Publié sur le site Mil
et Une d'après le tableau "Madre" de Joaquim Sorolla
La chose a bougé tout près de moi, comme pour dire "Je suis là moi aussi, ne m'oubliez
pas".
Elle
fait des bruits bizarres, on dirait même qu'elle ronfle! Tomber sur une
ronfleuse, c'est bien ma veine. On aurait pu me
mettre dans un autre lit mais j'ai pas eu le temps de donner mon
avis. Ici c'est pas moi qui décide, j'ai affaire à des pros.
En plus y a du passage ici, un vrai défilé, surtout les blouses blanches du matin, des qui sourient et des qui rigolent
pas.
J'ai l'impression d'être jugée, pesée, évaluée comme dans un concours, et ça m'énerve parce que pour l'instant y a rien à
gagner.
Qu'est ce que j'ai fait pour me retrouver là? Pas grand chose, aucun mal en tout cas.
Ceux qui défilent ici disent que c'est la nature.
Et ça défile tout l'après-midi, des tas de gens mi-sourire mi-grimace qui disent des choses et semblent m'avoir toujours
connue.
Ils m'appellent Anaïs.
Va pour Anaïs, je vais pas faire la fine bouche.
Ils m'observent, me jaugent et disent que je vais sortir bientôt, que tout va bien... bien sûr que je vais bien, d'ailleurs j'ai
jamais su ce que c'est que d'aller mal.
Et puis il y a celui là, toujours le même qui vient tous les jours, qui la cajole et lui chuchote plein de trucs à
l'oreille.
Ce matin il a dit qu'il était mon père et que la chose qui gigote et ronfle à côté c'est ma mère.
Si c'est ça une mère, une chose qui gigote et qui ronfle, ça promet des nuits d'enfer.
J'ai un truc bizarre au milieu du ventre, ça fait comme un noeud, une sorte de pense-bête. Y faudra que j'en parle aux blouses
blanches quand je saurai parler.
D'ailleurs j'aimerais bien qu'on s'occupe un peu plus de moi.
Je pourrais essayer de crier pour voir.
"Ouinnnn!!"
ça marche, on progresse!
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