Publié aux Impromptus Littéraires
« Ah
bah, maint'nant, elle va m'aller beaucoup moins bien, forcément ! »
pleurnicha t-elle, façon Bourvil.
Pourquoi ne
pouvait-elle pas s'empêcher de citer ces répliques cultes dont
certains nous rebattent les oreilles... mais la vie, ma poulette,
c'est pas du cinoche.
Je me
rendais compte que j'y étais allé un peu fort mais c'était d'abord
la faute à ce mignon petit nœud noir à l'entre-bonnet, cet
affriolant drapé de tulle, ce laçage raffiné et toute cette
dentelle qui dégueulait sur le devant et dans le dos aussi...
désolé, moi je ne fais pas dans la dentelle.
Si ce
n'était cette moue enfantine qui venait de me faire craquer, je
n'aurais pas aimé du tout son œil noir chargé de reproches qui
tendait à faire de moi le pire des salauds.
“Faut
r'connaître... c'est du brutal” dit-elle et elle cita aussitôt
Les Tontons Flingueurs avant que je m'énerve tout à fait.
Pourtant à
aucun moment dans nos violents ébats elle n'avait semblé préoccupée
par sa guêpière, ce maudit rempart entre nos deux épidermes que je
détestais plus que tout.
« Trente
quat' euros à La Redoute » insista t-elle pingrement en
expertisant les dégâts.
Tel un
lance-pierre, une jarretelle pendouillait au lustre à pampilles
comme un reproche au dessus de ma tête.
Au jeu des
répliques j'étais nul mais je tentai quand même un « Mais tu
ne comprends pas... je suis un homme » que j'avais entendu dans
Certains l'aiment chaud.
Le retour
de bâton arriva, assommant : « Et alors, personne n'est
parfait !». Elle avait dû entendre ça plein de fois ou alors
ça n'était pas une réplique et ça dépassait les bornes.
Qu'est-ce
qu'elle s'imaginait? Que j'allais l'emmener chez Darjeeling faire
repriser les dégâts?
J'ai eu
soudain envie de rire.
« Et
ça t'fait marrer? » protesta t-elle en se drapant d'un bout de
drap.
« Oui
ma jolie! Je tiens enfin mon sujet ! »
« C'est
dans quoi ça? Je tiens enfin mon sujet ? »
J'ai bombé
le torse: « C'est dans rien. C'est le sujet des Impromptus...
Les beaux dégâts »
“Commence
par finir c'que t'as commencé!” répliqua t-elle.
Comme je me
précipitais sur elle, elle bondit hors du lit, nue et échevelée:
“Non mais ça va pas? C'est dans l'Voyage de Shihiro! Qu'est-ce que
tu croyais?”
Je
commençais à en avoir marre de ses devinettes, de son Shihiro et de
ses dessous à trente quatre euros!
“La
prochaine fois, mets du solide... ou plutôt ne mets rien” lui
lançai-je à la figure.
Elle devint
blanche: “La prochaine fois y aura pas d'prochaine fois”.
Son cou
était de la même blancheur, un de ces cous graciles... et mes
doigts s'étaient mis à fourmiller de mille picotements.
Elle dut
lire une interrogation dans mon regard: “Ça
c'est dans Les Sopranos...”
J'allais
serrer, mais elle a bredouillé: ”Déconne pas... si t'as pas vu la
saison Cinq, tu peux pas d'viner”
Bien sûr
que je n'avais pas vu la cinquième saison... comme si j'ignorais
qu'il n'existe que quatre saisons!
Rien que
pour ce mensonge, moi qui ne sais rien faire de mes dix doigts -
comme on m'avait toujours répété - j'ai failli serrer et puis j'ai
lâché son cou pour chercher cinquante euros dans une poche.
“Tiens
pour tes beaux dégâts...” ai-je lâché avant de claquer la
lourde.
“Hé!!
C'est qui cet impromptu?”
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