samedi 3 juin 2017

Le Resolute Desk

Publié aux défis du Samedi sur le thème: Xylophage




J'avais trop entendu les anciens évoquer des années de disette à l'heure du formica ou à celle plus récente du plastique pour ne pas avoir envie de me farcir le style suédois au risque de me bousiller les mandibules sur un avsiktlig ou un godmorgon... alors j'avais choisi les formes simples, les courbes discrètes du style Directoire et le charme de ses chapiteaux de feuilles de palme en acajou... Miam Miam

C'est fou ce qu'on peut trouver comme vieilleries dans les musées, c'est pourtant là où j'avais rencontré Vrillette, une jeune gourmande capable de vous grignoter les orteils d'un pied de méridienne sans respirer.
Elle tenait ça de sa grand-mère qui avait parait-il visité toutes les bergères d'un lupanar du XVIème arrondissement de Paris! La grande classe!

Il fallait voir Vrillette creuser ses galeries "dans un fauteuil" si je peux dire et faire d'adorables petits tas de sciure comme un jeu de piste dans les allées désertes où je la suivais à la trace comme un élève docile.
Je me demande où cette menue bestiole pouvait bien mettre tout ça, moi qui me rassasiais d'un bouton de tiroir ou d'une maigre moulure de baldaquin.
Ainsi grâce à Vrillette j'appris tout de ce fabuleux métier de sapeur auquel j'étais destiné mais au fil du temps et des orgies de hêtre et de noyer je sentais bien que Vrillette perdait le moral et donc l'appétit.
Il faut dire que son désir secret, son besoin inassouvi c'était d'aller Outre Atlantique goûter à ce fameux bureau – le Resolute Desk offert par la reine Victoria aux Etats-Unis en 1880 et fabriqué dans le bois d'un navire british sauvé des glaces par les ricains – un bureau de chêne de plus de 220 kilos récemment livré aux frasques du nouvel occupant de la Maison Blanche!
J'eus beau argumenter que là où y'a du chêne y'a pas d'plaisir, je voyais Vrillette dépérir chaque jour, les mandibules désespérément tournées vers son Eldorado.
J'eus beau lui présenter un reste de baldaquin que l'armée de mes congénères convoitait... rien n'y fit.
Elle disparut un matin alors que j'attaquais une commode Louis XV histoire de varier le menu.
J'espère qu'elle aura pu embarquer sur un de ces tas de ferraille qu'on appelle tankers et qu'elle saura ronger son frein car la route est longue vers les amériques...




4 commentaires:

  1. Moi qui me creuse les neurones sur un sujet pour l'Agenda ironique de juin chez les concurrents des ateliers d'écriture chers à Vegas, voici qu'ici, je trouve exactement ce qu'il me faut. Je me demande si je ne vais pas tout simplement faire un "copié-collé" sans piper mot. Après tout, il y a des hommes politiques connus qui ont réussi leur mémoire haut la main en plagiant à qui mieux mieux et en toute discrétion. Le sujet est génial et la tournure appétissante comme toujours ! Haaa, ce Végas, quand il rentrera à l'Académie française, p'être qu'il y aura une enquête sur d'éventuels plagiats mais d'ici là, grâce lui sera rendue , j'aurai eu ma minute de gloire, comme dit Warhol.

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    1. Je n'ai rien prévu contre les "copier-coller" à part agonir ceux ou celles qui me plagieraient en déformant mes propos.
      Alors je croise les doigts en attendant une citation à l'Académie Française :)

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