'une montre?"
P: "Elle est corsée ta question, Tino, et pis je porte jamais d'montre Hi Hi!"
T: "Et ben c'est pour pas user les pneus de la caravane toujours du même côté..."

(Soupir)  un ange passe... Ange Santini, le patron du bar de la Citadelle: "Salute...Z'avez pas vu Renata?"
P: "Ni Renata, ni sa casquette..."
Ange: "Déconnez pas les amici, j'en ai besoin au bar pour un cocktail spécial... un stragnu avec un nom bizarre qui insiste pour boire un truc compliqué"
T: "Et y s'appelle comment ton stragnu?"
Ange: "Ange Amtrongue, un truc comme ça"
(Soupir)
P: "Tu vois Tino, ce que j'aime dans tout ça, c'est l'après-Tour... on va pouvoir reprendre un rythme de vie normal" 
 




lundi 5 octobre 2009

Bac de noeuds


publié sur Les Impromptus Littéraires le 5-10-09



Quand tout fut essoré, compressé, tortillé
j'ai vidé la bassine, étendu tous les draps,
extirpant une à une d'un énorme fatras
les voiles immaculées des bateaux de Morphée.

Et au creux du vieux zinc comme au fond d'une cale
j'ai trouvé des trésors, des gouttes de rosée
un bisou de maman posé sur l'oreiller,
comme un ruban soyeux, cordon ombilical.

Un truc un peu sucré qu'un gourmand endormi
avait abandonné, bonbon ou sucrerie,
et que ni mon Ariel ni la Mère Denis
combinant leurs efforts n'avaient anéanti.

Il y avait aussi le sable de la grève,
des grains de souvenir aux effluves marines
de ceux qui sont censés enrayer la machine
et qui sont encore là pour prolonger le rêve;
et un bout de papier impromptu, arraché
d'un texte que j'avais prévu de publier.

Je n'aurais jamais cru trouver tant de trésors
tant de cheveux ténus et de marques d'amour;
je m'en vais surveiller le philtre et la vie d'ange
avant que j'y retrouve un jour un truc étrange,
un morceau d'abat-jour, la courroie du tambour
le dentier du pépé, la dent du dinosaure...