J'écris sous la torture et ça me plait. Parce que j'aime les contraintes, parce que "même grasse, la risette du Mans n'a jamais fait de mal à personne" et parce que "Ne rien dire, nuit gravement à la santé"
lundi 11 juin 2012
Treasure Island ou la mission
© crédit photo : Toncrate
Qui avait bien pu aborder Notre île ce jour-là en volant Notre "Intrépide"? ou plutôt la barque que nous prêtait P'tit Louis moyennant quelques roudoudous ou carambars fruités.
Ce n'était pas le père Gautherot qui ne jurait que par son bateau-passoire souvent entre deux eaux et lui entre deux kirs.
Ce n'étaient pas ces Parigots qui ne venaient jamais en Août, prétextant l'ardeur insoutenable de notre soleil.
Qui osait ainsi pénétrer Notre sanctuaire et peut-être investir Notre cabane et y voler Nos trésors?
De la rive, Faustine n'avait pas tardé à réagir et nous désigna, Blaise et moi volontaires d'office - car nous n'étions qu'un trio de trois - pour une mission de reconnaissance qui s'annonçait des plus dangereuses.
Non pas que la rivière fut trop large ou trop agitée mais le peu d'eau à cet endroit cachait autant de pierres glissantes que de trous sournois où l'on laissait tout à la fois une sandale et notre honneur...
Comme Blaise commençait à flageoler sur ses guiboles, Faustine nous lança son fameux regard bleu électrique qui nous ôtait toute envie de reculer et finissait toujours par nous faire faire n'importe quoi. Ne nous avait-elle pas en guise de guimauve fait croquer de son piment des squelettes?
Le pacte fraîchement signé entre nous au feutre indélébile et qui nous liait à Notre chère île ne pouvait être dénoncé pour si peu, d'autant plus qu'il résistait aux énergiques frictions de nos parents lors de l'incontournable toilette du soir.
On allait devoir retirer nos chaussettes pourtant rarement archi-sèches, s'armer de courage et de solides bâtons pour atteindre le banc de sables mouvants d'où nous gagnerions Notre île si nous sortions indemnes d'un enlisement inévitable.
Le rescapé, si le Ciel le permettait devrait alors se frayer un passage dans la jungle inextricable de buissons, aulnes, saules et épineux qui mangeaient les rives de Notre île et où nous laissions souvent lambeaux d'épiderme et accrocs multicolores.
Notre bravoure - que dis-je, notre héroïsme - se mesurait au nombre d'épines d'acacias et de cloques d'orties que Faustine soignait de ses doigts experts et surtout de cette boue miraculeuse à l'odeur de crottin dont elle seule avait la recette.
J'en étais là de mes poétiques pensées quand un grand splash nous annonça le naufrage de Blaise et sa probable relégation au rang de Triple Andouille, rang que nous occupions à tour de rôle ou simultanément et trop souvent à notre gré!
Le bleu électrique ayant viré au sombre, je ressentis d'un coup tout le poids de la mission sur mes frêles épaules et, ayant désespérément cherché derrière moi un invisible partenaire je souris bêtement à Faustine et quittai ma chère Patrie d'un pas que je voulais assuré.
L'eau était glaciale, couleur des yeux de Faustine et en deux secondes je réalisai que jusqu'aux chevilles je venais de perdre à jamais mes deux pieds.
Quand je repris connaissance, je constatai que l'amputation n'avait pas encore eu lieu. J'étais dans mon lit trempé de sueur sous le regard bienveillant de ma mère, seul remède à ces cauchemars qui peuplaient mes nuits et m'éloignaient de Faustine.
D'ailleurs je fus surpris et mortellement triste d'apprendre que cette année, elle ne viendrait pas...
Publié aux Impromptus Littéraires
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