lundi 9 novembre 2015

Je panse donc j'essuie

Publié aux Impromptus Littéraires qui se demandent: "Comment ne penser à rien?"




Je ne pense à rien, ne me demandez pas comment je fais, je n'en sais rien et je ne tiens pas à le savoir, je n'y pense pas c'est tout, ça m'évite de cogiter.
Comment ça, c'est justement la question?
Alors disons que c'est inné, déjà tout petit on n'arrêtait pas de me reprocher “Tu ne penses à rien, tu ne penses à rien” comme si c'était une tare.
Moi je pense que c'est un atout, c'est d'ailleurs ma devise : Je pense atout, je pense à rien.
Je dis simplement que quand on voit ce qu'on entend et qu'on entend ce qu'on voit ou bien le contraire, on a tout intérêt à ne penser à rien... et je le pense sincèrement.
Pourtant c'est plus fort que vous (pas moi) il faut que vous pensiez et certains poussent le vice encore plus loin comme Jules Renard qui a osé dire “Penser ne suffit pas, il faut penser à quelque chose” !
Si en plus il faut penser à ce à quoi on va penser, je suis soulagé de ne pas avoir commencé, et puis j'ai appris à me méfier des petits malins qui s'appellent Renard.

J'ai connu des tordus, des handicapés du bulbe qui faisaient des noeuds à leur mouchoir pour repenser plus tard à la raison d'avoir fait un noeud. Je trouve ça débile et je ne suis pas seul à le penser puisque les mouchoirs ont disparu.

Quand on voit cet autre type dans le dénuement le plus total, tourmenté, prostré dans une posture ridicule mais universellement connue qui consiste à soutenir sa tête avec sa main... on se demande à quoi pensait Rodin, son Auguste créateur.

Quand on pense aussi qu'un dénommé Blaise Pascal écrivit à la main une montagne de notes - certains disent que ça n'était qu'un essai - qui ne furent publiées qu'après qu'il en soit mort, ça ne donne vraiment pas envie de penser.
Il pensait entre autres que l'homme est misérable, tourné vers son passé et ce péché original qui fait qu'on a tous une pomme d'Adam... tu parles d'une originalité! J'ai lu quelque part que les femmes en ont une alors que la number one ne s'appelait même pas Adam.
Il aurait soi-disant écrit “L'homme est un roseau pensant” mais quand on sait qu'il existe plus de quatre vingt versions différentes de ses pensées je dirai qu'il est plus probable qu'il ait écrit “l'homme est un roseau penchant et la femme un roseau dépensant”.

L'autre jour alors que je ne pensais à rien, j'entends un gars brailler à la radio ”Vous n'aurez pas ma liberté de penser...”. Quand on voit ce qu'on entend... ça, je crois l'avoir déjà dit, je dis que la vraie liberté c'est de ne pas penser.

J'ai un pote qui est lad - garçon d'écurie - mais pas par vocation car il voulait être disque jockey mais son disque était trop grand, bref, à chaque fois que je le vois il me rabâche la même chose “Je suis heureux, je panse donc j'essuie” et ça le fait marrer.
Tant mieux pour lui si ça le fait rire - entre parenthèses il a un rire chevalin - mais moi aussi je suis heureux.
Ne me demandez pas pourquoi, je n'en sais rien... je sais juste que c'est le thème et que vous m'avez déjà posé la question.
A quoi pourraient bien servir soixante mille pensées qui naissent chaque jour dans notre petit cerveau pour y mourir le lendemain, remplacées par soixante mille autres? A rien?
C'est bien ce que je pensais.

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