Si
étymologiquement les Béatrice apportent le bonheur, Béatrice
Bougredane attirait surtout les catastrophes.
Née
Triplebuse par sa mère et Bougredane par son père, elle avait bien
failli se prénommer Brigitte mais on était en 1963 – l'année des
Béatrice – et chez les Bougredane on ne rigolait pas avec ça.
Le
destin en avait décidé ainsi: elle aurait tout aussi bien pu
s'appeler Bougredonagre ou Bougremulet, Baudet ou encore Bardot, mais
flanquée de ces deux initiales B B, Béatrice Bougredane était bien
décidée à conquérir le monde contre vian et marais.
Tous
ces mannequins des magazines lui tournaient la tête et s'il n'avait
pas fallu coucher Dieu sait où, elle serait devenue actrice de
cinématographe mais elle aimait trop sa chambre et son lit douillet
à la couette à carreaux vichy rose.
Et
puis elle aimait son confort et n'aurait pas eu la force 'alain star'
de cette Béatrice Pavé qui tournait le matin par plus de 37 degrés!
On
lui propose de faire la couverture de Modes&Travaux et elle
accepte à condition que ce soient des carreaux rose; elle en
tricotera trois cent douze avant de déclarer une tendinite du
coude... elle déclarera justement : “J'ai attrapé un knitting
elbow”.
C'est
ainsi qu'elle épouse son kiné, un certain Roger Va-Le Bourget et
élargit son cercle d'amies parmi lesquelles Ursula Enrobe, Claudia
Evêque, Michèle Mords-mitaines, Sophia Alsace et quelques autres
aussi gratinées.
C'est
pourtant Marlène De Dietrich – mariée à un industriel de la
pompe à chaleur – qui lui mettra le pied à l'étrier et non pas
la bride sur le cou; elle lance la mode du matelas gonflable “Le
Repos du guerrier” mais l'affaire s'essouffle et B B aussi.
Son
couple explose, elle quitte Roger pour épouser Sean Sottise au
mépris de ses initiales S S!
C'est
qu'elle est courageuse la Béatrice.
Retirée
des affaires – comme on dit dans les clubs d'effeuillage – elle
se consacre à la protection de l'uroplatus phantasticus, un
gecko de Madagascar, seul spécimen qui se ramasse à la pelle tant
son mimétisme est parfait avec la feuille d'automne.
Son
action inspirera plus tard le grand poète Jack GreenField et
réconciliera Béatrice avec une vie qui lui en avait été si peu
reconnaissante.
Elle
goûte aujourd'hui un repos bien mérité dans sa drague – elle dit
ma drague – où elle a installé la tribu des Bougredane.
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