jeudi 7 août 2014

J'ai craqué

Publié aux Impromptus Littéraires sur le thème de la question Pourquoi? 
 
 
 

 
 
 
 
Pourquoi? Longtemps j'avais attendu cette question et en même temps je la redoutais à chaque interrogatoire qui démarrait avec la toute première sonnerie du réveil-matin (qu'est-ce qui sonne comme ça) jusqu'à mon premier ronflement du coucher (qu'est-ce qui ronfle comme ça) et souvent même la nuit quand elle me réveillait pour me harceler au milieu de mon rêve (qu'est-ce qui rêve comme ça) , car moi je rêvais - bien qu'elle en doutât et qu'elle fit tout pour m'en faire sortir - mais je tenais bon (qu'est ce que tu tiens), j'esquivais avec plus ou moins de facilité tous ses bâtons dans les roues (c'est quoi ces roues) , ses chausse-trappes, ses traquenards, tous ces pièges grossiers qu'elle me tendait subrepticement (c'est quoi subrepti-machin), sournoisement, insidieuse et perfide (qui est perfide, ici) , trop heureuse de semer le doute dans mon esprit, de m'obliger à réfléchir longuement au risque de boire mon café froid, au risque de partir au travail la boule au ventre ou de rentrer à la maison à reculons par peur de croiser son regard inquisiteur (quel regard inquisiteur) et son chignon en bataille (qui a pris mon sèche-cheveux), mais jamais je n'avais éludé aucune de ses sempiternelles questions à propos de ma vie d'avant, de la marque de mes chaussettes, du montant de mon découvert bancaire ou de mon goût démesuré pour les blagues Carambar dont ma préférée “Que se fait un schtroumpf quand il tombe... un bleu” qui ne la fit jamais rire (qui est-ce qui rit), pas même la première fois, et toutes ces autres questions sur la date du prochain contrôle technique (où est le frein à main), du prochain relevé du compteur électrique (qui a encore pris mon sèche-cheveux) ou du dernier bilan sanguin du pépé (que va t'on faire du pépé) et auxquelles je répondais du tac au tac, ce qui déclenchait chez elle une crise aiguë de dermatite atopique (de derma quoi) qui lui faisait des cuisses de homard (c'est comment un homard) et par voie de conséquence une batterie de questions techniques pour lesquelles j'avais dû intégrer un groupe d'éducation thérapeutique en dermatologie situé à l'autre bout de la ville (où ça) et que je fréquentais tard le soir, d'où toutes ces questions soupçonneuses qui m'obligeaient à dîner froid vers minuit (c'est quand qu'on va se coucher) jusqu'à ce qu'un jour ou peut-être une nuit - je ne sais plus - (qui c'est cette Barbara) survienne cette question: Pourquoi? alors j'ai craqué (c'est quoi qui a craqué) et dans un soupir de découragement mêlé de honte j'ai répondu un Parce que.   
 

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