Publié au Défi Du Samedi sur le thème des gastéropodes
Aujourd'hui
les migrants qui sont aussi mes confrères et consoeurs – puisqu'on
est hermaphrodites – arrivent tout droit et à toute pompe des pays
de l'Est.
Je
mets 'toute pompe' au singulier puisqu'on n'a qu'un seul pied et si
pour nous c'est singulier pour un lecteur bipède c'est curieux...
Je
ne sais pas à quoi sont dopés ceux qui viennent de l'Est pour
courir si vite alors qu'ils sont lestés aux métaux lourds mais on
ne m'ôtera pas de l'idée qu'ils ne bavent pas comme nous ;leur
bave a une drôle de couleur, façon Tchernobyl.
Ils
sont polonais ou roumains – bref, c'est des Roms comme dirait mon
disquaire – alors fatalement notre label “Escargot de Bourgogne”
a perdu de sa superbe et n'est plus qu'une coquille vide.
L'autre
jour j'ai croisé une jeune slimak polonaise – là-bas ils disent
pas escargot mais slimak – elle venait de Krazin en Mazurie et m'a
abordé au prétexte qu'elle cherchait un toit alors qu'elle en avait
un sur le dos; elle ne faisait même pas la taille réglementaire
alors j'ai préféré l'ignorer de peur d'être accusé de
détournement de mineure.
Par
contre il parait qu'en Floride les escargots géants d'Afrique sont
si gros qu'ils ne tiennent pas dans la main.
Les
escargots d'Afrique sont-ils farcis au beurre noir? Je cherche encore
la réponse.
Autrefois
mes aïeux naissaient, vivaient et mouraient chez nous, je veux dire
ici sur les rives du canal de Bourgogne, ou dans les rangs de vigne
ou dans un potager, un vrai potager avec de vraies salades où on
venait nous cueillir avec délicatesse sauf entre avril et juin où
on nous foutait une paix royale.
C'était
notre jungle à nous et bien avant que les pesticides ne viennent
nous empoisonner la vie en semant la mort, on y vivait comme des
sauvageons, des rustres, des bêtes à cornes herbivores, des
buffles, des gnous... d'accord, j'ai un peu exagéré.
Faut
dire que les malheureux qui fréquentaient les rangs de vigne ont
beaucoup souffert du sulfatage car entre l'escargot et le mildiou,
les viticulteurs avaient choisi le mildiou et sorti la sulfateuse à
bouillie bordelaise.
De
la bouillie bordelaise en Bourgogne! Si c'est pas un sacrilège, ça.
Notre
PDG, le Pape Des Gastéropodes avait bien tenté – toutes cornes
dressées – de s'insurger contre cette ignominie auprès des
autorités mais il avait fini tout naturellement... au beurre
persillé.
Je
sens bien que la recette vous intéresse, alors la voilà mais ne la
refilez pas à n'importe qui : échalotes, ail, persil, sel, poivre
et une noix de beurre. Farcissez-nous la baraque!
Et
la crémation, ça vous intéresse, alors voilà : Thermostat 8, ni
plus, ni moins, j'insiste sur le 8 car c'est du grand art, du niveau
Top Chef et pas du bricolage.
Ça
vous fait baver, hein? C'est bien normal... nous aussi.
Au
moins, nous les Gros Blancs survivants on savait mourir dignement,
gastronomiquement, gastéropodiquement dans ce grand plat de
cagouilles servi pour les enterrements.
Que
vous le croyiez ou non, on nous servait religieusement persillés
avec un sachet de cendres pour la cuisson, en hommage aux cendres du
défunt et ça finissait toujours en chantant comme pour un banquet
de vendanges ou un mariage.
On
fêtait la mort jovialement et pour conjurer ce funeste sort qui vous
flanque pour l'éternité au fond d'un cimetière communal il y avait
toujours un gai luron pour dérider la famille en deuil avec ce bon
mot : ”Si haut qu'on monte, on finit toujours par des cendres”,
il y avait toujours un violoneux ou un accordéoneux pour mettre
l'ambiance et lancer le ban bourguignon, vous en avez entendu
parler... «Lala, lala, lalalalalère...», cinq notes, deux
onomatopées, neuf claquements de mains... non ?
Laissez
tomber, je vous raconterai ça une autre fois car j'aperçois un
groupe de migrants patibulaires qui tournent autour de mon pissenlit
:”Bas les pattes!!”
Cagouilles, lumas, Hélix, colimaçons unissez vous...
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