J'écris sous la torture et ça me plait. Parce que j'aime les contraintes, parce que "même grasse, la risette du Mans n'a jamais fait de mal à personne" et parce que "Ne rien dire, nuit gravement à la santé"
samedi 28 janvier 2012
Shadows
S'il vous prenait un jour l'idée de vouloir dialoguer avec une ombre, regardez-y à deux fois ou mieux, éclipsez-vous!
Alors qu'il la crée, c'est sans l'ombre d'un doute
que jamais, non jamais le soleil ne la voit
Comme j'allais poursuivre mon quatrain il me sembla que la lumière baissait mais je mis cela sur le compte de ma sieste manquée et surtout d'un repas trop arrosé de Jasnières.
Le bout du quatrain me démangeait les doigts et je m'exécutai en écarquillant les yeux sur ma page moins blanche.
un hypocondriaque Michel Blanc y marcha
la guitare à la main, baroudeur en déroute
La page était redevenue blanche comme si une ombre était passée l'espace de deux verres vers. Rien dans le ciel d'un bleu éclatant ne justifiait cette obscurité aussi subite que fugitive, pas plus d'avion furtif que de vol d'étourneaux, mais l'illusion d'un Clong de guitare désaccordée et une voix qui me sembla dire "J'ai du mal à parler parce que j'ai les dents qui poussent".
Apprenez que lorsque j'écris je m'attends à tout - même à des facéties de mes personnages - et il en faut bien plus que ça pour m'impressionner aussi attaquai-je le second quatrain, Jasnières ou pas.
Quand Proust y dépeignait de jeunes filles en fleurs
Cette fois le doute n'était plus permis et des silhouettes sombres envahirent ma page au point que je n'y distinguais plus mes écrits.
Je levai la tête à nouveau vers le ciel éclatant de soleil où rien n'expliquait ce phénomène! Une ombre venue de nulle part s'invitait au gré de l'écriture et troublait ma rime en fleurs.
Je décidai d'attendre qu'elle disparaisse - ce qu'elle fit après quelques minutes - le temps pour moi d'imaginer autre chose qui finissait en... l'armée des résistants.
J'avais même la rime pour le vers suivant... noires tractions-avant
mais je n'eus pas le temps de démarrer qu'une sinistre croix des plus opaques s'invitait sur ma feuille! Cette fois-ci elle avait la voix de Ventura ou peut-être celle de Meurisse, je ne saurais dire tant j'étais ébahi. En tout cas ça disait "Au revoir camarade".
J'hésitai à répondre mais l'ombre mourrait déjà en pétaradant.
Je suis d'un naturel optimiste et si d'autres nuages devaient continuer à assombrir mon oeuvre, je préférais traiter des sujets plus légers.
J'hésitai entre les Pi ying du théâtre chinois et un brave cadran solaire provençal et comme je n'arrivais pas à me décider il ne se passa rien, tellement rien que je constatai avec effarement que mon Waterman posé verticalement sur la page blanche ne créait aucune ombre portée.
Autant je pouvais imaginer une vie sans soleil mais une vie sans ombre m'était insupportable au point que je n'osai regarder derrière moi. Il m'en fallait une, et vite! Peu importait à quoi elle ressemblerait.
Au diable les Pi ying et les maîtres cadraniers il me fallait trouver une idée dans la seconde, plus vite que... oui, c'est ça, Lucky Luke!
Sans prendre le temps de compter les pieds et sans même m'avoir consulté, mon Waterman avait craché cette célèbre salve "I'm a poor lonesome cow-boy" .
J'allais devoir supporter l'ombre d'un tueur jusqu'à ce que j'aie trouvé une rime en "boy"! Damned!
Une détonation m'explosa les oreilles et je basculai en arrière tandis qu'un immense nuage noir obscurcissait ma vue...
jeudi 26 janvier 2012
Deux pour le prix d'une
Publié sur MotImageCitation
"Alors Ouatson, y s'est mis à table?"
"Presque, inspecteur. Vous connaissez ma patience. J'ai senti qu'il allait bientôt craquer quand je lui ai mis la tête devant votre grosse lampe pour l'intimider"
"Quelle grosse lampe?"
"Vous savez bien chef! Celle qui est au dessus de la porte de votre bureau. On s'était cotisés pour vous l'offrir le jour où vous avez eu la promotion. Celle qu'est à économie d'énergie, chef. Celle qui nous a coûté un..."
"Ca va bien, Ouatson. Ca va bien!"
"Vous connaissez ma patience, chef. Après une longueur de temps d'interrogatoire je lui ai demandé d'ôter ses lunettes noires. Et ben vous devinerez jamais inspecteur... il en avait deux!"
La Bavure se garda bien de demander combien durait une longueur de temps, de peur d'y passer la nuit.
"Hum Ouatson! Habituellement on dit pas deux lunettes mais une paire de lunettes, à moins qu'vous lui ayez cassé sa monture"
"Non inspecteur! Il en avait deux... deux paires de lunettes. Même qu'il a fini par avouer les avoir achetées chez Gafelou où on en a deux pour le prix d'une!"
"Je sais ça Ouatson, je sais tout ça. D'ailleurs c'est pas Gafelou, c'est Alefou. Et ensuite il a craché le morceau?"
"Attendez chef, il en avait aussi une troisième paire et ça aurait pu m'énerver mais vous connaissez ma patience, chef. J'ai fini par lui faire dire que maintenant chez Gafelou on en a trois pour le même prix!"
"Abrégez Ouatson! Il avait quand même pas toute la vitrine sur le nez ?"
"Non chef! Dessous il avait bien ses deux yeux, comme vous et moi et on voyait bien qu'il était pas aveugle..."
"Très clair Ouatson, vous êtes de plus en plus clair. Et alors?"
"Et ben chef j'ai maintenant un doute sur ses oreilles"
"Ses oreilles? C'est quoi ça encore? Vous allez pas m'faire le coût des deux prothèses auditives pour l'prix d'une?"
"Vous connaissez ma patience, chef. Je vais y aller doucement pour ne pas le fermer comme une huître, mais à défaut d'être aveugle je me demande s'il ne serait pas sourd..."
"Ouatson! Vous allez me lui déboucher les esgourdes sur le champ! MA patience à MOI a des limites!"
"D'ac inspecteur mais vous savez, la force et la rage c'est pas bon dans notre métier et il vaut mieux..."
"Suffit Ouatson! J'en ai soupé d'vos symboles et d'vos citations de deuxième classe"
"Euh... pourtant inspecteur, celle-là est d'un mec qui buvait de l'eau, alors on peut lui faire confiance..."
(Soupir)
"Alors Ouatson, y s'est mis à table?"
"Presque, inspecteur. Vous connaissez ma patience. J'ai senti qu'il allait bientôt craquer quand je lui ai mis la tête devant votre grosse lampe pour l'intimider"
"Quelle grosse lampe?"
"Vous savez bien chef! Celle qui est au dessus de la porte de votre bureau. On s'était cotisés pour vous l'offrir le jour où vous avez eu la promotion. Celle qu'est à économie d'énergie, chef. Celle qui nous a coûté un..."
"Ca va bien, Ouatson. Ca va bien!"
"Vous connaissez ma patience, chef. Après une longueur de temps d'interrogatoire je lui ai demandé d'ôter ses lunettes noires. Et ben vous devinerez jamais inspecteur... il en avait deux!"
La Bavure se garda bien de demander combien durait une longueur de temps, de peur d'y passer la nuit.
"Hum Ouatson! Habituellement on dit pas deux lunettes mais une paire de lunettes, à moins qu'vous lui ayez cassé sa monture"
"Non inspecteur! Il en avait deux... deux paires de lunettes. Même qu'il a fini par avouer les avoir achetées chez Gafelou où on en a deux pour le prix d'une!"
"Je sais ça Ouatson, je sais tout ça. D'ailleurs c'est pas Gafelou, c'est Alefou. Et ensuite il a craché le morceau?"
"Attendez chef, il en avait aussi une troisième paire et ça aurait pu m'énerver mais vous connaissez ma patience, chef. J'ai fini par lui faire dire que maintenant chez Gafelou on en a trois pour le même prix!"
"Abrégez Ouatson! Il avait quand même pas toute la vitrine sur le nez ?"
"Non chef! Dessous il avait bien ses deux yeux, comme vous et moi et on voyait bien qu'il était pas aveugle..."
"Très clair Ouatson, vous êtes de plus en plus clair. Et alors?"
"Et ben chef j'ai maintenant un doute sur ses oreilles"
"Ses oreilles? C'est quoi ça encore? Vous allez pas m'faire le coût des deux prothèses auditives pour l'prix d'une?"
"Vous connaissez ma patience, chef. Je vais y aller doucement pour ne pas le fermer comme une huître, mais à défaut d'être aveugle je me demande s'il ne serait pas sourd..."
"Ouatson! Vous allez me lui déboucher les esgourdes sur le champ! MA patience à MOI a des limites!"
"D'ac inspecteur mais vous savez, la force et la rage c'est pas bon dans notre métier et il vaut mieux..."
"Suffit Ouatson! J'en ai soupé d'vos symboles et d'vos citations de deuxième classe"
"Euh... pourtant inspecteur, celle-là est d'un mec qui buvait de l'eau, alors on peut lui faire confiance..."
(Soupir)
samedi 21 janvier 2012
Insomnia
La nuit, lorsque vous ne dormez pas, que faites-vous ?
Les Défis Du Samedi ont parfois des questions bien indiscrètes mais j'aime trop parler de moi pour me défiler
Quand de l'autre côté de longues insomnies
de belles rimes en ni je cherche l'harmonie
des agnelles en chaleur sèment la zizanie
en sautant dans mon nid en nombre indéfini.
Je me vois en Bélier, séducteur de génie
les faisant chevroter en stéréophonie
pour finir en méchoui dans un cri d'agonie
mais je suis un Scorpion, comble de l'ironie.
De cornes je n'ai point mais un dard racorni,
pas de quoi rassasier cette nymphomanie,
cette nuée d'ovins transformés en ovnis.
Tapissant mon plafond en décalcomanies,
je crois les voir brûler tel papier d'Arménie
ou bien ce sont mes yeux lourds de monotonie
lundi 16 janvier 2012
Message du passé... simple
A partir de cinq mots énigmatiques, étoffés de nombreux témoignages recueillis sur le terrain, j'ai pu reconstituer cet
émouvant épisode d'un passé à la fois simple et compliqué.
Publié aux Impromptus Littéraires avec l'aimable autorisation de moi-même
Anoux-La-Motte, le 12 juillet 1947
Très cher John - alias Mac Aaron,
Je caresse l'espoir - à défaut d'autre chose - d'une infime chance que vous reveniez un jour dans ce qui fut le théâtre de notre merveilleuse aventure et où je cache aujourd'hui cet aveu.
Tant d'années ont passé depuis cette magique nuit du 15 août où, tandis que la vierge Marie montait au ciel - comme chaque 15 août - vous vous empalâtes, votre parachute et vous sur la pointe impitoyable de notre petit nid d'amour, ayant confusément pris pour signal mon pauvre lumignon! (Sorry)
Pour une fois que mes anglais débarquaient dans la joie, je vous recueillis, vous soignai et je mis tant d'empressement à vous remettre sur pied que votre blessure ne fut bientôt plus qu'un croustillant sujet de plaisanterie entre nous.
Vous me mîtes au parfum (naphtaline), vous disant agent double et je l'ai cru sans peine car dans nos torrides ébats, j'ai toujours pensé que vous étiez plusieurs.
Quelle idée saugrenue d'avoir choisi macaroon comme nom de guerre! Je vous avais bien vite rebaptisé croquembouche et vous ne vous en plaignîtes jamais, bien au contraire, vous le revendichat revendiquâtes même.
De la Force Rugby de votre général Frederick, je ne me souviens que de nos ardentes mêlées et de vos essais brillamment transformés.
Quand j'y repense aujourd'hui ma gorge me manque et les mots se serrent, à moins que ce ne soit l'inverse :
Vous aimiez mon accent et mes alexandrins,
moi votre torse roux et votre beau man...
vous m'apprîtes vos mots et le nec-plus-ultra
tant de pages cornées dans le kama-su...
Nus, sous le firmament on criait "Fuck the war"
et bien qu'il fut trop tôt pour compter vous ass...
à force d'inventer, des merveilles vous fîtes
pour moi c'était le pied, pour nous deux c'était ...
Plus tard ont débarqué les fruits de nos folies que j'ai baptisé Brian et Helmut et qui ignorent tout de vous puisque j'ai consenti à faire voeu de silence.
Cependant je n'ai jamais juré de ne pas écrire... c'est aujourd'hui chose toit faîte!
Votre petite provençale
P.S: Le passé simple n'étant pas aussi simple qu'on veut bien le faire croire, je joins ici un petit lexique à usage des non francophones:
- empalâtes: même au passé, vient du verbe empaler
- mîtes: lépidoptères à chapeau chinois
- revendiquâtes: (franglais) se dit après avoir revendu le chat
- fîtes: du verbe "faire des pieds" mais pas des mains
Publié aux Impromptus Littéraires avec l'aimable autorisation de moi-même
Anoux-La-Motte, le 12 juillet 1947
Très cher John - alias Mac Aaron,
Je caresse l'espoir - à défaut d'autre chose - d'une infime chance que vous reveniez un jour dans ce qui fut le théâtre de notre merveilleuse aventure et où je cache aujourd'hui cet aveu.
Tant d'années ont passé depuis cette magique nuit du 15 août où, tandis que la vierge Marie montait au ciel - comme chaque 15 août - vous vous empalâtes, votre parachute et vous sur la pointe impitoyable de notre petit nid d'amour, ayant confusément pris pour signal mon pauvre lumignon! (Sorry)
Pour une fois que mes anglais débarquaient dans la joie, je vous recueillis, vous soignai et je mis tant d'empressement à vous remettre sur pied que votre blessure ne fut bientôt plus qu'un croustillant sujet de plaisanterie entre nous.
Vous me mîtes au parfum (naphtaline), vous disant agent double et je l'ai cru sans peine car dans nos torrides ébats, j'ai toujours pensé que vous étiez plusieurs.
Quelle idée saugrenue d'avoir choisi macaroon comme nom de guerre! Je vous avais bien vite rebaptisé croquembouche et vous ne vous en plaignîtes jamais, bien au contraire, vous le revendichat revendiquâtes même.
De la Force Rugby de votre général Frederick, je ne me souviens que de nos ardentes mêlées et de vos essais brillamment transformés.
Quand j'y repense aujourd'hui ma gorge me manque et les mots se serrent, à moins que ce ne soit l'inverse :
Vous aimiez mon accent et mes alexandrins,
moi votre torse roux et votre beau man...
vous m'apprîtes vos mots et le nec-plus-ultra
tant de pages cornées dans le kama-su...
Nus, sous le firmament on criait "Fuck the war"
et bien qu'il fut trop tôt pour compter vous ass...
à force d'inventer, des merveilles vous fîtes
pour moi c'était le pied, pour nous deux c'était ...
Plus tard ont débarqué les fruits de nos folies que j'ai baptisé Brian et Helmut et qui ignorent tout de vous puisque j'ai consenti à faire voeu de silence.
Cependant je n'ai jamais juré de ne pas écrire... c'est aujourd'hui chose toit faîte!
Votre petite provençale
P.S: Le passé simple n'étant pas aussi simple qu'on veut bien le faire croire, je joins ici un petit lexique à usage des non francophones:
- empalâtes: même au passé, vient du verbe empaler
- mîtes: lépidoptères à chapeau chinois
- revendiquâtes: (franglais) se dit après avoir revendu le chat
- fîtes: du verbe "faire des pieds" mais pas des mains
mardi 10 janvier 2012
Ceux du château
Publié sur le site MotImageCitation d'après l'oeuvre de Romero de Torres
C'était un matin radieux - sans doute le plus radieux de la terre - un de ces matins où les yeux fatigués par une nuit agitée n'en peuvent déjà plus de cette blancheur omniprésente qui rend tout beau, jusqu'à mon pauvre logis.
Comme une apparition divine elle se tenait, fragile et forte à la fois, appuyée au chambranle de la porte dans une robe simple et sage de batiste blanche à col montant et large volant bleu, et j'ignore comment j'ai pu mémoriser ces détails tant son regard me captivait.
Assise sur le seuil, sa gamine avait le même regard mais en plus triste.
Dans la vallée on disait que celle-là était du facteur mais je n'ai jamais fait cas des ragots du village et avec les mêmes yeux que sa mère, les mêmes cheveux indisciplinés elle ne ressemblait à aucun des postiers moustachus du canton.
Ma déesse n'a pas eu besoin de parler et son joli pied engagé sur le carreau semblait dire "Me voici et je reste"... et elle allait rester.
Les cheveux rebelles enfermés dans un chignon monté à la hâte accentuaient l'ovale parfait de son visage et lui donnaient une blancheur et une grâce incomparables.
D'ailleurs comment aurait-elle pu parler? Sa voix était morte dans sa gorge le jour où le vieux Almodovar avait cogné un peu trop fort.
Comme j'osais demander "C'est tout ce que tu apportes?", elle prit contre elle le petit dernier et elle le serrait si fort contre son sein que j'enviai aussitôt sa place.
On racontait que celui-là était "du château" mais tout ce qui venait "du château" m'importait peu à part elle depuis que les nouveaux bourgeois s'y étaient établis à la mort du tyran, jetant sur la route cette mauvaise fille.
Les gosses, c'est pas ce qui m'enchantait le plus, j'aurais préféré la prendre seule, l'avoir rien qu'à moi mais leurs regards à tous les trois ne me laissaient aucun choix.
Je n'avais rien et eux encore moins, ce qui faisait peu à nous quatre mais la carrée inondée de soleil leur offrait déjà ses ors riches et chatoyants.
A mes pieds les trois chats ronronnaient de plaisir.
Le petit dernier n'a pas eu besoin de sourire, et la gamine pas besoin de m'implorer plus longtemps... ma déesse n'a eu qu'à pousser un peu plus son joli pied sur le sol, balayant dans ce gracieux mouvement le volant bleu de sa robe et tous mes préjugés.
"Pourquoi m'avoir choisi, moi?"
Je ne sais si je l'ai dit ou pensé très fort mais j'avais ma réponse dans ses yeux, dans ce même regard qui m'envoutait lorsque j'offrais des fruits aux gamins quand d'autres leur lançaient pierres et crachats.
lundi 9 janvier 2012
Le château des poireaux
publié aux Impromptus Littéraires d'après l'image ci-dessous
Quand je pense à ma chère tour pointue, celle qui encore aujourd'hui garde l'angle nord de la propriété familiale et toute ma gratitude, je ne peux m'empêcher d'évoquer les merveilleuses vacances qu'elle nous procura.
De loin, sa couverture de tuiles romaines lui donnait des airs de tour génoise mais nous l'avions dès le premier instant baptisée château.
Au souvenir de ses tuiles canal en terre cuite, j'entends encore les confidences de grand-père affirmant - l'oeil goguenard - qu'elles avaient été moulées sur la cuisse des femmes et je revis à l'instant où je l'écris ce trouble qui empourprait nos trognes juvéniles.
Au sommet du château, la pointe vernissée d'un beau vert 'poireau' devait se voir depuis le village car c'est ainsi que les gosses nous avaient baptisés... les poireaux.
De part et d'autre de notre tour, la courtine faite de murets bas nous protégeait à la fois des mulots, des gorgones et autres monstres malfaisants tout en permettant le guet sur les collines avoisinantes.
Le guet était revenu de plein droit à petit Pierre ce qui me laissait tout loisir de courtiser Bérangère dont le prénom usuel Elvire m'agaçait au plus haut point.
Notre tante affirmait que Bérangère avait poussé trop vite, ce que je démens formellement puisque mon regard arrivait juste à hauteur de sa poitrine naissante et c'était bien ainsi.
Revenons au château...
Une fois poussé le lourd battant armé de clous forgés on plongeait dans l'ombre complice de l'unique pièce qui nous servait selon nos jeux, de salle du trône, de sinistre prison ou de dortoir.
Par le plus grand des hasards, petit Pierre goûtait surtout la prison tandis que Bérangère et Moi profitions des fastes de la salle du trône et du dortoir au rythme des nombreuses cérémonies de couronnement et des non moins nombreuses siestes que l'on disait sages.
C'est là qu'aux plus chaudes heures de l'été, dans la musique entêtante des cigales nous nous 'apprenions' du bout des doigts jusqu'à ce que notre guetteur - juché sur son muret et en proie à quelque mirage de chaleur - pousse son cri d'alarme d'une puissante voix de fausset.
J'entends encore ses "Ennemis en vue!!" qui nous faisaient tressaillir et nous ramenaient à nos dures responsabilités seigneuriales.
Le seul fenestron percé dans le mur servait de meurtrière, indispensable pour repousser l'ennemi et nous y avons jeté tant de moellons, cailloux, fers à cheval et autres projectiles que chaque été le jardinier du domaine rendait son tablier pour prendre ses jambes à son cou.
Et encore, on voue ici un tel culte à l'huile d'olive qu'il ne nous était jamais venu à l'idée de la faire bouillir!
Etendus à plat dos sur le sol frais, notre regard embrassait l'enchevêtrement en fausse-voûte du plafond charpenté où poutraison, voliges et liteaux offraient le gîte à une horrible colonie d'araignées pholcidae dont les toiles étaient autant de draperies diaphanes.
Bien avant l'invention de l'air conditionné, l'architecte des lieux avait eu l'idée d'installer un puits provençal dont la canalisation souterraine nous apportait une fraîcheur toute relative et plus surement de petits crapauds que je combattais vaillamment sous le regard reconnaissant de ma reine.
Comme par magie, à l'heure où le clocher de la vallée sonnait vêpres, les rayons du soleil traversaient le fenestron pour éclairer un trou de boulin sur le mur opposé. C'était Notre niche où Bérangère et Moi entassions chaque année nombre de trésors et de prises de guerre plus précieux les uns que les autres : gratte-cul, appeaux, sachets de lavande et tabac à chiquer.
Petit Pierre ayant interdiction d'y mettre le nez ou même d'y jeter le moindre regard, il connut la prison plus souvent qu'à son tour!
Sommairement saucissonné au moyen d'une pelote de laine chapardée à mamie, il était mis aux fers ou plus simplement couché sur l'étroite et rugueuse paillasse tandis que ma reine et Moi batifolions aux jardins.
Ce qu'on appelait les jardins se limitait à de maigres carrés cernés de pierres plates où vivotaient thym, lavande et basilic mais ils embaumaient tant qu'on s'y rendait les yeux fermés sans s'y être jamais couronné les genoux.
Après tant d'années notre trésor a été dilapidé, petit Pierre a grandi et sillonne les mers tandis que Bérangère redevenue Elvire règne sur cinq marmots au fin fond du Montana, loin très loin du trône où Moi roi des poireaux, je déposais à ses pieds poèmes enflammés et cerises confites.
Quand je pense à ma chère tour pointue, celle qui encore aujourd'hui garde l'angle nord de la propriété familiale et toute ma gratitude, je ne peux m'empêcher d'évoquer les merveilleuses vacances qu'elle nous procura.
De loin, sa couverture de tuiles romaines lui donnait des airs de tour génoise mais nous l'avions dès le premier instant baptisée château.
Au souvenir de ses tuiles canal en terre cuite, j'entends encore les confidences de grand-père affirmant - l'oeil goguenard - qu'elles avaient été moulées sur la cuisse des femmes et je revis à l'instant où je l'écris ce trouble qui empourprait nos trognes juvéniles.
Au sommet du château, la pointe vernissée d'un beau vert 'poireau' devait se voir depuis le village car c'est ainsi que les gosses nous avaient baptisés... les poireaux.
De part et d'autre de notre tour, la courtine faite de murets bas nous protégeait à la fois des mulots, des gorgones et autres monstres malfaisants tout en permettant le guet sur les collines avoisinantes.
Le guet était revenu de plein droit à petit Pierre ce qui me laissait tout loisir de courtiser Bérangère dont le prénom usuel Elvire m'agaçait au plus haut point.
Notre tante affirmait que Bérangère avait poussé trop vite, ce que je démens formellement puisque mon regard arrivait juste à hauteur de sa poitrine naissante et c'était bien ainsi.
Revenons au château...
Une fois poussé le lourd battant armé de clous forgés on plongeait dans l'ombre complice de l'unique pièce qui nous servait selon nos jeux, de salle du trône, de sinistre prison ou de dortoir.
Par le plus grand des hasards, petit Pierre goûtait surtout la prison tandis que Bérangère et Moi profitions des fastes de la salle du trône et du dortoir au rythme des nombreuses cérémonies de couronnement et des non moins nombreuses siestes que l'on disait sages.
C'est là qu'aux plus chaudes heures de l'été, dans la musique entêtante des cigales nous nous 'apprenions' du bout des doigts jusqu'à ce que notre guetteur - juché sur son muret et en proie à quelque mirage de chaleur - pousse son cri d'alarme d'une puissante voix de fausset.
J'entends encore ses "Ennemis en vue!!" qui nous faisaient tressaillir et nous ramenaient à nos dures responsabilités seigneuriales.
Le seul fenestron percé dans le mur servait de meurtrière, indispensable pour repousser l'ennemi et nous y avons jeté tant de moellons, cailloux, fers à cheval et autres projectiles que chaque été le jardinier du domaine rendait son tablier pour prendre ses jambes à son cou.
Et encore, on voue ici un tel culte à l'huile d'olive qu'il ne nous était jamais venu à l'idée de la faire bouillir!
Etendus à plat dos sur le sol frais, notre regard embrassait l'enchevêtrement en fausse-voûte du plafond charpenté où poutraison, voliges et liteaux offraient le gîte à une horrible colonie d'araignées pholcidae dont les toiles étaient autant de draperies diaphanes.
Bien avant l'invention de l'air conditionné, l'architecte des lieux avait eu l'idée d'installer un puits provençal dont la canalisation souterraine nous apportait une fraîcheur toute relative et plus surement de petits crapauds que je combattais vaillamment sous le regard reconnaissant de ma reine.
Comme par magie, à l'heure où le clocher de la vallée sonnait vêpres, les rayons du soleil traversaient le fenestron pour éclairer un trou de boulin sur le mur opposé. C'était Notre niche où Bérangère et Moi entassions chaque année nombre de trésors et de prises de guerre plus précieux les uns que les autres : gratte-cul, appeaux, sachets de lavande et tabac à chiquer.
Petit Pierre ayant interdiction d'y mettre le nez ou même d'y jeter le moindre regard, il connut la prison plus souvent qu'à son tour!
Sommairement saucissonné au moyen d'une pelote de laine chapardée à mamie, il était mis aux fers ou plus simplement couché sur l'étroite et rugueuse paillasse tandis que ma reine et Moi batifolions aux jardins.
Ce qu'on appelait les jardins se limitait à de maigres carrés cernés de pierres plates où vivotaient thym, lavande et basilic mais ils embaumaient tant qu'on s'y rendait les yeux fermés sans s'y être jamais couronné les genoux.
Après tant d'années notre trésor a été dilapidé, petit Pierre a grandi et sillonne les mers tandis que Bérangère redevenue Elvire règne sur cinq marmots au fin fond du Montana, loin très loin du trône où Moi roi des poireaux, je déposais à ses pieds poèmes enflammés et cerises confites.
samedi 7 janvier 2012
Soeur Sourire
Si les Défis Du Samedi croient m'intimider en m'imposant l'emploi de mots tels que cannetille, mélampyre, jamerose, lophobranches, opoponax, plamotter et éventiller... c'est qu'ils ne connaissent pas le Glaude, roi des cancres, pensionnaire aux Mimosas et Grand Gratteur de papier devant l'Eternel !
Que j'éventillasse
que tu éventillasses
qu'il ou elle éventillât
que nous éventillassions
...
Ah la vache! Elle m'avait pas raté soeur Sourire!
C'est comme ça que j'avais baptisé la prof de français, une vieille trentenaire plate comme une limande et gracieuse comme une porte d'internat.
J'avais soi-disant secoué mes ailes en faisant du "sur place" dans son dos, tel un colibri et je venais d'écoper de trois pages de conjugaison du verbe éventiller.
J'ignorais tout de ce mot qui selon notre harpie était un terme jadis employé en "fausse connerie" ou quelque chose comme ça!
J'avais eu beau - en ce début d'année - promettre de m'intéresser à son cours plus qu'aux jameroses du décolleté de ma pulpeuse voisine, jurer de cesser de me tortiller sur ma chaise tel un lophobranche, j'étais et je restais pour longtemps encore la victime officielle et désignée de soeur Sourire.
Appliqué à graver dans le bois de la table un superbe mélampyre des bois orné de cannetilles d'or, je n'avais pas vu venir mon tortionnaire et ses gros sabots.
Il faut dire pour ma défense que le sujet du jour était aux antipodes de mes centres d'intérêt puisqu'il portait sur l'étymologie des huiles essentielles, balsamiques et terreuses.
La seule huile terreuse mais non essentielle que je connaissais était ce vieil inspecteur d'académie qui nous imposait sa présence chaque année et je n'avais pas souvenir qu'il s'appelait monsieur Opoponax!
En tout cas il n'avait pas son pareil pour extirper le peu de matière grise qui végétait sous nos crânes de cancres! Il appelait ça "Retirer le pain de sucre du moule", ce qui faisait se trémousser soeur Sourire qui s'empressait comme chaque année de traduire cette expression par plamotter.
Que nous plamottassions... que vous plamottassiez... je connaissais ça par coeur pour l'avoir déjà écrit cent fois.
Comme j'attaquais la seconde page du verbe éventiller, je pris alors la résolution de ne plus prendre aucune résolution à l'avenir.
vendredi 6 janvier 2012
Gare aux chambres d'amis
publié sur Les Impromptus Littéraires sur le thème La chambre d'amis
C'était selon leurs dires une chambre d'amis
dont les volets rouillés ne fermaient qu'à demi
sur un beau carrousel, la gare de triage
de quoi vous dégouter à jamais des voyages.
Le sommier éreinté par les kamasutra
érigeait ses ressorts au milieu d'un fatras
d'oreillers fatigués, de plumes d'édredon
qui ressemblait assez à un lit de chardons.
Souhaits de bonne nuit et porte regondée,
vint le moment crucial sous le toit mansardé
où chacun fait son nid à coups de contorsions
et dispute du drap l'ultime possession.
La cloison était mince et nos hôtes bruyants,
les cris des amoureux pour le moins croustillants
nous avons dû compter à défaut de moutons
les assauts répétés du joueur de piston.
Un fringant TGV, un tandem en furie,
le joyeux cheminot, l'aiguillage fleuri,
le butoir de la mort, tout ça menait grand train
permettez qu'épuisé, j'abrège mes quatrains.
Au petit déjeuner, des plus réparateurs
chacun portait sur lui de pesantes valises
mon doigt confituré pointant, accusateur
la gare de triage, ses trains de marchandises.
Rayonnants de bonheur, nos hôtes nous apprirent
que les plus belles nuits sont aussi les plus brèves,
qu'il est des trains de nuit divins à découvrir
et que depuis deux jours la gare était en grève.
C'était selon leurs dires une chambre d'amis
dont les volets rouillés ne fermaient qu'à demi
sur un beau carrousel, la gare de triage
de quoi vous dégouter à jamais des voyages.
Le sommier éreinté par les kamasutra
érigeait ses ressorts au milieu d'un fatras
d'oreillers fatigués, de plumes d'édredon
qui ressemblait assez à un lit de chardons.
Souhaits de bonne nuit et porte regondée,
vint le moment crucial sous le toit mansardé
où chacun fait son nid à coups de contorsions
et dispute du drap l'ultime possession.
La cloison était mince et nos hôtes bruyants,
les cris des amoureux pour le moins croustillants
nous avons dû compter à défaut de moutons
les assauts répétés du joueur de piston.
Un fringant TGV, un tandem en furie,
le joyeux cheminot, l'aiguillage fleuri,
le butoir de la mort, tout ça menait grand train
permettez qu'épuisé, j'abrège mes quatrains.
Au petit déjeuner, des plus réparateurs
chacun portait sur lui de pesantes valises
mon doigt confituré pointant, accusateur
la gare de triage, ses trains de marchandises.
Rayonnants de bonheur, nos hôtes nous apprirent
que les plus belles nuits sont aussi les plus brèves,
qu'il est des trains de nuit divins à découvrir
et que depuis deux jours la gare était en grève.
jeudi 5 janvier 2012
Mousse et la fracture
publié sur MilleEtUne histoires
C'est arrivé un matin d'automne, dans la douce lumière du plateau engourdi à l'heure où tout dort encore.
Les grands arbres qui bordent la crête semblaient s'être tordu le cou à force de se pencher sur l'incroyable forfaiture.
Mousse, la marmotte avait lancé son sifflet matinal mais avec une modulation inhabituelle qui extirpa du lit toute la faune ensuquée.
Sur la terre autrefois dénudée par le passage des bucherons et de leurs terrifiants engins, une longue entaille avait mystérieusement escagassé le terrain durant la nuit.
La termitière matricule 342 avait littéralement disparu dans le profond sillon sans qu'aucune éclaireuse n'ait donné l'alerte!
Mousse prétendait que le yéti avait fini par franchir les sommets enneigés pour venir semer la terreur dans la région.
Au seul mot de yéti, on arma aussitôt une escadrille de faucons pèlerins qui, après avoir survolé le plateau en rase-mottes rendit un verdict implacable. "C'est un culaous, c'est un fossé, une cagade, que dis-je c'est un canyon!" déclama le chef d'escadrille qui avait lu Rostand.
"Isard... comme c'est isard" osa le chamois en tâtant la crevasse de la pointe du sabot "il y a comme une odeur de soufre dans cette rigole".
Et chacun de plonger qui sa truffe, qui son bec dans l'inquiétante faille à la recherche d'un indice.
Le gypaète barbu, quant à lui déclara qu'il s'agissait du salemec, mais personne n'avait jamais vu le salemec monter si haut sur le massif...
Alors qui avait osé? Un cacou? Un baroufeur? Un cono?
En marmonnant dans sa barbiche le dernier des bouquetins grommela qu'il s'agissait précisément d'une fracture sociale, un truc inventé par les 'patou' - des politichiens issus de quelque ancienne campagne - et qui frappait au hasard des forêts en laissant derrière elle une odeur maléfique.
"Et c'est grave? ça peut s'agrandir? Comment ça se répare?" siffla Mousse.
Le vieux bouquetin mastiqua un long moment une touffe de genévrier avant de poursuivre :"Il y aurait bien la discrimination positive mais sur notre cher plateau, c'est pas gagné" - ici tous les animaux ne naissaient pas libres et égaux en droit.
"Et si on rebouchait ça? En s'y mettant tous, ça sera vite fait" proposa le chamois en affutant ses sabots.
Les mouflons protestèrent aussitôt ce qui ne surprit personne étant donné leurs origines corses.
"On pourrait peut-être reparler de la TVA?" proposa le grand tétras.
"C'est quoi la TVA?" osa demander Mousse que l'hibernation avait privée des notions les plus élémentaires pour une marmotte.
"Tu n'as jamais entendu parler de la La Tétras Venture de l'Ariège?" se gaussa le grand tétras... et quand le grand tétras se gausse, la faune se tait.
Ce silence fut interrompu par l'arrivée de Eva - l'ourse brune à lunettes rouges - montée expressément au plateau pour y présenter ses voeux en tant que divinité élevée au panthéon pyrénéen et qui ne sacrifiait jamais à la tradition.
Pour l'heure on avait moins besoin de ses discours que des ses pattes larges comme une pelleteuse et, moyennant trente kilos de champignons et autant de racines, on abrégea les voeux et l'affaire fut entendue.
La fracture sociale du dernier des bouquetins fut espoutie en un instant et chacun retourna à ses occupations c'est à dire à sa sieste.
Une nouvelle termitière baptisée 342bis occupa bientôt les lieux tandis que Mousse du haut de son caillaou continuait à jeter des regards affolés vers les cimes enneigées.
Jamais elle n'avait cru à cette affaire de fracture sociale... son cher plateau était bien au dessus de tout ça!
C'est arrivé un matin d'automne, dans la douce lumière du plateau engourdi à l'heure où tout dort encore.
Les grands arbres qui bordent la crête semblaient s'être tordu le cou à force de se pencher sur l'incroyable forfaiture.
Mousse, la marmotte avait lancé son sifflet matinal mais avec une modulation inhabituelle qui extirpa du lit toute la faune ensuquée.
Sur la terre autrefois dénudée par le passage des bucherons et de leurs terrifiants engins, une longue entaille avait mystérieusement escagassé le terrain durant la nuit.
La termitière matricule 342 avait littéralement disparu dans le profond sillon sans qu'aucune éclaireuse n'ait donné l'alerte!
Mousse prétendait que le yéti avait fini par franchir les sommets enneigés pour venir semer la terreur dans la région.
Au seul mot de yéti, on arma aussitôt une escadrille de faucons pèlerins qui, après avoir survolé le plateau en rase-mottes rendit un verdict implacable. "C'est un culaous, c'est un fossé, une cagade, que dis-je c'est un canyon!" déclama le chef d'escadrille qui avait lu Rostand.
"Isard... comme c'est isard" osa le chamois en tâtant la crevasse de la pointe du sabot "il y a comme une odeur de soufre dans cette rigole".
Et chacun de plonger qui sa truffe, qui son bec dans l'inquiétante faille à la recherche d'un indice.
Le gypaète barbu, quant à lui déclara qu'il s'agissait du salemec, mais personne n'avait jamais vu le salemec monter si haut sur le massif...
Alors qui avait osé? Un cacou? Un baroufeur? Un cono?
En marmonnant dans sa barbiche le dernier des bouquetins grommela qu'il s'agissait précisément d'une fracture sociale, un truc inventé par les 'patou' - des politichiens issus de quelque ancienne campagne - et qui frappait au hasard des forêts en laissant derrière elle une odeur maléfique.
"Et c'est grave? ça peut s'agrandir? Comment ça se répare?" siffla Mousse.
Le vieux bouquetin mastiqua un long moment une touffe de genévrier avant de poursuivre :"Il y aurait bien la discrimination positive mais sur notre cher plateau, c'est pas gagné" - ici tous les animaux ne naissaient pas libres et égaux en droit.
"Et si on rebouchait ça? En s'y mettant tous, ça sera vite fait" proposa le chamois en affutant ses sabots.
Les mouflons protestèrent aussitôt ce qui ne surprit personne étant donné leurs origines corses.
"On pourrait peut-être reparler de la TVA?" proposa le grand tétras.
"C'est quoi la TVA?" osa demander Mousse que l'hibernation avait privée des notions les plus élémentaires pour une marmotte.
"Tu n'as jamais entendu parler de la La Tétras Venture de l'Ariège?" se gaussa le grand tétras... et quand le grand tétras se gausse, la faune se tait.
Ce silence fut interrompu par l'arrivée de Eva - l'ourse brune à lunettes rouges - montée expressément au plateau pour y présenter ses voeux en tant que divinité élevée au panthéon pyrénéen et qui ne sacrifiait jamais à la tradition.
Pour l'heure on avait moins besoin de ses discours que des ses pattes larges comme une pelleteuse et, moyennant trente kilos de champignons et autant de racines, on abrégea les voeux et l'affaire fut entendue.
La fracture sociale du dernier des bouquetins fut espoutie en un instant et chacun retourna à ses occupations c'est à dire à sa sieste.
Une nouvelle termitière baptisée 342bis occupa bientôt les lieux tandis que Mousse du haut de son caillaou continuait à jeter des regards affolés vers les cimes enneigées.
Jamais elle n'avait cru à cette affaire de fracture sociale... son cher plateau était bien au dessus de tout ça!
lundi 2 janvier 2012
Cauchemar
Commencer l'année 2012 par ces mots : "J'ai la main sur la poignée de la porte" , ça
ouvre pas mal de perspectives et ça permet d'abord de rêver...
J'ai la main sur la poignée de la porte...
et je voudrais gronder "Que le diable t'emporte"
j'ai toujours exécré qu'on m'arrache à mon rêve
je sens dans tes sanglots que la nuit sera brève.
J'ai la main sur la poignée de la porte...
ici comme au vieux lit il manque ces deux pieds
qui font que c'est bancal, tordu de telle sorte
que mes alexandrins en sont tout estropiés.
J'ai la main sur la poignée de la porte...
dans tes yeux terrifiés, un diable vocifère
ton petit coeur perdu fait que le mien se serre
Alors tout contre toi c'est en chien-de-fusil
que je m'en vais chasser les monstres de ta nuit
j'ai la main sur ta joue, j'ai mal aux reins, qu'importe...
J'ai la main sur la poignée de la porte...
et je voudrais gronder "Que le diable t'emporte"
j'ai toujours exécré qu'on m'arrache à mon rêve
je sens dans tes sanglots que la nuit sera brève.
J'ai la main sur la poignée de la porte...
ici comme au vieux lit il manque ces deux pieds
qui font que c'est bancal, tordu de telle sorte
que mes alexandrins en sont tout estropiés.
J'ai la main sur la poignée de la porte...
dans tes yeux terrifiés, un diable vocifère
ton petit coeur perdu fait que le mien se serre
Alors tout contre toi c'est en chien-de-fusil
que je m'en vais chasser les monstres de ta nuit
j'ai la main sur ta joue, j'ai mal aux reins, qu'importe...
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