Les Défis Du Samedi s'interrogent... D'où viennent ces personnages qui hantent nos rêves?
J'aime
bien parler avec Djali... enfin quand je dis parler, c'est plutôt un
monologue car elle n'est pas diserte.
Elle
s'exprime en tapant du sabot contre le bois de mon lit ce qui n'est
pas très pratique mais aussi par des bêlements, des plus légers
aux plus profonds selon la tournure que je donne à mon rêve...
On
dit que les personnages des rêves sont idiots et ne sont faits que
pour être maltraités mais je crois que Djali est intelligente et
qu'elle éprouve quelque sentiment à mon égard même si j'ai
parfois envie de la tuer.
Je
sais que je le ferai un jour - même si j'ai horreur du ragoût de
mouton et des caprins en général - c'est pourquoi je ne fais que
des rêves lucides, ceux qui me permettent de garder la maîtrise des
évènements.
Les
rares fois où elle me parle, je m'empresse de me réveiller pour
noter ses paroles mais le rêve s'interrompt, forcément, et je fais
chou blanc à chaque fois...
Je
l'avais trouvée au détour d'un rêve cauchemardesque, l'oeil
triste, le sabot terreux et le poil souillé de sang sêché; un
morceau de corde usée pendait encore à son maigre cou.
A
force de questionnement j'ai pu reconstituer son histoire et celle de
sa défunte maîtresse, une rom dénommée Emeraude, Esméralda ou
quelque chose comme ça, une danseuse d'origine douteuse maquée à
un certain Ismaël Omar Phœbus.
Quant
au chou blanc il est là aussi dans le rêve, un gros chou hollandais
d'où sort un garçon chaque nuit mais jamais de fille.
On
dit que les filles sortent des roses mais il n'y a jamais de roses
dans mes rêves.
Des
sabots d'or de Djali et des ses cornes d'or il ne reste rien qu'une
odeur tenace au petit matin et tout plein de petites crottes noires
et rondes que je conserve sur le tas de fumier du jardin.
Il
parait que les crottes de chèvre bouillies dans du vinaigre soignent
les morsures de serpent, alors je les garde précieusement au cas où
un serpent venimeux s'inviterait dans mon rêve...
Pour
mon prochain rêve - entre Noël et l'Epiphanie - Djali a insisté
pour m'emmener à la Fête des Fous, une fête bizarre, bruyante et
déjantée où les maîtres deviennent domestiques et vice-versa.
C'est
le vice-versa qui me gêne... ça sent le cauchemar.
Depuis
le temps que je balance entre la chèvre et le chou je crois que le
moment est venu de tuer Djali, quitte à tuer le rêve qui va avec.
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