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Tag by Guillaume |
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Encore at Wynn Las Vegas |
Il fallut se rendre à
l'évidence, les PHAREs avaient traversé le tunnel une fois de
plus.
On les appelait les PHAREs pour désigner plus simplement
ces Petits Hommes Au Regard Écarlate qui venaient de la tour jumelle
du Wynn par le tunnel.
Depuis que le billet vert ne valait plus un
kopeck, faisant fuir le peuple Tourista, le désert de Vegas
autrefois si grouillant de vie avait été désertifié.
Comment
en était-on arrivé là?
Toujours est-il que la grande
désertification avait ruiné et poussé au suicide tous ceux qui
régnaient sur l'Empire du Vice, obligeant le Commandant à se
retrancher dans l'immense tour de verre du Encore.
On l'appelait le
Commandant à cause de son éternelle tenue de cosmonaute empruntée
au Neil Armstrong du musée de Madame Tussauds au Venetian.
"Combien sont-ils
cette fois-ci?" s'inquiéta le Commandant en jetant un regard
inquiet depuis sa suite du 45ème étage.
Vu d'en haut le Strip
déserté ressemblait à une piste d'atterrissage abandonnée où nul
survivant n'osait s'aventurer.
Depuis longtemps les
fontaines du Bellagio avaient cessé leur impressionant ballet et les
voix de Pavarotti et d'Elvis s'étaient tues à jamais.
Son aide
de camp - un bookmaker au chômage réchappé du Treasure Island - le
regarda, incrédule :"Difficile à dire mon Commandant. On peut
faire comme d'habitude, compter leurs yeux et diviser par deux mais
je crains que quelques borgnes ne se soient encore traîtreusement
glissés parmi eux"
Les borgnes étaient devenus l'obstacle
numéro 1 à l'éradication des PHAREs.
Dérèglement génétique,
branchement défectueux ou ruse? Personne n'en savait rien et ne pas
pouvoir dénombrer ses ennemis c'était à moyen terme la défaite
assurée.
"Encore" explosa le Commandant...
Il
répugnait à prononcer ce mot qui lui rappelait trop leur prison de
verre mais c'en était trop.
Les PHAREs n'étaient visibles que la
nuit ce qui ne facilitait pas la chasse et le jour ils passaient en
mode économie d'energie pour pouvoir durer et devenaient
quasi-indétectables.
“J'ai les jetons”
soupira l'aide de camp mais la blague était usée – qui se
souciait des jetons aujourd'hui – et personne ne la releva...
Si
celui qu'on appelait l'Ingénieur n'avait pas découvert le moyen de
rendre comestible l'immense réserve de billets verts stockée dans
les coffres du casino, ils seraient tous morts de faim
aujourd'hui.
Les PHAREs n'étaient pas agressifs, seulement
envahissants et n'en voulaient qu'à leur secret de fabrication du
Gloups dans lequel on plongeait les billets pour les rendre digestes.
Dans les sous-sols
sécurisés transformés en cuisine géante, les liasses mijotaient
dans des marmites de Gloups fumantes sous l'oeil critique de la
cuisinière en chef, une certaine Déline Cion qu'on avait sauvée in
extremis du Caesars Palace.
Comme elle goûtait un Benjamin de cent dollars croustillant, la voix du Commandant
résonna dans l'interphone :”Tu peux monter, Déline?”
“Encore” soupira
Déline en remettant de l'ordre dans son chignon avec une moue
d'agacement.
Elle aussi répugnait à
prononcer ce mot qui lui rappelait trop leur prison de verre.
En passant par la boutique
Dior passablement pillée, elle trouverait bien de quoi se refaire
une beauté...
A peine eut-elle terminé
de verrouiller le sas blindé qu'un bruissement furtif la fit se
retourner.
Dans la pénombre du
sous-sol ils étaient là, deux, trois, peut-être trois et demi...
enfin quatre, elle n'eut pas le temps de compter tous ces yeux qui
brillaient d'un éclat inhabituel.
Elle les avait souvent
observés depuis la suite du Commandant mais sans jamais les voir de
si près...
Surtout ne pas paniquer...
appuyer sur le bouton d'alarme dont ils s'étaient tous équipés...
les autres seraient là rapidement pour la secourir.
Déline chercha
nerveusement le petit boitier au fond de ses poches.
Rien ! Elle faillit crier.
Crier... elle savait
faire. Elle l'avait fait si souvent juste en face sur la scène du
Colosseum.
Machinalement elle
entonna: “J´irai chercher ton âme dans les froids... dans les
flammes”
Les PHAREs avaient l'air
de s'en foutre.
“Je te jetterai des sorts...”
Déline eut même
l'impression qu'ils ricanaient.
“Pour que tu m'aimes
encore... encore... Encore”
Sa voix s'étrangla tandis
que les yeux écarlates dardaient leurs lasers brûlants.
Elle hurla :”ENCORE!”
“Ma chérie,
calme-toi... ce n'est qu'un mauvais rêve”
Penchés sur elle, David
et les enfants la regardaient avec un mélange d'étonnement et de
compassion.
Au plafond, le
radio-réveil renvoyait deux gros points rouges clignotants...