Publié aux Impromptus Littéraires qui se demandent: "Comment ne penser à rien?"
Je
ne pense à rien, ne me demandez pas comment je fais, je n'en sais
rien et je ne tiens pas à le savoir, je n'y pense pas c'est tout, ça
m'évite de cogiter.
Comment
ça, c'est justement la question?
Alors
disons que c'est inné, déjà tout petit on n'arrêtait pas de me
reprocher “Tu ne penses à rien, tu ne penses à rien” comme si
c'était une tare.
Moi
je pense que c'est un atout, c'est d'ailleurs ma devise : Je pense
atout, je pense à rien.
Je
dis simplement que quand on voit ce qu'on entend et qu'on entend ce
qu'on voit ou bien le contraire, on a tout intérêt à ne penser à
rien... et je le pense sincèrement.
Pourtant
c'est plus fort que vous (pas moi) il faut que vous pensiez et
certains poussent le vice encore plus loin comme Jules Renard qui a
osé dire “Penser ne suffit pas, il faut penser à quelque chose”
!
Si
en plus il faut penser à ce à quoi on va penser, je suis soulagé
de ne pas avoir commencé, et puis j'ai appris à me méfier des
petits malins qui s'appellent Renard.
J'ai
connu des tordus, des handicapés du bulbe qui faisaient des noeuds à
leur mouchoir pour repenser plus tard à la raison d'avoir fait un
noeud. Je trouve ça débile et je ne suis pas seul à le penser
puisque les mouchoirs ont disparu.
Quand
on voit cet autre type dans le dénuement le plus total, tourmenté,
prostré dans une posture ridicule mais universellement connue qui
consiste à soutenir sa tête avec sa main... on se demande à quoi
pensait Rodin, son Auguste créateur.
Quand
on pense aussi qu'un dénommé Blaise Pascal écrivit à la main une
montagne de notes - certains disent que ça n'était qu'un essai -
qui ne furent publiées qu'après qu'il en soit mort, ça ne donne
vraiment pas envie de penser.
Il
pensait entre autres que l'homme est misérable, tourné vers son
passé et ce péché original qui fait qu'on a tous une pomme
d'Adam... tu parles d'une originalité! J'ai lu quelque part que les
femmes en ont une alors que la number one ne s'appelait même pas
Adam.
Il
aurait soi-disant écrit “L'homme est un roseau pensant” mais
quand on sait qu'il existe plus de quatre vingt versions différentes
de ses pensées je dirai qu'il est plus probable qu'il ait écrit
“l'homme est un roseau penchant et la femme un roseau dépensant”.
L'autre
jour alors que je ne pensais à rien, j'entends un gars brailler à
la radio ”Vous n'aurez pas ma liberté de penser...”. Quand on
voit ce qu'on entend... ça, je crois l'avoir déjà dit, je dis que
la vraie liberté c'est de ne pas penser.
J'ai
un pote qui est lad - garçon d'écurie - mais pas par vocation car
il voulait être disque jockey mais son disque était trop grand,
bref, à chaque fois que je le vois il me rabâche la même chose “Je
suis heureux, je panse donc j'essuie” et ça le fait marrer.
Tant
mieux pour lui si ça le fait rire - entre parenthèses il a un rire
chevalin - mais moi aussi je suis heureux.
Ne
me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien... je sais juste que
c'est le thème et que vous m'avez déjà posé la question.
A
quoi pourraient bien servir soixante mille pensées qui naissent
chaque jour dans notre petit cerveau pour y mourir le lendemain,
remplacées par soixante mille autres? A rien?
C'est
bien ce que je pensais.
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